Les Etats généraux de la bioéthique, qui vont s'ouvrir jeudi 18 janvier, lanceront le processus de révision (tous les sept ans) des lois de bioéthique, permettant au législateur d'être en phase avec l'avancée ultra rapide de la science. Si le président de la République s'est prononcé pour l'élargissement de la PMA à toutes les femmes, bien d'autres sujets sont au programme.
Un couple de trentenaires a fait l'actualité ce mardi matin, deux jours avant l'ouverture des Etats généraux de la bioéthique, sous l'égide du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Il s'agit d'Arthur et Audrey Kermalvezen. Très actifs au sein de l'association "Procréation médicalement anonyme" (300 adhérents), ils sont tous deux nés d'un don de gamètes et militent depuis de longues années pour connaître l'identité de leur donneur, ce que notre législation basée sur le don anonyme et gratuit, interdit. Or, à la suite d'une enquête mondiale permise par un test génétique acheté sur internet, Arthur a pu retrouver son donneur et se fait volontiers interviewer dans la presse. "Ce sujet embarrasse. Je crois qu'il est difficile pour certains d'imaginer ce que c'est d'avoir une mère, un père, un géniteur", raconte-t-il à Libération. Son épouse, avocate, poursuit : "Nous avons besoin de pouvoir mettre un visage sur le donneur. Cela viendrait humaniser le monde de conception dont nous sommes issus. Mais il ne s'agit pas d'importuner le donneur. Nous voulons juste qu'il soit possible de le contacter à 18 ans, s'il en est d'accord. Comme c'est le cas en Suède ou aux Etats-Unis". A savoir que le donneur d'Arthur l'a contacté le jour de Noël, pour le féliciter de l'avoir retrouvé malgré les pistes effacées. Et l'a prévenu qu'il était porteur d'une anomalie génétique rare pouvant le prédisposer à certaines maladies. Le sourire d'Arthur s'est transformé en rictus, mais il "ne regrette rien".
Un "débat apaisé"
L'anonymat du don sera-t-il évoqué lors des Etats Généraux de la bioéthique qui s'ouvrent jeudi ? La généralisation mondiale des tests ADN qui rendront la préservation de l'anonymat de plus en plus difficile à conserver dans notre pays, le laisse penser. Mais rien n'est inscrit dans le marbre. Et voilà pourquoi ce couple médiatise son cas, pour qu'il ne passe pas à la trappe dans le grand débat annoncé sur la Procréation médicalement assistée, qui devrait s'ouvrir à toutes les femmes, conformément à l'engagement du président de la République, qui souhaite un "débat apaisé". De fait, après avoir été saisi sur le sujet, le comité d'éthique s'est prononcé en juin dernier, pour cet élargissement, conforté par des sondages d'opinion favorables. Dernier en date, un sondage Ifop pour le quotidien La Croix, informe que 6 Français sur 10 sont d'accord pour élargir la PMA aux femmes seules ou aux couples d'homosexuelles. Les mêmes Français (64 %) se disent d'accord pour légaliser en France la gestation pour autrui (GPA), 18 % dans tous les cas et 46 % pour des raisons médicales seulement. Mais le gouvernement ne suit pas l'opinion sur la GPA.
"On a fait en sorte qu'il n'y ait pas de trous dans la raquette"
Or, si l'opinion se dit ouverte à ce débat, il n'en va pas de même pour la Conférence des Evêques de France, qui y met un veto formel et, avec "la Manif pour tous", fer de lance des anti mariages pour tous, s'oppose mordicus à toute modification de la loi. Le long processus d'élaboration de la révision des lois – une année - est aussi conçu pour tenter d'apaiser les tensions entre les diverses chapelles. A deux jours de l'ouverture des Etats Généraux, à défaut de programme formel, tout semblait ouvert. De nombreux thèmes seront évidemment creusés lors des réunions marathon en régions qui vont se succéder jusqu'au printemps, tels le don d'organes, l'intelligence artificielle et la robotisation, l'environnement et la santé ou encore le stockage et l'exploitation des données de santé provenant des objets connectés ou des dossiers maladie (le big data), les nouvelles techniques génétiques, le handicap et la recherche génétique. La fin de vie, qui fait l'objet d'une loi spécifique datant de janvier 2016, rappelle l'AFP, pourra néanmoins être évoquée dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Ile-de-France, notamment pour ce qui concerne le rôle de l'entourage. Le suicide assisté sera abordé en mars à Tours. "On a fait en sorte qu'il n'y ait pas de trous dans la raquette", résume le Dr Régis Aubry, de l'Espace de réflexion Bourgogne Franche-Comté (ERBFC). Cet espace de réflexion s'attardera aussi sur le thème des dons d'organe et des produits issus du corps humain. Parallèlement, les comités d'éthique des grands organismes de recherches, des académies (des sciences, de médecine), mais aussi la Conférence nationale de santé, travailleront ces sujets.
Cette phase de débat devra être officiellement close le 7 juillet
Le déroulé prévoit qu'une synthèse de l'ensemble des discussions régionales sera transmise au printemps au CCNE, qui mènera ses propres auditions au plan national. Toute cette matière doit se retrouver dans les orientations et recommandations adressées ensuite par le Comité d'éthique au gouvernement et à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) en vue de la révision de la loi. Cet office, comme l'Agence de biomédecine et le Conseil d'Etat rendront également, chacun, un rapport sur le sujet. Cette phase de débat devra être officiellement close le 7 juillet (date anniversaire de l'adoption des lois de bioéthique révisées il y a 7 ans). Dans une circulaire envoyée en novembre dernier aux ARS, aux CHU et aux espaces régionaux de réflexion éthique, le gouvernement annonce pour ce même jour, la tenue d'un "événement de niveau national" ainsi que l'ouverture d'un site grand public, destiné à recueillir les avis des citoyens, associations, sociétés savantes, etc. Pour le ministère de la Santé, le projet de loi doit être finalisé à l'été 2018, déposé au Parlement à l'automne en vue d'une adoption d'une nouvelle loi bioéthique, dans le courant du premier semestre 2019. [Avec l'AFP et Libération]
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