Une psychiatrie "au bord de l'implosion" et une prise en charge "catastrophique" : c'est le bilan de la mission d'information sur l'organisation territoriale de la santé mentale, qui remettait mercredi son rapport à l'Assemblée nationale. Signé par les députées Martine Wonner (LREM) et Caroline Fiat (LFI), il dresse un constat accablant : "retard au diagnostic beaucoup trop important" "repérage des signaux faibles (…) inexistant", "suroccupation des lits" qui constitue un "fléau pour les patients comme pour les soignants", recours croissant "à l'hospitalisation sans consentement"… La psychiatre marcheuse et l'aide-soignante insoumise – unanimes sur le constat, parfois en désaccord sur les solutions* – rappellent que même si le nombre de lits d'hospitalisation par habitant a été divisé par deux en 30 ans, la France reste devant les autres pays de l'OCDE en matière de densité de lits d'hospitalisation en psychiatrie. De fait, les structures ambulatoires (CMP, CATTP, hôpitaux de jour, équipes mobiles) développées en parallèle "ne permettent pas de répondre à la demande croissante" de soins. Des CMP "partout saturés" Les centres médico-psychologiques (CMP) en particulier, fers de lance de la psychiatrie de secteur, sont "partout saturés", au point qu'il faille jusqu'à "trois mois, et parfois bien plus" pour obtenir un premier rendez-vous. "Encombrement des CMP", "dédale du parcours en psychiatrie" et "insuffisance de formation des professionnels en première ligne" (généralistes, médecins scolaires, PMI, enseignants) se conjuguent pour produire un système à la fois "inefficient et inefficace". "Face à l’impossibilité d’avoir rendez-vous au CMP ou chez un psychiatre libéral au début de la crise, en particulier le soir et le week-end, les patients n’ont d’autre solution que les urgences, puis d’être hospitalisés, alors que la crise aurait pu être évitée si elle avait été traitée en amont", écrivent les rapporteures. Le manque de structures d'aval (appartements thérapeutiques, établissements sociaux ou médicaux-sociaux...) pèse aussi sur les parcours, embolisant davantage l'hôpital. Inefficient, aussi : le retard au diagnostic "beaucoup trop important" et le repérage des signaux faibles "inexistant" induisent de vraies pertes de chances pour les patients souffrant de troubles psychiatriques. "Par exemple, dans le cas de la schizophrénie, la durée de la psychose non traitée est évaluée à deux ans, et, en ce qui concerne les troubles bipolaires, le retard est estimé entre huit et dix ans", indiquent-elles. 80 % du personnel dans l'ambulatoire Pour redresser la barre, Caroline Fiat et Martine Wonner souhaitent miser avant tout sur la psychiatrie ambulatoire "Si les revendications des personnels hospitaliers en faveur de plus de lits sont parfaitement compréhensibles (…), la réponse ne se trouve pas dans l'hôpital mais en dehors", jugent-elles, en référence aux grèves récentes dans les hôpitaux psychiatriques. "Il est urgent de déployer des moyens importants sur les structures extrahospitalières, qu'elles soient sanitaires, sociales ou médico-sociales." Elles proposent aussi de développer massivement les équipes mobiles de psychiatrie. D'ici une dizaine d'années, les députées estiment que "80 % du personnel de l'hôpital psychiatrique" devrait avoir été affectés au secteur ambulatoire (contre 43 % aujourd'hui). "Cet objectif pourrait être réalisé progressivement, après établissement d’objectifs intermédiaires sans omettre toutefois que le recours à l’hôpital (…) reste pour les plus démunis et ceux qui n’ont déjà plus de médecins traitants, le lieu de l’hospitalité", précisent-elles. Pour une agence nationale de la santé mentale Au chapitre des soins primaires, Martine Wonner et Caroline Fiat appellent à mieux épauler les généralistes, "bien peu armés" pour prendre en charge les patients et les orienter dans le "labyrinthe de la psychiatrie".** Elles proposent de généraliser les "dispositifs de soins partagés" en psychiatrie (DSPP), à l'exemple des Yvelines et de la Haute-Garonne, afin d'offrir des conseils téléphoniques et la possibilité d'obtenir des consultations rapides à l'hôpital. Elles préconisent également de rendre obligatoire le stage de psychiatrie en internat de MG. Du point de vue de la gouvernance, elles préconisent enfin d'élargir le périmètre de l'actuel délégué ministériel à la santé mentale pour lui attribuer des compétences plus transverses (éducation nationale, travail, administration pénitentiaire) et reprennent à leur compte l'idée de créer une agence interministérielle en charge du pilotage de la santé mentale, sur le modèle de l'INCa en cancérologie. * Les divergences entre les deux députées portent notamment sur la place à accorder à la psychiatrie fondée sur les preuves et au secteur privé. ** Selon une étude de la Drees, citée dans le rapport, de 25 à 30 % de la patientèle des médecins généralistes souffre de troubles psychiques.
Proposition 1 : réaffirmer le libre choix et les droits du patient
Proposition 2 : définir une politique nationale de santé mentale
Proposition 3 : déstigmatiser la psychiatrie et intégrer la santé mentale dans "Ma Santé 2022"
Proposition 4 : créer une agence nationale en charge des politiques de santé mentale
Proposition 5 : renforcer le pilotage interministériel via l’évolution du délégué à la santé mentale
Proposition 6 : créer des coordonnateurs territoriaux en santé mentale garants de la déclinaison de la politique nationale et du suivi de la mise en œuvre des projets territoriaux de santé mentale (PTSM)
Proposition 7 : soutenir et développer les conseils locaux de santé mentale (CLSM) pour faciliter la concertation entre les tous les acteurs de proximité (sanitaires, médico-sociaux, sociaux, élus, usagers, etc.)
Proposition 8 : organiser une véritable gradation des soins en faisant évoluer le secteur :
Développer la prévention primaire et secondaire en santé mentale
Développer le premier recours et l’accès aux soins de proximité
Moratoire sur la création de lits supplémentaires en psychiatrie (proposition de la rapporteure Martine Wonner) les deux rapporteures demandent un renforcement de moyens affectés aux équipes de secteur mais la rapporteure Caroline Fiat souhaite que cela puisse se faire en deux temps : pour qu'elles puissent sortir de l'intra-hospitalier et fermer des lits dans un deuxième temps)
Déployer des équipes spécialisées multidisciplinaires à l’échelon départemental voire régional
Proposition 9 : accélérer le virage ambulatoire en redéployant 80 % du personnel de l’hôpital psychiatrique sur l’ambulatoire à l’horizon 2030
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus