Pour la pratique avancée infirmière, 2024 devrait marquer un coup d’accélérateur. "La loi Rist prévoit que l’IPA puisse prendre en charge directement les patients dans les structures d’exercice coordonné, rappelle Emmanuel Hardy, président de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa). Mais il y a des décrets existants qui doivent être modifiés, et nous n’avons pas de nouvelles." En effet, les 2328 IPA diplômées sont toujours en attente des décrets pour pouvoir primoprescrire. "Tous les métiers doivent évoluer, et je comprends très bien les revendications des paramédicaux, affirme Patrick Gasser, président d’Avenir Spé. Nous avons besoin de travail aidé, d’infirmières de protocole, d’assistants médicaux et médico-techniques. Moi, je souhaite travailler avec des IPA, car je n’ai pas assez de temps pour accompagner mes patients sur l’ensemble de leurs prises en charge." Les pharmaciens vont également connaître une évolution importante de leurs missions, avec la possibilité de délivrer des antibiotiques sans ordonnance pour traiter les cystites et les angines. Apaiser les esprits Autant d’évolutions qui bousculent et parfois opposent. "Il faut apaiser les esprits et calmer la polarisation de tous les acteurs du système et des professions entre elles, appelle le Pr Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale. Je crois qu’il y a un besoin d’évoluer, mais cela ne peut pas se faire au petit bonheur la chance, sans que l’on sache où l’on va." De propositions de loi en projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), ce sont, en effet, parfois des petits pans de la profession qui changent de main sans fil rouge ni concertation avec les acteurs. "L’interpro marche si on utilise au mieux les compétences et les cadres de travail de chaque profession sans les brader, met en garde la Dre Agnès Giannotti, présidente de MG France. Pour avancer efficacement dans cette direction, nous plaidons pour des conventions entre deux ou trois professions sur des sujets précis. Par exemple, pour la prévention, il faut s’articuler avec les pharmaciens ou pour la prise en charge des personnes âgées avec les infirmières". Un moyen d’éviter de mettre chacun devant le fait accompli.
La mise en œuvre de la pratique avancée chez les infirmières est "laborieuse", conclut la Cour des comptes dans un rapport* rendu public en juillet dernier. À la suite d’un audit flash, les Sages révèlent que la pratique avancée – ouverte à toutes les professions paramédicales mais à ce jour seulement organisée pour les infirmières – peine à se déployer sur le terrain. Expérience professionnelle au préalable, formation complémentaire, prérogatives plus étendues en matière de soin… Une large autonomie est conférée aux IPA, "sous réserve" qu’elles "travaillent sous la coordination d’un médecin". Or c’est là que le bât blesse, estime la Cour des comptes. Car si le ministère entend faire appel aux IPA pour libérer du temps médical dans un contexte de démographie en berne, plusieurs freins s’opposent à leur déploiement : "les réticences des médecins constituent le plus fondamental d’entre eux", écrivent les Sages. "Lorsque des IPA sont [installées] en ville, les médecins refusent trop souvent, par méconnaissance ou par crainte de concurrence, d’orienter vers [elles] des patients atteints de pathologies chroniques, dont l’état de santé relèverait d’un suivi parces professionnels paramédicaux"
Résultat: alors que l’État s’était fixé un objectif de 3 000 IPA formées ou en formation d’ici à 2022 et, à terme, de 6 000 à 18 000 IPA en exercice, "en 2021, seules 581 IPA étaient diplômées et 1 366 en formation". "Actuellement, le modèle économique ne permet pas aux IPA [libérales] de vivre de leur activité, alors même [qu’elles] ont consenti un effort de formation important", explique-t-elle. Et l’exercice salarié n’est "guère plus attrayant". Début mai, les parlementaires ont fait évoluer la pratique avancée infirmière en votant un accès direct des patients aux IPA sans prescription médicale dans le cadre d’un exercice coordonné, et en leur accordant un droit de première prescription dans certains cas. Mais "toutes les difficultés ne sont pas encore résolues, estime la Cour des comptes. Il revient au ministère de définir des guides ou des référentiels précisant les missions des IPA, ou (…) de prévoir des formations complémentaires préparant les IPA au droit de prescrire en première intention". Ces obstacles "reflètent les limites de la conception du système de santé français, encore trop marqué par l’exercice isolé de la médecine de ville. Cette conception doit évoluer pour que la coopération entre professionnels de santé devienne la pratique générale, alors que l’offre de soins de ville continue à se rétracter et que de nombreux patients n’ont pas de médecin traitant".
* "Les infirmiers en pratique avancée : une évolution nécessaire, des freins puissants à lever", Cour des comptes, juillet 2023 Note : la rédaction a fait le choix de féminiser la profession d’IPA.
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