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Maladie d’Alzheimer : l’activité physique pour réduire les risques de déclin cognitif

Aujourd’hui, il est acquis que l’activité physique contribue à une bonne santé cérébrale à tous les âges de la vie. A raison de 2h30 par semaine, elle permettrait même de réduire de plus de 30% le risque de développer des troubles cognitifs. Le point avec Dre Marion Lévy, responsable études et recherche à la Fondation Vaincre Alzheimer 

08/07/2024 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Neurologie
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Egora : Selon l’OMS, plus de 55 millions de personnes sont atteintes de démence dans le monde actuellement, et la maladie d’Alzheimer serait à l’origine de 60% à 70% des cas. En quoi la prévention est-elle un moyen d’action majeur pour lutter contre cette maladie ?

Dre Marion Lévy : L’impact de la prévention est indéniable. En ce sens, un rapport du Lancet datant de 2020 liste les facteurs de risques modifiables pour la prévention du déclin cognitif. Au nombre de 12, ils seraient responsables d’environ 40% des maladies neurocognitives actuelles qui pourraient donc être évitées ou retardées. Parmi eux, on retrouve notamment l’HTA, l’obésité, la sédentarité, le diabète, le tabagisme et l’isolement social. C’est la raison pour laquelle un des objectifs de la Fondation Vaincre Alzheimer est d’informer mais aussi de sensibiliser sur la prévention. D’autant plus qu’on sait aujourd’hui que la maladie débute 15 à 20 ans avant l’apparition des premiers symptômes. Une prévention efficace passe par la prise en charge du risque cardiovasculaire et la pratique d’une activité physique (AP) adaptée et régulière, associées à une alimentation saine et à une stimulation mentale soutenue.

 

Comment expliquer le déclin plus ou moins rapide des fonctions cérébrales et cognitives selon les individus ?

Bien que la maladie d’Alzheimer se caractérise par deux lésions que sont la dégénérescence neurofibrillaire et les plaques amyloïdes, cette pathologie reste complexe et comporte d’autres causes d’apparition comme une dérégulation de la neuroinflammation, un dérèglement au niveau du métabolisme cellulaire ou encore des facteurs génétiques. On peut donc émettre l’hypothèse selon laquelle la vitesse du déclin diffère en fonction de chaque cas. Une autre hypothèse tend à considérer que comme cette maladie touche particulièrement les personnes âgées, des comorbidités associées peuvent elles aussi jouer un rôle sur la progression de la maladie.

 

Selon plusieurs études, 2h30 d’AP par semaine permettrait une réduction considérable du risque de développer des troubles cognitifs ?

Oui, ce sont les résultats de nombreuses études qui ont été menées dans divers pays. Les personnes pratiquant une AP modérée ou intense réduisent d’environ 30% leur risque de développer une maladie neurocognitive par rapport à celles qui n’en pratiquent que très peu (1) (2). En théorie, une activité modérée s’entend comme celle qui mobilise entre 50 et 70% de la fréquence cardiaque maximale quand une activité dite intense varie entre 70 et 85%. Marche à pied, natation, jardinage, l’AP choisie doit avant tout être adaptée à chacun et « plaisante » pour en favoriser au maximum l’observance sur le long terme. Le yoga et le renforcement musculaire sont aussi indiqués dans l’idée de diminuer les chutes qui se font plus fréquentes à partir d’un certain âge.

 

Si l’exercice physique peut donc être considéré comme un facteur de santé diminuant les risques d’occurrence et réduisant les effets délétères de certaines pathologies neurodégénératives, en connaît-on les mécanismes neuronaux ?

De manière générale, la vieillesse et la maladie d’Alzheimer sont marquées par une diminution de l’afflux sanguin cérébral. Or l’AP joue sur le débit sanguin cérébral et permettrait ainsi d’éviter sa réduction. Sur la question de savoir comment l’expliquer, les hypothèses sont nombreuses. Mais tout ce qui est mécanistique est finalement assez difficile à prouver chez l’humain, la plupart des études sur ce sujet étant fondamentales ou précliniques. Une des hypothèses avancées serait que l’AP pourrait jouer un rôle clé sur l’angiogenèse, c’est à dire la formation de nouveaux vaisseaux sanguins cérébraux mais également avoir un impact sur les vaisseaux déjà existants. Ce dernier phénomène favoriserait la vasodilatation et la coagulation, processus de protection du vieillissement vasculaire à travers le débit sanguin cérébral. Par ailleurs, l’AP induirait à la fois la neurogénèse mais aussi le maintien d’un environnement sain pour les neurones grâce à la production de la molécule BDNF (brain-derived neurotrophic factor). L’AP permettrait ainsi de prévenir la diminution du volume de certaines régions du cerveau pouvant être observée avec l’âge. Enfin, de nombreuses études précliniques (3) ont montré que pratiquer une AP régulière pouvait réguler la neuroinflammation, réponse immunitaire qui se produit dans notre cerveau et dont l’objectif est de le protéger de possibles agressions par des agents pathogènes.

 

Quel est l’impact de l’AP sur la neuroinflammation ?

La neuroinflammation est en partie pilotée par des cellules cérébrales appelées cellules microgliales qui produisent des molécules protectrices (anti-inflammatoires) et des molécules délétères (pro-inflammatoires). Lorsque la neuroinflammation est à l’équilibre, les cellules microgliales produisent autant de molécules anti-inflammatoires que de molécules pro-inflammatoires. Mais cet équilibre est fragile et peut facilement être perturbé avec l’âge et en cas de maladies neurocognitives comme la maladie d’Alzheimer. Lorsque la neuroinflammation est perturbée, les cellules microgliales vont produire des molécules pro-inflammatoires en plus grande quantité et ainsi rendre l’environnement toxique, entraînant la mort de certains neurones et ainsi favoriser le déclin cognitif. L’AP permettrait donc de réguler cette neuroinflammation. Ce constat s’expliquerait par l’effet de l’AP sur la barrière hématoencéphalique qui se fragilise avec l’âge. Aussi, elle laisse passer plus de molécules délétères pour le cerveau, conduisant à une augmentation de la neuroinflammation. Pratiquer une AP régulière permettrait de renforcer cette barrière. Par ailleurs, lorsqu’ils sont activés, nos muscles produisent des myokines, molécules agissant sur nos cellules microgliales en les conduisant à exercer leur rôle anti-inflammatoire dans le cerveau. Un environnement plus favorable qui éviterait ainsi la mort des neurones et le déclin cognitif qui y est associé.

La Dre Lévy déclare n’avoir aucun lien d’intérêts

Sofi F., et al. J Intern Med. (2011). 269(1): 107-117.

Guure C. B., et al. Biomed Res Int. 2017: 9016924

Minghui Wang, et al. Journal of Neuroinflammation (2023) 20:76

             

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