Michel Cymes : un business qui tourne à plein régime

25/08/2018 Par Catherine le Borgne
Personnalités
Mais qui est donc le Dr Michel Cymes, médecin ORL sexagénaire, hyperactif conférencier, homme de médias et de cinéma et surtout présentateur adulé par les téléspectateurs pour ses émissions santé, notamment ? Le Nouvel Observateur s'est lancé dans une grande enquête sur cet "intouchable", présentateur préféré des Français, porté toujours plus haut par la réussite. Au risque d'un dangereux mélange des genres.  

Voilà vingt ans, depuis 1998, que le Dr Michel Cymes présente "Le magazine de la santé", cinq fois par semaine, aux côtés du Dr Marina Carrère d'Encausse – sa collègue confinée à un rôle de faire valoir. Mais là, il arrête. Envie de se recentrer sur "ce qui l'amuse", puisqu'il a "le luxe inouï de pouvoir dire non", raconte le magazine. De fait, on laisse passer un sifflement admiratif devant la longue liste des divers jobs occupés par cette star vibrionnante et courte dormeuse. Soit :  une tournée de conférences à thème de bien-être au travail, faisant étape partout en France ;  la poursuite de la rédaction en chef de "Dr Good", le magazine santé vendu en kiosque dont l'unique concept consiste à capitaliser sur la starification de la star, lancé en mars dernier et qui cartonne à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires à chaque édition ;  des bouquins sur le bien-être (380  000 exemplaires pour "Vivez mieux et plus longtemps" par exemple), ou hors du champ de la médecine, tel "Hippocrate aux enfers", relatant l'histoire des médecins nazis jugés à Nuremberg, aujourd'hui "conseillé dans les facs de médecine", se réjouit Michel Cymes qui l'a écrit en hommage à son grand père déporté à Auschwitz. Et encore : de la radio, des émissions de télévision, en cours ou en projet, le tournage d'un téléfilm où il joue un médecin et, toujours une consultation ORL, deux matins par semaine à l'hôpital "pour 72 euros la matinée". Le toubib y puise force et crédibilité, son blanc seing dans ce monde si lunatique de paillettes et d'audimat, alors que l'angoisse de tout perdre en un coup de vent le taraude, rapporte un copain, en référence à son histoire familiale d'immigrants juifs polonais.

