Tests sérologiques contre le Sars-CoV-2 : quand et comment les utiliser?
Lors d’une infection par le virus Sars-CoV-2, la réponse immunitaire est triple. Mais ce n’est que dans certains cas que cette réponse immunitaire peut être mesurée en laboratoire. Ainsi, la réponse au Sras-CoV-2 est tout d’abord locale lors de la contamination, où elle fait intervenir les cellules présentes au niveau de la muqueuse. Elle est, à ce stade, médiée par les IgA. Cette réponse innée n’est pas mesurable. La réponse est ensuite systémique, acquise, d’une part humorale avec synthèse d’anticorps qui sont eux quantifiables en routine dans tous les laboratoires d’analyses médicales, et d’autre part cellulaire avec une réponse des lymphocytes T. Cette dernière réponse peut être recherchée dans certains laboratoires uniquement. Quelle utilité des tests sérologiques ? Les tests sérologiques détectent des anticorps synthétisés après stimulation immunitaire qu’elle soit post-infectieuse ou post-vaccinale. On distingue les tests quantitatifs réalisés en laboratoire des tests qualitatifs réalisés notamment en centre de vaccination qui informent tous les deux de la présence ou non d’anticorps. En laboratoire, les sérologies mesurent une quantité d’anticorps mais ne donnent pas d’information sur l’efficacité des anticorps. Dès lors, quels tests pour quelle information ? L’intérêt principal des sérologies quantitatives ou qualitatives réside dans la prise en compte d’une positivité pour adapter un schéma vaccinal ou chez les immunodéprimés pour évaluer l’efficacité de la vaccination. Les questionnements légitimes de savoir le degré de protection vis à vis du virus en fonction de la valeur des anticorps restent en suspens. On ne peut pas aujourd’hui prédire une durée d’immunité avec un résultat positif de sérologie. Dans ce contexte, la sérologie n’est pas contributive. A l’heure actuelle, la seule information que donne la sérologie est la présence d’une réponse immunitaire suite à une infection ou une vaccination. Les tests mesurant l’efficacité des anticorps ou l’immunité cellulaire restent quant à eux, du domaine des laboratoires spécialisés. Les différents tests sérologiques
- Sérologie quantitative versus test de neutralisation ?
Les infections et les vaccins entrainent la synthèse d’anticorps quantifiables en laboratoire de biologie. La mesure de leur efficacité passe par l’étude de leur pouvoir de neutralisation du virus. Les dosages des anticorps permettent juste d’indiquer s’il y a eu une réponse immunitaire humorale et en cas de présence d’anticorps, de mesurer leur taux. C’est une réponse quantitative. Les anticorps dont on est sûr qu’ils exercent un effet protecteur sont les anticorps neutralisants. Les tests de neutralisation ne sont pas réalisés en routine dans les laboratoires. En effet, ce sont des tests spécialisés qui déterminent la capacité des Ac à prévenir l’infection contre le virus in vitro. Ils mesurent l’inhibition de la croissance virale en culture cellulaire en présence du sérum du patient. Ces tests requièrent des équipements spéciaux disponibles que dans certains laboratoires de référence. Les études montrent qu’il y a une bonne corrélation entre le niveau des anticorps et les niveaux de neutralisation (3-6).
- Sérologie en laboratoire ou Trod ?
