Troubles urinaires de l’homme : des recommandations pour homogénéiser le bilan
À quels examens recourir chez les hommes adultes atteints de troubles mictionnels ? À la suite de recommandations publiées en mai par la Haute Autorité de santé, le sujet a fait l’objet d’une mise au point lors du Congrès français d’urologie.
Élaborées par la Haute Autorité de santé (HAS) et l’Association française d’urologie (AFU), ces recommandations* font le point sur les examens à mener face aux troubles mictionnels de l’homme. Pour le Pr Grégoire Robert, chef du service d’urologie du CHU de Bordeaux et coordinateur de ce travail, elles sont "destinées à tous les professionnels de santé susceptibles de prendre en charge cette pathologie. Tout examen fait à tort, toute évaluation mal faite, peut conduire à des traitements inadaptés ou à des dépenses inutiles."
Selon lui, "cela concerne en grande partie les médecins généralistes, consultés en première ligne à ce sujet, mais aussi les urologues, dont les pratiques ne sont pas totalement uniformes. Ou encore les radiologues, dont certains font de l’embolisation de prostate dans leur cabinet sans avoir mené d’évaluation sérieuse. Il est donc important de mettre en place des recommandations opposables sur la façon d’évaluer un patient avant tout geste interventionnel."
Du côté des généralistes, le bilan initial doit, en premier lieu, inclure un recueil des facteurs de risque (cardiovasculaires, syndrome métabolique, traitements habituels), un examen physique portant sur le pelvis, les fosses lombaires, la prostate et les organes génitaux externes. Quant au recueil des symptômes urinaires et sexuels, les experts ont opté pour un "interrogatoire structuré" plutôt que pour un auto-questionnaire.
Selon Grégoire Robert, celui-ci n’est utile qu’à l’urologue, donc en seconde intention, car "l’évaluation chiffrée des symptômes permet de suivre leur évolution sous traitement". Sont également recommandés au généraliste un test urinaire par bandelette réactive et/ou un examen cytobactériologique des urines (ECBU), en vue de détecter une hématurie, une leucocyturie ou une glycosurie.
L’échographie, seule imagerie recommandée
En termes d’imagerie, seule l’échographie par voie abdominale est recommandée au généraliste, afin d’évaluer l’intégrité anatomique des reins, de la vessie et de la prostate mais également pour mesurer un éventuel résidu post-mictionnel. À l’inverse, ni l’IRM ni l’échographie de la prostate par voie endorectale ne le sont, que ce soit chez le généraliste ou chez l’urologue – sauf, si besoin pour ce dernier, avant une opération chirurgicale.
Quant à la créatininémie, elle est "optionnelle", à réserver à certains cas particuliers d’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP), à savoir les rétentions urinaires chroniques. Celles-ci "se manifestent de manière très évocatrice par des fuites urinaires, un globe vésical chronique. On ne prescrit donc de dosage de la créatinine que quand, à l’échographie, on observe une dilatation du haut appareil, une rétention urinaire chronique", explique Grégoire Robert.
Le dosage du PSA n’est indiqué que pour la détection précoce du cancer de la prostate mais est sans intérêt quant aux troubles urinaires liés à une HBP, rappelle l’urologue bordelais. Pourtant, malgré les réserves des urologues, la mesure du PSA a été jugée "optionnelle" plutôt que "non recommandée", sur insistance des représentants de patients au sein du groupe de travail.
Selon Grégoire Robert, "à 50 ans, quand on a des troubles urinaires, il est probablement préférable de faire un dosage de PSA, mais à 80 ou 90 ans, ce n’est pas du tout recommandé. C’est donc optionnel, car la fourchette d’âge des patients va largement au-delà de celle dans laquelle le dépistage du cancer est recommandé [pour rappel, des hommes d’au moins 50 ans ayant une espérance de vie d’au moins dix ans ; NDLR]. Pour les troubles urinaires eux-mêmes, le PSA n’a pas d’intérêt en soi."
Le calendrier mictionnel, au cas par cas
Quant au calendrier mictionnel, il n’est utile que "pour analyser les symptômes de la phase de remplissage, qui affecte la fréquence des mictions. Pour les patients qui viennent consulter en raison d’un jet diminué, cela ne va pas aider à comprendre les symptômes. En revanche, quand les symptômes prédominants touchent au remplissage de la vessie, à la nycturie, cet examen n’est pas optionnel, il est recommandé", explique Grégoire Robert.
Sous forme d’algorithme, les recommandations fixent les motifs d’orientation vers l’urologue. Parmi eux, des infections urinaires récidivantes, une rétention d’urine, une prédominance des symptômes de la phase de remplissage, des anomalies à l’échographie (résidu post-mictionnel significatif, lithiase vésicale, etc.), une leucocyturie et/ou une hématurie persistantes, une "élévation suspecte" du PSA et, bien sûr, l’échec d’un traitement.
Quant au traitement, domaine hors du champ de ces recommandations, il varie en fonction de la sévérité des symptômes ou de la gêne qu’ils occasionnent. "On peut surveiller sans rien faire de plus, et tout simplement rassurer le patient sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un cancer. Le simple fait de savoir qu’il ne s’agit que d’une pathologie bénigne peut contribuer à améliorer les troubles", explique Grégoire Robert.
Quant aux conseils hygiéno-diététiques, ils incluent le fait de moins boire le soir, d’uriner avant d’aller se coucher, de faire la sieste les jambes en l’air quand le patient présente des œdèmes. Du côté des médicaments, la palette est large, des alphabloquants aux anticholinergiques, en passant par les inhibiteurs de la 5-alpharéductase et les extraits de plantes.
*HAS-AFU. « Bilans pré-thérapeutiques des troubles mictionnels de l’homme adulte : modalités et acteurs », recommandation de bonne pratique, 2 mai 2024.
Références :
118e Congrès français d’urologie (CFU), Paris, du 20 au 23 novembre. D’après la présentation du Pr Grégoire Robert (Bordeaux)
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