Le jour où ma patiente m'a confié ce que son mari ne devait pas savoir

03/02/2018 Par Dr Eric Faidherbe
Bonnes feuilles

Il y a Marc, le super-athlète hypocondriaque qui enchaîne les entraînements... et les blessures. Et il y a Stéphanie, son épouse, une working girl qui ne consulte que pour des broutilles. Entre eux, un désir d'enfant, plus fort chez l'un que chez l'autre. C'est ainsi que le Dr Eric Faidherbe est devenu, sans le vouloir, le confident d'un couple. Une histoire qu'il raconte dans "Médecin, mon quotidien", aux Editions de l'Opportun.

   

Lire aussi - L'interview du Dr Eric Faidherbe : "Mes patients m'ont construit"

  Course à pied, natation, bicyclette. Marc était triathlète. Un triathlète anxieux. Il se soumettait à une préparation physique spartiate, en vue des compétitions qui jalonnaient sa saison sportive. À la moindre douleur, il se précipitait dans mon cabinet. Ce n’était pas la souffrance elle-même qui me l’amenait, ni même une angoisse hypocondriaque, mais la peur panique de ne pas être prêt pour ses échéances athlétiques. Une douleur de l’épaule me l’avait amené la première fois : une tendinite de la portion longue du biceps. Excès de zèle pendant son entraînement au crawl. Trop de puissance, pas assez de technique – mauvaise position de la main à l’entrée dans l’eau. Traitement : ondes de choc, repos. Drame! "Et ma compèt’ ?" Puis survint une coxalgie avec boiterie. Douleur à la pression de la face latérale de la hanche, et plus précisément du trochanter : une bursite trochantérienne. Ça, c’était le vélo et la course à pied. Repos. Drame ! Un lumbago, à cause du vélo. Du vélo à outrance. Repos. Drame! Le pompon, ce fut la tendinite du tendon d’Achille avec kyste intratendineux. Repos, physiothérapie, étirements, port d’une talonnette, rien n’y fit. Il fallut se résoudre à la solution chirurgicale : peignage du tendon avec curetage du kyste. Deux mois d’immobilisation stricte. Superdrame ! "Une saison de... foutue !" Où trouvait-il l’énergie nécessaire à ce surentraînement ? Alors que, dans le même temps, il occupait un poste chronophage à hautes responsabilités ! Stéphanie, son épouse, me consultait de temps en temps pour des broutilles, une rhinopharyngite, une entorse, une grippe. Toujours sans souci, heureuse, elle travaillait le matin dans un cabinet d’architecte. L’après-midi, elle le passait chez sa maman où elle contribuait à prendre soin de son frère jumeau, qui était autiste. La soirée était consacrée à son mari.  

  Un soir, Marc pénètre dans mon bureau, la mine sombre. — Docteur, je suis à bout. La dernière fécondation in vitro a encore raté. On n’y arrivera jamais. J’aurais tellement voulu avoir des enfants… Ni Marc ni Stéphanie ne m’avaient jamais parlé de leur stérilité. Pourtant, depuis des années, ils avaient tout essayé. Tous les examens avaient été pratiqués, toutes les techniques mises en oeuvre. Je n’étais au courant de rien. Ce jour-là, Marc s’ouvrait à moi et lâchait les vannes — C’est dur à avaler. Se faire à l’idée qu’on n’aura jamais d’enfants… Comme ça, au moins, je pourrai continuer à courir comme un con le reste de mes jours ! Il serrait les poings. — Vous pourriez essayer d’adopter… ? suggérai-je. — Non… On laisse tomber… C’est foutu. Non, maintenant on va oublier tout ça. On prendra du bon temps, Stéphanie et moi, on ne pensera plus qu’à nous. Le temps passe. Stéphanie vient me voir pour un bilan général, elle est en pleine forme, rayonnante, mais plus de règles – la ménopause sans doute. Pourtant, ça fait jeune. — Remarquez, ma mère c’était pareil, me dit-elle. Prise de sang.  

  Le lendemain, tout sourire ses examens de biologie à l’appui, je lui annonce la bonne, la très bonne nouvelle : elle est enceinte ! Ça y est, on y est ! Un miracle ! Toutes les méthodes d’assistance à la procréation abandonnées depuis maintenant plus d’un an, et voilà le travail ! Alléluia ! — Mais non, docteur, cest pas possible… c’est pas possible… Stéphanie se ratatine sur son siège, s’effondre en larmes. — Mais, qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? Qu’est ce qu’on va en faire de ce mioche ? Moi, je me suis habituée à l’idée de ne pas en avoir. Moi, j’en veux pas ! Après des années d’aide à la procréation, va-t-elle me demander d’organiser une IVG ? Finalement, toutes ces années, Stéphanie avait dû se trouver emberlificotée dans des conflits enfouis au plus profond d’elle-même : le désir d’enfant de son époux, son refus inavouable d’en avoir, l’envie de rester, elle, au centre de l’attention familiale… Elle a dû les serrer, ses trompes de Fallope, pendant tout ce temps ! Parce que, dès qu’elle les a relâchées, ses trompes, certaine que son couple était définitivement stérile, elle est tombée illico en cloque ! Et pas qu’un peu : l’échographie a montré non pas un, mais deux fœtus ! Aujourd’hui, Marc est baigné de bonheur : le triathlète ne court plus mais, serein, promène ses jumeaux… Stéphanie s’est découvert des qualités jusqu’alors ignorées. Elle est devenue une mère aimante et oblative. Une mère, quoi !

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