Alors que le Covid-19 approche les 250.000 personnes infectées et les 10.000 morts dans le monde, dont plus de 10.000 infectés et 350 morts en France, la communauté scientifique fait tout son possible pour trouver rapidement des traitements. La stratégie privilégiée, pour des raisons évidentes de rapidité d’action, est le repositionnement de médicaments. Elle consiste à tester l’utilisation d’un médicament déjà commercialisé pour une autre indication que celle pour laquelle il a été développé. Parmi les remèdes les plus prometteurs figurent ceux dont l’effet va être testé par le groupe de recherche de l’Inserm « REACTing », sous l’égide de l’OMS, sur une cohorte de 800 patients français dans un essai clinique national. Cet essai s’inscrit dans l’étude d’une cohorte de 3200 personnes de plusieurs pays européens. Jusqu’à récemment, trois traitements devaient être testés à partir du 20 mars : remdesivir (médicament en développement, initialement contre Ebola), l’association lopinavir/ritonavir (antirétroviral prescrit contre le VIH) seule, et prescrite avec de l’interféron béta. La France avait rejeté dans un premier temps l’inclusion de la chloroquine dans cette étude évolutive, « par crainte d’interactions médicamenteuses en réanimation et d’effets secondaires », selon Pr Yazdan Yazdanpanah, le directeur de REACTing. Mais cette position est en train de changer : le Pr Delfraissy, président du comité scientifique de REACTing et du conseil scientifique, a annoncé le 18 mars sur France 2 le rajout d’un quatrième « bras avec la chloroquine » à l’essai national. Des indices d’efficacité de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 proviennent notamment d’une étude française menée par le Pr Raoult, publiée le 17 mars avant sa parution dans la presse scientifique (International Journal of Antimicrobial Agents).
Ces résultats préliminaires, annoncés par le Pr Raoult dans une vidéo postée le 16 mars sur YouTube puis par une publication le 17 mars, ont fait grand bruit dans la communauté scientifique comme parmi le public. Entre les appels à la prudence de certains, le traitement miracle annoncé par d’autres ou encore la pétition enfiévrée demandant l’application immédiate du traitement testé… il apparaît nécessaire de décortiquer la publication pour faire la part des choses. Les résultats présentés par le Pr Raoult...
concernent 36 patients, tous testés positifs par RT-PCR au Covid-19. 20 d’entre eux ont reçu pendant 10 jours, à partir de leur admission dans l’étude, 200 mg d’hydroxychloroquine 3 fois par jour. Les 16 autres faisaient partis du groupe témoin, ne recevant si besoin qu’un traitement symptomatique. Tous ces sujets ont pu être suivis sur les 6 jours de l’expérience. Après 6 jours de traitement, 70% des patients traités à l’hydroxychloroquine ne présentaient plus le virus, contre 12.5% des contrôles, soit un résultat très significatif (p-value = 0.001). En comparant les effets de l’hydroxychloroquine seule et ceux de l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine (500 mg le premier jour, puis 250 mg/jour pendant les 4 jours suivants sur 6 patients), l’équipe marseillaise conclut à une probable synergie entre hydroxychloroquine et azithromycine. De fait, après 6 jours de traitement, 100% des 6 patients traités par la combinaison de médicaments n’avaient plus le coronavirus, contre 57.1% des 14 patients traités à l’hydroxychloroquine et 12.5% des 16 patients contrôles (p-value < 0.05).
Des résultats positifs, mais qui restent à confirmer : « ces résultats sont intéressants, mais ils sont extrêmement préliminaires et ne répondent pas aux critères classiques d’évaluation d’un médicament », a déclaré le Pr Delfraissy sur France 2. L’étude préliminaire, menée sur 6 jours, ne concerne que 6 patients pour la combinaison de médicaments (et 14 pour l’hydroxychloroquine seule), dont un qui a de nouveau été testé positif au Sars-Cov-2 au huitième jour d’essai. De plus, certains des sujets étaient asymptomatiques, quand d’autres étaient gravement atteints : leurs situations étaient-elles comparables ? Enfin, l’étude n’apporte pas d’élément d’efficacité clinique, mais uniquement virale. Le ministre de la Santé Olivier Véran a cependant donné son feu vert pour « qu’un essai plus vaste par d’autres équipes puisse être initié dans les plus brefs délais », alors que Sanofi s’est déclaré prêt à offrir des millions de doses de Plaquenil, un anti-paludéen à base d’hydroxychloroquine, aux autorités françaises. La publication française du Pr Raoult n’est cependant pas isolée. Elle fait suite à plusieurs indices d’efficacité contre le coronavirus de la chloroquine, d’après une étude chinoise du 18 février sur une centaine de patients, mais aussi de l’hydroxychloroquine. Quelle différence entre ces deux molécules ? L’hydroxychloroquine est un dérivé hydroxylé de la chloroquine. Toutes deux sont utilisées...
comme anti-paludéen, et l’hydroxychloroquine également contre le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. Ces médicaments sont supposés agir contre le Covid-19 en bloquant la fusion du virus avec la cellule par augmentation du pH de l’endosome. L’hydroxychloroquine est moins dangereuse pour la santé : ses effets secondaires et interférences médicamenteuses sont moindres que pour la chloroquine. D’où la volonté de tester le repositionnement de l’hydroxychloroquine en priorité. Une publication chinoise plus récente, parue dans Clinical Infectious Diseases le 9 mars, montre que la chloroquine comme l’hydroxychloroquine peuvent inhiber in vitro la prolifération de Sars-Cov-2… Mais cette dernière s’avère bien plus efficace que la chloroquine (EC50, ou dose nécessaire pour inhiber le virus de 50%, 7.5 fois plus faible pour l’hydroxychloroquine que pour la chloroquine). De plus, la chloroquine ne montre qu’une efficacité médiocre comme traitement prophylactique, ne plafonnant qu’à une inhibition d’à peine 50% du virus même à de fortes concentrations. Dans le même temps, l’hydroxychloroquine atteint à forte concentration quasiment 100% d’inhibition de Sars-Cov-2. Après ces tests in vitro, les auteurs chinois ont modélisé la cinétique d’action de l’hydroxychloroquine contre Sars-Cov-2, et en ont déduit des doses optimales d’utilisation contre le virus : 400 mg d’hydroxychloroquine deux fois dans la journée de démarrage du traitement, suivi pendant 4 jours de 200 mg deux fois par jour. Des doses proches, mais légèrement inférieures à celles qu’a utilisé l’équipe du Pr Raoult lors de son essai clinique.
Attention cependant à ne pas s’enflammer : un commentaire récent dans Science souligne ainsi que par le passé, la chloroquine a plusieurs fois été proposée, sans succès, comme remède à des infections virales sur la base de tests in vitro concluants. Ce commentaire fait également remarquer que l’étude chinoise prouvant un effet de la chloroquine sur une centaine de patients a un protocole discutable (résultats provenant de plusieurs hôpitaux, utilisant potentiellement différents protocoles expérimentaux), et n’a toujours pas publié les données utilisées pour arriver à ses conclusions. Il faut donc garder à l’esprit qu’il est nécessaire de disposer de recul et d’une certitude scientifique suffisante avant de pouvoir utiliser l’hydroxychloroquine dans la pandémie actuelle. Il reste que ces résultats in vitro associés à l’étude préliminaire du Pr Raoult confirment l’intérêt à suivre de près l’hydroxychloroquine contre le Covid-19. Et ce, d’autant plus que les premiers résultats disponibles pour Kaletra, autre candidat sérieux contre le coronavirus, sont mitigés.
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