On distingue les tests immunochimiques réalisés en laboratoire et les tests rapides d’orientation diagnostique (Trod). Les Trod détectent la présence ou non des anticorps totaux voir des IgG ou des IgM selon les kits. Ce sont des tests qualitatifs. Les tests sérologiques réalisées en laboratoire sont plus performants en termes de sensibilité et spécificité que les Trod, ils donnent des résultats quantitatifs et sont validés par des médecins ou pharmaciens biologistes. Individuellement, ils sont moins rapides que les Trod mais permettent de rendre simultanément les résultats de nombreux patients tout en assurant une qualité (contrôles internes et externes) et une traçabilité optimale. Il existe de nombreux kits pour réaliser les sérologies Covid. Chacun ayant ses propres valeurs de références et ses unités. Afin d’essayer d’uniformiser les résultats, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de rendre les résultats en unités BAU (binding antibody units) afin de permettre une homogénéisation inter-technique. Bien qu’imparfaites, ces unités permettent néanmoins de pouvoir comparer les études (7). Les performances acceptables pour un Trod dépendent de l’utilisation du test. On attend de ce test un résultat qualitatif positif ou négatif. Individuellement, ils sont rapides car rendent des résultats en moins de 15 minutes, sans automate, et sont peu coûteux. Ces tests sont moins sensibles que la sérologie de laboratoire mais pour une utilisation en dépistage avant vaccination, les performances des Trod sont jugées suffisantes, selon la Haute Autorité de Santé (HAS). Quand réaliser un test sérologique ? Selon l’HAS, en mai 2020, les indications pour la réalisation de tests sérologiques immunologiques ou Trod étaient :
- Diagnostic initial de patients symptomatiques graves hospitalisés si la PCR est négative
- Diagnostic initial de patients symptomatiques sans signes de gravité si la PCR est négative
- Diagnostic de rattrapage de patients symptomatiques graves hospitalisés mais qui n’ont pas pu réaliser de test PCR avant 7 jours
- Diagnostic de rattrapage de patients symptomatiques sans signes de gravité mais qui n’ont pas pu réaliser de test PCR avant 7 jours
En juin 2021 (8), la HAS a ajouté que les Trod pouvaient être utilisés dans un contexte de dépistage pré-vaccinal chez des personnes sans antécédent connu ou confirmé d’infection afin de décider le schéma vaccinal à une ou deux doses. Selon le journal officiel du 5 octobre 2021 (9), les personnes sévèrement immunodéprimées peuvent être remboursés pour une sérologie Spike après vaccination. Enfin, selon l’avis du 13 avril 2021, mise à jour le 26 novembre 2021 (10), l’HAS déclare que la vaccination des enfants doit être précédée par la réalisation d’un Trod sérologique (en l’absence d’antécédent connu et documenté de Covid-19) afin de limiter l’administration du vaccin à une seule dose en cas de test positif. Le taux d’anticorps corrélé à leur efficacité ? La réponse sérologique in vivo dépend en grande partie de la sévérité du tableau clinique. Les formes les plus symptomatiques s’accompagnent de taux d’anticorps IgG les plus élevés (11). La question que de nombreux patients se posent est « suis-je protégé ?» Ce qui se traduit par : « est-ce que les taux d’Ac anti-S quantifiés au laboratoire en BAU sont bien corrélés avec leur efficacité, donc avec les taux d’anticorps neutralisant ? ». A priori, oui. Cependant, il existe assez peu de références bibliographiques (12) précisant des seuils de BAU corrélés avec une protection, de plus, il faut être prudent, car les données dont nous disposons ont été fournis par des études contre des variants qui ne sont plus d’actualité. Les seuils nécessaires à une protection ne sont pas connus pour Omicron. On ne peut pas aujourd’hui extrapoler un taux d’anticorps avec une protection individuelle, ni justifier un report de rappel sur la base de la sérologie. Une sérologie positive traduit uniquement une infection ou une vaccination. Il n’est pas recommandé de faire une sérologie après vaccination pour déterminer si la réponse vaccinale a été efficace excepté