Une étude menée à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) témoigne de la nécessité de ne pas considérer les patients suicidants comme un groupe homogène, tant dans les études épidémiologiques que dans la mise en place de stratégies de prévention.
Environ 80% des personnes ayant commis une tentative de suicide sont vues au sein des services d’urgence. Cependant, peu de travaux de recherche se sont intéressés aux caractéristiques démographiques et cliniques de ces patients. C’est pour en savoir plus qu’une étude pilote a récemment été menée par les équipes du Groupement hospitalier Paris Psychiatrie & Neurosciences et du service des urgences de l’hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP), sous la coordination du Dr David Duroy, et des Prs Enrique Casalino et Michel Lejoyeux. Les résultats, publiés dans la revue Psychiatry Research, ont été obtenus auprès de 168 patients vus après une tentative de suicide par les équipes des urgences psychiatriques. Parmi les 168 patients volontaires inclus (dont deux tiers de femmes), les chercheurs ont distingué deux groupes de patients à haut risque suicidaire : - d’une part, les patients récidivistes (51 %), qui ont été comparés aux primo-suicidants ; - d’autre part, les patients dont le principal motif de passage à l’acte était la volonté de mourir (36 %), qui ont été comparés aux patients invoquant tout autre motif, tel que l’appel à l’aide, le besoin de soins, de repos, de mise à distance, ou la volonté d’adresser un message à leur entourage. Les résultats de cette étude n’ont pas mis en évidence d’association entre la récidive et la volonté de mourir et suggèrent, au contraire, que ces deux groupes de patients pourraient présenter des profils cliniques et des parcours de prise en charge distincts. Les diagnostics d’épisode dépressif caractérisé ou de symptômes psychotiques ne permettaient pas de caractériser ces deux groupes de patients. Comparés aux primo-suicidants, les patients récidivistes étaient plus nombreux à avoir déjà bénéficié d’une prise en charge psychiatrique ou psychologique au cours des six derniers mois et à avoir déjà été hospitalisés en psychiatrie. Ce n’était pas le cas des patients ayant souhaité mettre fin à leurs jours, qui rapportaient pourtant plus d’idées suicidaires au cours du mois précédant le passage à l’acte. Suite au passage aux urgences, ces derniers étaient d’ailleurs plus souvent hospitalisés dans un service de psychiatrie, que suivis en ambulatoire. Pour ces patients en particulier, le passage aux urgences pourrait donc être un point d’entrée dans le système de soins. Leur venue et, éventuellement, leur hospitalisation subséquente, représenteraient ainsi des moments privilégiés pour prévenir les idées suicidaires et la récidive. Chaque année, en France, 10000 personnes mettent fin à leur jour et près de 200000 personnes commettent une tentative de suicide (Observatoire national du suicide). On estime qu’en France, environ 3 personnes sur 100 ont déjà commis au moins une tentative de suicide au cours de leur vie, prévalence qui reste parmi les plus élevées d’Europe.
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