Porté par une popularité exceptionnelle, épaulé par une bande de potes qui le suivent et l'adulent depuis la fac de médecine, Michel Cymes est le médecin de famille cathodique par excellence, marrant, macho de salle de garde, à l'ancienne, juste ce qu'il faut pour ne pas trop choquer – alors même que Marina Carrère d'Encausse, assimilée à une infirmière par les téléspectateurs, encaisserait plutôt mal cette notoriété, confie Le Nouvel observateur. "Il sait parler de sujets angoissants sans susciter l'inquiétude", salue Alain Deloche, chirurgien cardiaque réputé, l'un de ses maitres en médecine. Il a introduit le rire et la dérision dans les émissions médicales, qui se devaient être sévères et austères avant lui. Décontracté sachant sous les sunlights, tel est le secret de la réussite du label "Cymes". Côté affaires, on s'enfonce un peu vers des zones d'ombres relate le magazine, qui a essayé d'y voir un peu plus clair dans l'environnement économique de la star. Cette dernière a vivement contesté l'affirmation du magazine Capital, qui avait écrit qu'il gagnait 290 000 euros par an pour ses seules activités télé. "C'est ma vie privée. En France, c'est mal vu de réussir. J'ai lu des trucs sur mes revenus '"indignes", mais je n'ai pas couché avec les Allemands ! Si j'avais voulu gagner beaucoup plus, j'aurais pu", s'indigne le présentateur. Dans les faits, c'est son frère Franck, ex cadre à France Télévision, qui est le manager aux manettes de la société Betterise qui encaisse les revenus de la machine Cymes et s'occupe de la "diversification des produits" drainés par la notoriété du frère. Ainsi, ses conférences sont organisées en partenariat avec Harmonie Mutuelle, le leader du secteur en France, on a entendu l'animateur prêter sa voix à une campagne de la grande distribution Auchan, qui diffuse sur France 2 des pastilles de conseils en bien être. L'Obs laisse entendre que sa société aurait entrepris de vendre une appli de santé à une compagnie d'assurance… Quant au laboratoire Sanofi, ce dernier relate au Nouvel Obs avoir été approché par Betterise et avoir décliné l'offre parce que "la proposition était trop gourmande". Les émissions sont recyclées pour faire des livres ou l'inverse, des articles pour le bi-mensuel, rien ne se perd. Interrogé sur ce mélange des genres par l'Obs, l'Ordre des médecins botte en touche : "Beaucoup de médecins se font payer pour leurs conférences. Celles de Cymes ne posent pas de problème à partir du moment où il n'incite pas directement à adhérer à cette mutuelle, et ou il ne vend rien à l'issue des débats. Sur le reste, c'est difficile de se prononcer sans en savoir plus", a-t-il été répondu. Le Dr Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF, remarque qu'un lien d'intérêt n'a en soi rien de gênant, contrairement au fait de ne pas le mentionner -"il devrait le faire régulièrement à l'antenne", ajoute-t-il. Plus radical, le Dr Jérôme Marty, le président de l'UFML, estime que cette situation est "gênante" d'un point de vue de l'éthique. "Il ne doit pas y avoir de rapport d'intérêt entre une mutuelle et un médecin, sauf s'il en est salarié. Les mutuelles vendent des contrats d'assurance, les médecins, eux, prodiguent des soins dans un système de santé solidaire. Nous ne faisons pas le même métier"', tranche-t-il. Qu'en dit l'intéressé ? Il reconnaît avoir sans doute franchi la ligne jaune il y a plusieurs années dans sa relation avec les laboratoires pharmaceutiques, mais il a "tout arrêté" depuis une quinzaine d'années et refuse aujourd'hui toute publicité pour des labos, mais aussi pour des sodas, dans ses émissions ou conférences. "Si j'avais l'impression que ces conférences étaient problématiques, j'arrêterais, mais tant que personne ne m'oblige à dire des choses en contradiction avec mes valeurs, je ne vois pas ce qui est gênant. Après, j'avoue ne pas connaître dans le détail le fonctionnement des mutuelles"… Un de ses meilleurs amis affirme qu'on ne peut attaquer "Michel" sur sa bonne foi ni sur son honnêteté. En revanche, "il a un côté léger. Il n'aime pas la complexité". Et voilà sans doute la source des quelques ennuis rencontrés par l'animateur vedette sur sa trajectoire mediatico-médicale. N'étant pas un découvreur mais un vulgarisateur, Michel Cymes  a milité pour des causes qui lui ont été ensuite reprochées, telle la vaccination antigrippale nationale en 2009 ou le dépistage généralisé du cancer du la prostate en 2011, des propos qui lui ont valu d'acerbes critiques de la part de certains confrères. Il a également subi les foudres de Martin Winckler, qui l'a accusé de "proférer des inepties"', au sujet de la pilule contraceptive, ce qui s'est traduit par une plainte en diffamation. Que l'auteur de La Maladie de Sachs a gagné. Le Formindep, association de formation continue, a également taclé le Magazine de la santé à l'occasion d'un sujet sur le cholestérol, après que le présentateur a donné la parole à des invités ayant des liens étroits avec l'industrie pharmaceutique sans leur demander de préciser leurs liens d'intérêts, rapporte Le Nouvel Observateur. Michel Cymes fait amende honorable et promet qu'on ne l'y reprendra plus. Très attaqué sur les réseaux sociaux après avoir publié "Quand ça va, quand ça va pas : leur corps expliqué aux enfants" (Ed. Clochette), il a été accusé de sexisme par des parents pour avoir plus expliqué le corps du garçon que celui de la fille. Du coup, chagriné, le Dr Cymes a fermé son compte Twitter au nez de ses 240 000 abonnés. Soutien du mouvement "Balance ton porc", le bon vivant commence à trouver qu'il va trop loin. Il soupire : "Aujourd'hui, je vais devoir faire plus attention à mes blagues"…

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