Inceste et maltraitances sur enfants : un collectif de médecins dénonce la position de l’Ordre

14/04/2022 Par Louise Claereboudt
Déontologie
À la suite de la publication des recommandations de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), fin mars, l’Ordre s’est prononcé contre une obligation de signalement pour les praticiens. Le collectif Stop Violences Médecins se dit consterné par cet avis.

Le 31 mars dernier, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), créée par le Gouvernement, publiait ses premières recommandations, un an après le début de ses travaux – qui devraient se poursuivre jusqu’en 2023. Constatant que seuls 5% des signalements pour maltraitance des enfants proviennent du corps médical, la commission appelait, entre autres, à clarifier l’obligation de signalement par les praticiens, et plaidait pour une "culture de la protection". L’Ordre des médecins s’était aussitôt prononcé contre cette obligation. Dans une interview accordée à Egora.fr le 5 avril, la vice-présidente de l’instance ordinale et présidente du Comité national des violences intrafamiliales, le Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, estimait qu’une telle mesure ne permettrait pas d’augmenter le taux de signalement, et expliquait qu’une obligation de protection - dans laquelle le signalement est permis et encadré - s’applique déjà aux médecins. Dans un communiqué transmis à Egora.fr, le collectif Stop Violences Médecins se dit "consterné" par la position prise publiquement par l’Ordre. Le groupement, qui revendique une quarantaine de membres (médecins de toutes spécialités : généralistes, pédiatres, pédopsychiatres, médecins du travail, réanimateurs…), soulève que "le médecin ne peut mettre en œuvre lui-même la protection d’un enfant soumis à des maltraitances", assurant qu’il "n’en a ni les moyens ni les prérogatives".

Le collectif soutient que le seul moyen dont "le médecin dispose pour protéger un enfant en danger est le signalement", et se dit de fait favorable à une obligation, comme au Canada. Il ajoute que le médecin "n’est ni un enquêteur ni un magistrat et qu’il n’est pas de son rôle d’être sûr des faits". Celui-ci ne "peut que supposer et transmettre à la justice ou aux services sociaux les éléments venus à sa connaissance qui lui font supposer que l’enfant est susceptible d’être en danger". Créé après les condamnations des Drs Françoise Fericelli et Eugénie Izard, pédopsychiatres, dans le cadre de signalement pour maltraitances sur mineurs, le collectif salue par ailleurs la recommandation de la CIIVISE de suspendre les procédures ordinales dans le cadre des signalements d’enfants en danger ou susceptibles de l’être, soulignant que les médecins scolaires et ceux de PMI sont déjà soumis à une obligation de signalement, et ne peuvent pas être poursuivis par l’Ordre. "Comment est-il possible pour un médecin de suivre ces recommandations de la HAS, d’effectuer son devoir humain et éthique de protection des enfants victimes s’il doit redouter dans les suites de son signalement des poursuites et des condamnations ordinales ?" s’interroge-t-il. Sur Egora, la vice-présidente de l’Ordre affichait également sa crainte de "voir des enfants éloignés du soin par la famille maltraitante, y compris pour des soins qui pourraient être ordinaires". Or pour le collectif, "l’intérêt supérieur de l’enfant exige de faire passer la question du signalement des maltraitances avant toute autre considération", alors que la maltraitance "est le premier facteur de risque de suicide" chez les mineurs.

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