Contrairement à une idée largement répandue, la dermatite atopique (DA) ne concerne pas que les nourrissons et les jeunes enfants. Selon une étude présentée par le Pr Martine Bagot (hôpital saint Louis, Paris), 4.5% des plus de 15 ans en souffrent, ce qui en fait la 2e maladie dermatologique après l’acné, devant le psoriasis. La DA touche ainsi 2 millions de français dont environ 90 à 100.00 présentent une forme sévère.
Pour ces derniers, la peau se transforme en prison, la vie en cauchemar, "nous vivons à fleur de peau" témoigne Céline. Approchant de la quarantaine, Céline est travailleuse sociale, mère de deux enfants. Sa DA a débuté au cours de l’adolescence, marquée par des poussées toujours plus sévères, avec des démangeaisons intenses provoquant des grattages "jusqu’au sang". "Mon sommeil s’en trouvait gravement perturbé, mes draps étaient tachés de sang, la douche matinale extrêmement douloureuse". Tout cela sans compter le handicap social (le regard des autres) ou professionnel (une somnolence diurne consécutive à un mauvais sommeil). Prurit, peau sèche devenant rugueuse, suintements, saignements, desquamation, lichénification sont les symptômes de la DA modérée à sévère, responsable en moyenne de 32.7 jours d’arrêt de travail par an. Le Pr Martine Bagot rappelle en outre que près de 50% des patients atteints de DA présentent des comorbidités atopiques : asthme, rhinite allergique, conjonctivite. La DA n’est aucunement liée au stress précise le Dr Sébastien Barbarot, dermatologue au CHU de Nantes. