Eczéma des mains : " une fausse réputation de bénignité "

08/06/2023 Par Muriel Pulicani
Dermatologie
Un adulte sur dix est concerné par l’eczéma des mains, souvent en lien avec l’activité professionnelle (santé, nettoyage, industrie, bâtiment, esthétique…). La prise en charge doit être multidisciplinaire, associant le médecin généraliste le dermatologue, l’allergologue et le médecin du travail. 
 
 

 

Egora : Quels sont les symptômes d’un eczéma des mains ? 

Dre  Marie-Noëlle Crépy : L’aspect clinique est variable avec érythème, œdème, desquamation, croûtes, vésicules. Il s’y associe un prurit parfois très sévère et des douleurs surtout en cas de fissures. Le diagnostic est principalement clinique mais des examens complémentaires sont parfois nécessaires. 

Quelles peuvent être les conséquences pour le patient ? 

L’eczéma a une fausse réputation de bénignité. Il a un impact très important sur la vie personnelle, sociale et professionnelle : retentissement sur le sommeil, douleur, perte d’habilité voire handicap et risque de perte de travail. 

Quelles sont les causes d’apparition de cette maladie ? 

La pathologie peut survenir à n’importe quel âge mais les adultes sont les plus touchés notamment pendant leur vie professionnelle. Les causes peuvent être endogènes (dermatite atopique) et/ou exogènes (exposition à des irritants et/ou des allergènes). Parfois, la cause n’est pas connue, comme dans la dyshidrose ou l’eczéma hyperkératosique palmaire. 

S’agissant des eczémas d’origine professionnelle, quels sont les facteurs de risque ? 

Le plus grand facteur de risque est le travail en milieu humide, qui concerne beaucoup de monde. L’Allemagne et le Danemark l’ont défini sur le plan règlementaire : lavage de mains plus de vingt fois par jour, port de gants plus de deux heures par jour, port de plus de vingt paires de gants jetables par jour, utilisation de désinfectants. Parmi les allergènes, on peut citer les additifs des gants en caoutchouc chez le personnel de santé, de nettoyage et dans la construction ; les biocides dans les détergents, les peintures, les colles, les huiles de coupe et les cosmétiques ; les résines plastiques dans la construction, chez les peintres et dans le secteur de l’esthétique ; les produits de coloration chez les coiffeurs ; le chrome dans le ciment et le cuir ; le nickel dans les objets métalliques (pièces de monnaie…) ; les parfums dans les détergents, les cosmétiques et les huiles essentielles, ou encore les plantes dans le secteur de l’agriculture, chez les fleuristes et parfois dans les cosmétiques. 

Quelle prise en charge le médecin généraliste peut-il proposer à ses patients venant consulter pour un eczéma des mains… ou un autre motif ? Quels conseils de prévention dispenser ? 

L’eczéma nécessite une prise en charge multidisciplinaire. Le médecin généraliste a un rôle primordial pour accompagner, relayer l’information donnée par le dermatologue, l’allergologue et le médecin du travail, et pour améliorer l’observance. 

Il est essentiel de traiter tôt et efficacement pour éviter le passage à la chronicité. Le traitement de première ligne est un dermocorticoïde puissant jusqu’à guérison complète. Les recommandations internationales insistent sur le dépistage des causes de l’irritation ou de l’allergie pour tout eczéma durant plus de trois mois. On peut guérir la maladie si l’on trouve l’allergène et qu’on le supprime. Pour se protéger, il convient de porter des gants adaptés, réutilisables et épais (par exemple pour faire la vaisselle ou le ménage), éviter les lavages des mains itératifs inutiles, utiliser des produits lavants doux (pain sans savon, syndet). Il faut privilégier l’application d’émollients, si possible non parfumés, sans allergène majeur et ayant peu de composants. En cas de non-réponse à un traitement dermocorticoïde bien conduit, en seconde intention, on peut prescrire des traitements systémiques comme l’alitrétinoïne. 

Y a-t-il de nouveaux médicaments disponibles pour la prise en charge de la maladie ? 

De nouveaux médicaments sont en cours de développement comme les anti-JAK par voie locale. Le delgocitinib est un inhibiteur pan-JAK en phase III qui aura bientôt son autorisation de mise sur le marché (AMM). Le tacrolimus par voie locale est un immunosuppresseur inhibiteur de la calcineurine indiqué dans l’eczéma atopique. 

Quelles sont les recherches en cours dans le domaine ? 

L’eczéma est souvent chronique avec un terrain génétique. Les recherches portent sur les mécanismes physiopathologiques conduisant à sa chronicité. Des études génomiques et transcriptomiques visent à décrypter les gènes qui activent les voies de signalisation de l’immunité et à définir des endotypes ouvrant à de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblées. 

*La Dre Crépy déclare avoir des liens d’intérêt avec Sanofi, Regeneron, Pierre Fabre, Abbvie, Lilly, et Leo Pharma  

 

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