Arthrose : les DMOADs se font toujours attendre
A quand de premiers traitements agissant sur la progression de l’arthrose ? Malgré les nombreux échecs de la recherche, les rhumatologues gardent espoir de trouver de nouvelles solutions thérapeutiques au cours des prochaines années.
Alors que les biothérapies sont désormais la norme dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et d’autres maladies rhumatismales, la prise en charge de l’arthrose se cantonne toujours à une prise en charge symptomatique, visant à soulager la douleur mais sans effet sur la progression radiographique.
Pour le Pr Daniel Aletaha, chef du département de rhumatologie de l’université de Vienne et président de l’Eular, ce retard « est principalement lié à la pathogénèse de la maladie. Dans les maladies inflammatoires auto-immunes [telles que la PR], le processus qui dysfonctionne est facile à observer, donc à cibler. A l’inverse, l’arthrose demeure considérée comme une maladie dégénérative. En l’attente de médicaments agissant sur la progression de l’arthrose, ses traitements demeurent de nature symptomatique. L’autre problème, c’est qu’il est très difficile de mesurer la réponse au traitement dans les essais cliniques, car c’est une maladie d’évolution lente ».
En matière de traitements agissant sur la progression de la maladie (DMOADs, pour Disease-Modifying Osteoarthritis Drug), la recherche a connu plusieurs échecs ces dernières années. Parmi les pistes explorées, celles de médicaments déjà indiqués dans d’autres maladies, dont la PR et l’ostéoporose. Sans grand succès : à ce jour, les résultats s’avèrent pour la plupart négatifs, au mieux modestes pour le méthotrexate et la prednisolone (1) (2), a rappelé la Pre Margreet Kloppenburg, rhumatologue au Centre médico-universitaire de Leyde (Pays-Bas).
Une physiopathologie complexe
Selon le Pr Francis Berenbaum, chef du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine (Paris), « l’arthrose a connu pléthore de médicaments en développement ces dernières années, avec de nombreuses déceptions. Il nous faut comprendre pourquoi ». Raison possible de ces échecs, la complexité de la pathophysiologie de l’arthrose, entité qui renferme divers ’endotypes’. Margreet Kloppenburg en distingue trois principaux, selon que leur origine soit synoviale, cartilagineuse ou osseuse, avec des réponses qui pourraient diverger face à un candidat traitement.
Autre cause de la difficulté à découvrir des DMOADs, selon Francis Berenbaum, la recherche s’est avant tout attachée à cibler le cartilage. Or selon une étude publiée en 2020, le lien entre perte cartilagineuse et douleur pourrait être assez ténu : toute perte de 0,1 mm de l’épaisseur du cartilage en deux ans n’équivaut qu’à une hausse de 0,32 point de la douleur, mesurée de 0 à 20 sur une échelle EVA (échelle visuelle analogique) (3). Selon Francis Berenbaum, la « santé synoviale », à savoir la présence à l’IRM d’une synovite ou d’effusions, serait mieux corrélée à la progression de la maladie.
En 2018, la Food and Drug Administration (FDA), agence sanitaire américaine, a accordé à l’arthrose le statut de « serious condition », accélérant le processus d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Une AMM conditionnelle pourrait ainsi être délivrée sur la base d’études de phase 2, elles-mêmes portant sur des marqueurs intermédiaires (douleur, fonction, progression radiographique). Elle serait ensuite confirmée suite à des études de phase 3 analysant un critère plus solide, par exemple l’impact en termes d’arthroplastie du genou. Une stratégie que Francis Berenbaum espère appliquer au liraglutide, antidiabétique de la classe des anti-GLP-1 qui a livré des résultats très prometteurs, par injection intra-articulaire, chez l’animal (4).
- Wang Y et al, Lancet, 11 novembre 2023
- Kroon FPB et al, Lancet, 30 novembre 2019
- Bacon K et al, Annals of the Rheumatic Diseases, 7 mai 2020
- Meurot C et al, Scientific Reports, 28 janvier 2022
Un lien entre statines et arthrose ?
En raison de leur effet anti-inflammatoire, il a été envisagé que les statines puissent avoir des bénéfices sur l’arthrose. A ce jour, les résultats divergent, certains suggérant même un effet délétère. Or selon une étude menée sur le Système national des données de santé (SNDS) par le Pr Christian Roux, du service de rhumatologie du CHU de Nice, ces hypolipémiants seraient liés à des hausses de 22% des risques d’arthroplastie du genou et de la hanche, après prise en compte de l’âge, du sexe et des comorbidités.
Cet effet survient rapidement après la mise sous statines : les chercheurs ont analysé une population sans statines en 2017, mise sous traitement sur la période 2018-2022. Prudent dans ses conclusions quant à ces médicaments « extrêmement importants », Christian Roux juge « possible que les patients sous statines, en raison d’un effet délétère au niveau musculaire, marchent moins et progressent plus vite vers la prothèse ». Autre possibilité, la chute brutale du cholestérol pourrait avoir des effets néfastes sur le chondrocyte, via une suractivation de la voie de signalisation Ras.
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Références :
Congrès annuel de l’European Alliance of Associations for Rheumatology (Eular, 12-15 juin 2024, Vienne, Autriche). D’après les présentations de la Pre Margreet Kloppenburg (Leyde, Pays-Bas), du Pr Francis Berenbaum (hôpital Saint-Antoine, Paris), du Pr Christian Roux (CHU de Nice) lors des sessions « Hand osteoarthritis », « DMOADs and pro-regenerative therapies for osteoarthritis : where are we ? », « New developments in osteoarthritis » ; ainsi que la communication du Pr Daniel Aletaha, (Université de Vienne), président de l’Eular, lors de la conférence de presse de l’Eular.
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