Corps pourris, grignotés par les souris, "monnayés" à la pièce… Enquête sur le "charnier" de la fac de médecine Paris-Descartes

27/11/2019 Par Aveline Marques
Ethique
Le magazine L'Express vient de publier une enquête accablante sur le centre de don des corps de la rue des Saints-Pères. Elle révèle des conditions de conservation déplorables ainsi que la vente de pièces anatomiques à des organismes privés. L'UFML du Dr Marty a annoncé son intention de porter plainte.

"Nus. Démembrés. Les yeux ouverts. Amoncelés sur un brancard. Des cadavres par dizaines, au milieu d'un fatras indescriptible. Ici, un bras pend, décomposé. Là, un autre est abîmé, noirci, troué après avoir été grignoté par les souris. Le membre supérieur de l'un est posé sur le ventre de l'autre. Des sacs-poubelles débordent de morceaux de chair. Au premier plan, une tête gît sur le sol." Les photos tombées entre les mains de la journaliste Anne Jouan, toute issues d'un mémo daté de 2016, révèlent des conditions de conservation des corps donnés à la science contraires à toutes les règles éthiques. Pour le magazine L'Express, le centre de don des corps (CDC) de la faculté de Paris-Descartes, situé au 5e étage, a des allures de "charnier". Une situation qui a perduré durant des années, malgré les alertes adressées au président de la faculté entre 2011 et 2019, Frédéric Dardel [ce dernier a récemment intégré le cabinet de la ministre de l'Enseignement supérieur, NDLR]. En 2016, le Pr Richard Douard, chirurgien digestif à l'Hôpital européen Georges-Pompidou, évoque ainsi dans son mémo "des installations vétustes, inadaptées, ne respectant pas les obligations légales", "des chambres froides non hermétiques, avec des pannes à répétition [...] une absence de ventilation dans les différents espaces de travail, des canalisations d'évacuation des eaux bouchées". Conséquences : "une prolifération...

des souris, des mouches, avec ponte (nombreux corps et pièces anatomiques dans lesquels se sont développés des vers)" ; "Les souris passent par les nombreux trous de la chambre froide et trouvent un garde-manger idéal", écrit-il. "On a le sentiment d'être au XIXe siècle ou à la Renaissance avec les corps putréfiés sur lesquels travaillaient les médecins", renchérit un "habitué" du CDC. Le Pr Douard a fini par démissionner en octobre 2017. Son prédécesseur, le Pr Brigitte Mauroy, urologue à Lille, lui emboite le pas en démissionnant de son poste de présidente du comité d'éthique. "Quand j'ai pris mes fonctions en 2015, j'ai découvert avec effarement que les rats couraient dans les couloirs et que les conditions de conservation des corps étaient déplorables. L'Histoire se souviendra que vous avez fossoyé la plus grande structure anatomique de France, écrit-elle à Frédéric Dardel. Couinaud doit se retourner dans sa tombe." "J'ai fait des petites opérations de maintenance, mais comme je n'avais pas de moyens pour des travaux, j'étais embarrassé", se défend Frédéric Dardel. Des travaux de rénovations, d'un montant de 8 millions d'euros, sont finalement votés et doivent débuter au premier trimestre 2020. Ils prévoient le stockage des corps au sous-sol dans des tiroirs individuels. Les conditions se seraient améliorées depuis 2016 : les souris ont disparu, la température des chambres froides est maintenue et un "grand nettoyage" a été opéré. Mais de nombreux corps ont dû être incinérés sans avoir jamais servi. Mais la situation ne serait pas réglée pour autant : "la semaine dernière, deux médecins qui ont disséqué au CDC nous ont rapporté avoir travaillé sur des corps dans un 'état immonde'", rapporte L'Express. Le magazine révèle un autre scandale : la cession, contre monnaie sonnante et trébuchante, de pièces anatomiques aux professeurs de médecine et chirurgiens mais aussi à des organismes privés, notamment de formation mais aussi de crash-test. D'après L'Express, un corps entier est facturé 900 euros et un membre seul 400 euros. Certains professionnels de santé obtenaient de repartir avec les membres. "Oui, il y avait du trafic. Les préparateurs revendaient des pièces le samedi matin à des chirurgiens, qui les emportaient. Tout s'achetait", confirme le Pr Guy Vallancien, directeur du CDC de 2004 à 2014. "Nous allons attaquer les responsables", annonce à Egora le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML. "Ça m'a glacé d'effroi parce que c'est à l'opposé de ce qu'on doit être quand on est médecin", a-t-il réagi sur FranceInfo, dénonçant à la fois une "atteinte à la dignité et l'intégrité de la personne" et le "commerce" de ces corps, donnés à la science. [avec Lexpress.fr et Franceinfo.fr]

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