La Cour des comptes vient de publier un rapport dans lequel elle a analysé les besoins en soins psychiques des enfants et des adolescents ainsi que l’offre de pédopsychiatrie telle qu’elle est actuellement. Il en ressort une inadéquation entre des besoins importants mis en évidence et amplifiés par la crise sanitaire liée au Covid, et une offre en pédopsychiatrie débordée, qui ne peut pas remplir efficacement ses missions. Le rapport est assorti de propositions pour tenter d’améliorer la situation.
La crise sanitaire a ainsi mis l’accent sur ces pathologies, les troubles psychiatriques, qui sont apparus comme un facteur majeur de morbidité chez les enfants et les adolescents. Selon le rapport de la Cour des compte, 13% des enfants seraient concernés par au moins un trouble psychique dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), soit environ 1,6 million d’enfants et adolescents en France.
Une offre saturée
Or, actuellement, on considère que ce sont entre 750 000 et 850 000 enfants et adolescents qui bénéficient annuellement de soins de pédopsychiatrie par des professionnels spécialisés selon les différentes modalités (ambulatoire, hospitalisations partielles et complètes). L’offre de soins est insuffisante. La spécialité est, en effet, marquée par une crise démographique médicale avec une chute de 34% du nombre de pédopsychiatres entre 2010 et 2022. Les pédopsychiatres ne sont plus qu’environ 2 000 actuellement. Et les psychiatres libéraux sont pour leur part "majoritairement au service d’une patientèle adulte et ne participent pas à la permanence des soins", notent les auteurs du rapport. En outre, le nombre de lits dédiés dans les hôpitaux a chuté de 58% entre 1986 et 2013. "Le secteur entier doit donc être revitalisé, notamment en renforçant l’attractivité des métiers du soin psychique infanto-juvénile", constatent-ils. Il apparaît, en particulier, nécessaire de revaloriser les parcours hospitalo-universitaires, de soutenir le double exercice hospitalier et libéral, et de renforcer la recherche française dans la discipline.
Mais surtout, cette offre de soins apparaît souvent inadaptée à la pathologie, et est très inégalement répartie sur le territoire.
Ainsi, selon la Cour des comptes, les professionnels libéraux, un point d’entrée majeur dans le parcours de soins, ne sont pas assez formés aux soins de pédopsychiatrie. Ils "méconnaissent encore trop les caractéristiques des troubles psychiques des enfants et des adolescents et ne jouent donc pas suffisamment leur rôle de porte d’entrée dans le parcours de soins", estime-t-elle.
Les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ), qui sont censés être les "pivots" de cette organisation, traitent tous les cas, des troubles légers à sévères. Et environ 50% de leur temps de travail est représenté par des séances d’évaluation et d’orientation des patients qui ne bénéficient pas ensuite d’un suivi au long cours. En conséquence, ils se retrouvent saturés, n’arrivant plus à "assurer en totalité leur mission de suivi des troubles psychiques les plus sévères". En revanche, les psychologues et infirmères en pratique avancée (IPA) apparaissent "en nombre important et croissant".
Enfin, en amont de ce parcours, sur le plan préventif, les Sages rappellent l’existence du projet national dit des "1 000 premiers jours", mais constatent que cet effort de prévention n’est...
que peu poursuivi ensuite à l’école, où les psychologues scolaires sont plus dédiés à l‘orientation scolaire qu’à la prévention et au dépistage des pathologies psychiques.
Pour un parcours de soins plus gradué
Les auteurs du rapport proposent donc un parcours de soins réorganisé et plus gradué. Pour le premier recours, ils recommandent que les médecins traitants de l’enfant, généralistes et pédiatres, soient placés "au cœur de l’accueil et de l’orientation des patients, et ce, pour améliorer le parcours de soins et sa gradation". Leur formation initiale et continue en psychologie de l’enfant doit être renforcée, en particulier concernant le dépistage et l’orientation.
Les Sages proposent aussi, en complément, une expérimentation de "maisons de l’enfance et de l’adolescence" qui participeraient à l’accueil de première ligne. "Ces expérimentations pourraient être étendues à l’ensemble des enfants et des jeunes et auraient pour objectifs de répondre aux besoins en soins somatiques comme psychiques et de limiter les ruptures dans le parcours de soins", précisent les experts de la Cour des comptes dans leur rapport.
Le dispositif devra s’appuyer aussi probablement sur une montée en puissance des psychologues qui "ont vocation à prendre progressivement une place dans le parcours de soins". Les CMP-IJ pourraient alors se consacrer "au suivi des troubles modérés à sévères, à la coordination des parcours, en particulier lors d’une hospitalisation, et assurer pleinement leur rôle de centre d’expertise, notamment envers les professionnels libéraux". A cette fin, la Cour des comptes propose de prioriser les créations de postes envisagées par les Assises de la santé "vers les CMP-IJ situés dans les zones où les professionnels de première ligne sont trop peu nombreux pour assurer leurs missions".
Les Sages proposent aussi le renforcement des dispositifs d’équipes mobiles et de liaison "pour anticiper et limiter le recours aux services d’urgences lorsqu’un patient est en crise". Ces derniers "devraient devenir un équipement de base de chaque territoire de référence".
Une volonté, mais peu d‘actions concrètes
Si les auteurs du rapport reconnaissent un effort gouvernemental – notamment via la feuille de route sur la santé mentale – ils relèvent que cette dernière "ne se fixe pas d’objectifs clairs et ne prévoit pas de calendrier de mise en œuvre". De même, un délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie (DMSMP) a été mis en place ; mais il agit peu sur la pédopsychiatrie.
Enfin, sur le plan financier, les efforts apparaissent insuffisants et surtout mal répartis (1,8 Md€ pour la psychiatrie infanto-juvénile dans les établissements de santé en 2019, concentrés sur le secteur public). Les dépenses de psychiatrie de ville remboursées par l’assurance maladie obligatoire sont "assez modestes, alors que les dépenses réalisées par les établissements sociaux et médico-sociaux pour la prise en charge des soins psychiques des enfants et des adolescents représentent, elles, un volume important, que l’on peut estimer à plus d’1,06 Md€", ajoute la Cour des comptes. Selon elle, cet argent pourrait être mieux utilisé. "Les dotations reconduites chaque année ne prennent pas en compte l’évolution de l’activité et s’adaptent peu aux spécificités locales des établissements, à l’exception des mesures nouvelles et des appels à projets", soulignent les auteurs.
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