La télémédecine, un investissement rentable

13/12/2018 Par Dr Alain Trébucq
Economie
Dans le plan "Ma santé 2022" présenté en septembre dernier par Agnès Buzyn, "il n’y a pas grand-chose sinon rien à critiquer", reconnaît Patrick Errard, Président sortant du Leem, directeur général du laboratoire Astellas et à ce titre, Président de l’association LaJaPF représentant les 8 laboratoires japonais présents en France*. La télémédecine y figure en bonne place. Mais saura-t-on se donner les moyens de la déployer de manière optimale ?

Dans la situation de forte tension budgétaire que nous connaissons en France, l’investissement sur le temps long est particulièrement délicat. Or, comme le souligne Patrick Errard, la plupart des mesures du plan "Ma santé 2022" impose de tels investissements, la télémédecine n’y faisant pas exception. Mais elle est rentable, comme en témoignent les résultats d’une étude réalisée par la société IQVIA pour l’association LaJaPF et dont les résultats ont été présentés par le Pr Claude Le Pen, économiste, lors d’une conférence de presse. Réalisée sur la base de données de l’Assurance maladie (EGB/SNIIRAM), cette étude a cherché à mesurer les impacts de la télémédecine sur 3 parcours de soins distincts dans leurs complexités : l’hypertension artérielle, pathologie chronique prise en charge pour l’essentiel en soins primaires, le diabète de type 2 avec un focus sur la rétinopathie diabétique, dont la prise en charge est essentiellement ambulatoire elle aussi mais dans un partage entre premier et deuxième recours, enfin le cancer de la prostate dont la prise en charge relève essentiellement de spécialistes hospitaliers. Réalisée "en vie réelle", prenant pour postulat que le coût maximum de nomenclature des actes susceptibles d’être pratiqués en télémédecine génèrent une efficience d’au moins 50 % pour les comptes de l’Assurance maladie, l’étude montre qu’elle permettrait de réduire de 6 à 21 % le coût de la prise en charge de patients atteints de maladies chroniques. En ne retenant que les 3 pathologies précitées, l’étude montre que 356 millions d’économies pourraient être réalisées en une année. Ces économies se concentrent bien entendu sur l’HTA dont la prévalence est particulièrement élevée (un patient sur deux après 65 ans). Ainsi, les économies annuelles induites grâce à la télésurveillance des patients hypertendus s’élèveraient à 322 millions d’euros. L’étude ayant retenu plus de 1.6 million de patients éligibles estime que la télésurveillance permettrait de réduire de 63% les consultations de médecins généralistes et d’infirmières et de 25 % les coûts de médicaments. La téléconsultation mise en place pour les patients opérés d’un cancer de la prostate générerait 26.3 M€ d’économies, tandis que la télé-expertise dans la prise en charge de la rétinopathie diabétique entrainerait une économie annuelle de 8 M€. Directeur général du Leem, partenaire de l’étude, Philippe Lamoureux établit un parallèle entre le médicament et la télémédecine : les deux sont aujourd’hui des leviers activables pour améliorer sans délai l’organisation des soins et renforcer l’efficience de notre système de santé. Un investissement certes, mais une source d’économies potentielles pour financer l’importante vague d’innovations dont les patients bénéficient d’ores et déjà. Reste une question importante : comment coter l’acte de télémédecine ? Pour Claude Le Pen, il est clair qu’il ne peut y avoir de valeur pour un acte universel de télémédecine tant il y a de variabilité dans la complexité de celui-ci. Sans avoir été évoquée par les intervenants, la solution réside sans doute davantage dans un forfait de prise en charge, en particulier par une équipe pluriprofessionnelle. Cela aussi fait clairement partie des orientations retenues dans "Ma santé 2022" !   *Astellas, Chugai, Daiichi-Sankyo, Eisai, Kirin-Kyowa, Otsuka, Santen, Takeda

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