dans le cas d’immunodépression sévère. Et il ne faut pas oublier que la réponse immunitaire humorale est variable d’une personne à l’autre. La réponse cellulaire, non explorée en pratique courante De plus, la réponse humorale n’est qu’une partie de la réponse immunitaire post-infection. Elle n’est qu’une vision partielle de l’immunité contre le Sars-CoV-2. L’immunité cellulaire médiée par les lymphocytes T est également très active dans la protection immunitaire mais moins bien connue et explorée. La réponse sérologique peut ne pas être présente et le taux d’Ac peut diminuer rapidement après l'infection. Dans ce contexte, l'exploration de l'immunité cellulaire peut présenter un intérêt. Les lymphocytes T peuvent être détectés dans le sang de 2 à 4 jours après l'apparition des symptômes et persister au moins 6 à 9 mois. L’évaluation de la réponse cellulaire T est beaucoup plus rare. Elle peut être utile dans le diagnostic rétrospectif d’une infection par le Sars-CoV-2 non objectivée par la réalisation d’une RT-PCR en aigu chez les patients présentant une sérologie négative ou douteuse. Cette situation est observée principalement chez les patients ayant développé une forme pauci ou asymptomatique de l’infection. De même, ces tests ont un intérêt dans le diagnostic différentiel de l’infection par le Sars-CoV-2 et potentiellement dans le suivi de l’efficacité vaccinale notamment chez les patients immunodéprimés, et dans l’étude de l’efficacité vaccinale contre les variants du Sars-CoV-2 (13-14). Cependant, aujourd’hui, aucune indication des tests cellulaires n’est reconnue par la HAS. Les tests Igra (Interferon-Gamma Release Asssays) mesurent la quantité de l’interféron-ϒ libérée par les lymphocytes T au contact de plus de 250 peptides des protéines S et N du Sars-CoV-2. Il s’agit du même principe que les tests Igra utilisés pour la tuberculose.
- Anti-S versus anti-N ?
Le virus Sars-CoV-2 comporte plusieurs protéines de structure possiblement antigéniques dont la protéine Spike (S) - protéine de pointe, qui permet au SARS-CoV-2 de se fixer sur un récepteur spécifique (ACE2) et d’infecter les cellules - et la nucléocapside (N), protéine de la capside virale. Les anticorps (Ac) dirigés contre la protéine Spike (Ac anti-S) apparaissent après une infection ou après la plupart des vaccins à ARNm utilisés en Europe (Pfizer-BioNTech, Moderna) ou à vecteur viral (Astra-Zenaca, Janssen) ou utilisant une protéine virale (Novovax). Ce sont ces Ac qui sont dosés en routine dans les laboratoires. Plus précisément, le test sérologique détecte les Ac dirigés contre le domaine RBD de la protéine Spike. Ils ne permettent pas de différencier les Ac post infection ou post-vaccination. Ces Ac anti-S persistent longtemps : leur demi-vie est supérieure à 6 mois. Plus d’un an après l’infection naturelle, 95 % des patients infectés ont encore des anticorps anti-Spike (1-2). Les Ac contre la nucléocapside (anti-N) apparaissent après la maladie naturelle ou après les vaccins entiers inactivés comme plusieurs vaccins chinois (Sinovac, Sinopharm, CoronaVac, Covaxin). Le seul intérêt de cette sérologie est donc de pouvoir différencier si la présence d’anticorps a été induite par la maladie naturelle ou après un vaccin utilisé en Europe. La durée de persistance de ces anticorps est sensiblement moins longue que celle observée pour les anti-S (moins de 4 mois) : environ 1 an après l’infection naturelle, 20 % des patients ont encore des Ac anti-N (1-2).
- Les Ac : IgM versus IgG ?
Les IgM apparaissent en premier en 7 à 10 jours, et sont suivies quelques jours plus tard par les IgG. Les IgM disparaissent en quelques semaines tandis que les IgG persistent plusieurs mois. Il n’y a pas d’intérêt à rechercher spécifiquement les IgM. Le temps pendant lequel on ne dépiste que des IgM sans IgG est très court. De plus, la détection d’IgM isolée ne permet pas de dater une infection. Enfin, il est fréquent d’avoir des réactions faussement positives en IgM par réaction croisée in vitro en cas d’infection récente par d’autres pathogènes.
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