Asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), cancer du poumon, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux (AVC)… et bien plus. Au fil des études, la pollution de l’air se trouve associée à un nombre croissant de maladies. Parmi elles, celles de nature neurologique : selon une méta-analyse de 2022, une hausse de 10 µg/m3 du taux de PM2,5 (moins de 2,5 microns) s’accompagne d’une augmentation de 40% du risque de démence (1). Chez l’enfant, un risque du même ordre a été observé pour les troubles du spectre autistique (TSA).
Source de stress oxydatif et d’inflammation, ces polluants (particules, oxydes d’azote, ozone, etc.) ont aussi été impliqués dans la dépression, le diabète, l’obésité, plusieurs cancers (sein, ovaire, vessie), ainsi que des maladies rhumatismales et auto-immunes. Chez les nouveau-nés, ils favoriseraient faible poids de naissance et prématurité, qui à leur tour prédisposent aux maladies chroniques de l’âge adulte. Autant d’effets qui prouvent, selon la Pre Isabella Annesi-Maesano, professeure d’épidémiologie environnementale à Montpellier, que « l’impact de la pollution est très sous-estimé ». D’autant que plusieurs polluants, dont les particules ultrafines (moins de 0,1 micron), ne sont pas réglementés, et ne font pas l’objet d’une surveillance systématique.
Un facteur de risque collectif
Malgré son impact sur la santé publique, la pollution de l’air demeure négligée par le monde médical. Selon la Dre Sylvia Medina, coordinatrice du programme de surveillance air et santé de Santé publique France, « les facteurs de risque collectifs doivent être mieux pris en compte, même s’il est difficile de cerner leurs effets au niveau individuel. J’entends souvent dire que 40 000 morts par an, ce ne sont pas de vrais morts. Au contraire, ce ne sont pas des décès statistiques ! A moins de considérer que les décès attribuables à l’alcool, au tabac et à l’alimentation en soient aussi ».
C’est donc tout un changement de culture médicale qui s’impose face à la pollution de l’air, comme pour d’autres expositions environnementales. Selon Sylvia Medina, « on qualifie souvent la pollution de l’air de tueur invisible : il suffit de se rendre en Chine, en Inde ou au Bangladesh pour comprendre, au goût de l’air, que ce n’est pas le cas ! De plus, plusieurs études ont mis en évidence la présence de particules dans nos poumons, jusque dans les cellules pulmonaires humaines».
Connaître ses méfaits pour mieux informer
«Savoir que la qualité de l’air fait partie des facteurs de risque de certaines pathologies, c’est un point important, aussi bien pour sa propre culture médicale que pour l’information du patient », estime Matteo Redaelli, chef de projet scientifique au sein de l’unité d’évaluation des risques liés à l’air de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Selon lui, « on observe une sensibilité accrue dans la sphère médicale ». Un changement notamment visible lors des congrès médicaux, toujours plus nombreux à accorder une place à la pollution de l’air.
Signe d’espoir, la qualité de l’air s’est améliorée ces dernières décennies. Selon le bilan 2022 d’Airparif, le niveau annuel moyen de PM2,5 a connu une baisse de 40% en dix ans près du trafic en Ile-de-France, et de 35% à distance. Ce qui n’implique pas forcément que l’impact sanitaire s’atténuera dans les mêmes proportions, observe Matteo Redaelli : « les niveaux de pollution ont tendance à baisser mais, en parallèle, la population vieillit, et devient plus susceptible aux maladies chroniques ».
Cheng et al., Public Health. Novembre 2022
Au-delà de la mortalité, les épidémiologistes espèrent bientôt pouvoir évaluer l’impact de la pollution sur la morbidité. Ce qui devrait déboucher, courant 2024, sur une première évaluation quantitative d’impact sur la santé (EQIS) française, relative à la morbidité. Pour cela, une large étude bibliographique, associant l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Santé publique France et plusieurs de ses homologues européens, est en cours afin d’établir des « relations concentration-risque » pour plusieurs maladies. Scrutant diverses méta-analyses déjà publiées, les experts ont d’ores et déjà établi un niveau de preuve pour chaque pathologie, retenant celles dont le lien avec la pollution de l’air est suffisamment étayé par la littérature actuelle. En l’état de ces travaux, l’asthme, la BPCO, le cancer du poumon, l’hypertension, les infarctus du myocarde, les AVC, mais aussi les démences, se sont vus décerner un « niveau A ». Le niveau de preuve est un peu moindre pour les TSA et le diabète de type 2, de niveau B+. Quant au faible poids de naissance, les chercheurs attendent la publication prochaine de travaux britanniques, avant de décider de l’inclure dans l’analyse finale.
Au sommaire :
- Les généralistes, en première ligne face au réchauffement
- Perturbateurs endocriniens : chez les femmes enceintes, les difficultés de la prévention
- Dans la santé, la transition écologique s’affiche enfin au grand jour
- Médicaments : le bon usage pour limiter l’impact environnemental
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