Une redevance contre les tâches administratives : le pari réussi d'une commune contre les déserts

14/07/2018 Par AFP
Démographie médicale

A Clichy-sous-Bois, près de Paris, élus et professionnels de santé ont trouvé une solution pour lutter contre la désertification médicale: une maison de santé organisée en société coopérative d'intérêt collectif, une première en France qui libère du temps pour les soignants et les protège davantage.

En 2009, le maire d'alors de cette commune de Seine-Saint-Denis Claude Dilain lance un projet de maison de santé, en y associant praticiens et organismes spécialisés dans l'offre de soins, car il fait le constat d'une désertification médicale du territoire.   Coopérative   "On était déficitaires, avec 17 médecins généralistes", explique Michel Fikojevic, responsable du service santé de la mairie de Clichy-sous-Bois (30.000 habitants). "Le statut juridique d'une Scic (Société coopérative d'intérêt collectif) est venu chemin faisant", explique Alexandre Grenier, son premier gérant. La France compte de plus en plus de coopératives, dont des Scic (741 en 2017), mais elles sont principalement présentes dans les secteurs des services, de l'industrie et de la construction. La "Med Clichy", inaugurée en 2014, est la première maison de santé ouverte sous ce statut. Une forme juridique adaptée car "elle permettait d'avoir dans une même société des professionnels de santé libéraux et une collectivité", explique Alexandre Grenier. La mairie a participé à hauteur de 1.000 euros sur 5.000 au capital social initial. Le statut Scic implique également une non-revalorisation du capital (la part d'un associé est fixe: 100 euros dans la Med Clichy), la participation des associés aux assemblées générales, le versement d'au minimum 57,5% des résultats aux "réserves impartageables" destinées à l'investissement et qui ne peuvent pas être réparties entre les associés.    "Moins de tâches administratives"   Aujourd'hui, l'établissement regroupe 24 professionnels de santé: médecins généralistes et spécialistes, infirmiers, sages-femmes, kinésithérapeutes... Contre une redevance fixe mais qui dépend de la profession (de 400 euros pour un infirmier à plus de 2.000 pour un médecin ou un dentiste), les praticiens bénéficient d'un ensemble de services qui comprend loyer, secrétaires, entretien, matériel informatique et autres charges. "On est libérés des contingences matérielles", estime Véronique Enguehard, généraliste qui travaillait auparavant dans un cabinet sous statut SCM (Société civile de moyens). La SCM est la structure habituelle des maisons de santé où la gestion administrative est généralement effectuée par les praticiens. "J'ai le sentiment de me consacrer beaucoup plus à la médecine et d'avoir moins de tâches administratives chronophages", abonde Jean-Baptiste Louison, dermatologue. Surtout, cette structure protège davantage les praticiens. "Une SCM ne peut pas faire faillite et les associés sont indéfiniment responsables alors que dans une Scic les associés ne partagent pas les pertes", explique Bernard Huynh, actuel gérant de la Scic et gynécologue à Paris. Avec un budget de 300.000 euros par an, la "société a toujours été à l'équilibre", se félicite Alexandre Grenier. Les 20 praticiens associés peuvent participer aux assemblées générales où sont prises les grandes décisions, comme l'accueil d'un nouveau professionnel. Les voix sont réparties entre plusieurs collèges comme les professionnels de santé (30% des voix), la mairie (20% des voix) ou les usagers (10%). Car dans une Scic, même un patient peut avoir une part. C'est le cas de Francis Martin, un ancien élu municipal qui estime que la maison de santé reçoit "un avis général très favorable" à Clichy-sous-Bois. Si la maison de santé, qui accueille 400 patients par jour, a permis de "rehausser l'offre de soins", la lutte contre la désertification médicale est cependant toujours d'actualité. "Avec les départs à la retraite (de praticiens) on est revenus au niveau de 2009", se désole Michel Fikojevic, précisant néanmoins que la situation aurait été pire sans la maison de santé. Environ 8% de la population vivait en 2017 dans un désert médical, selon le ministère de la Santé, qui définit une zone sous-dense comme un endroit où le nombre de consultation d'un médecin généraliste par personne par an est inférieur à 2,5.

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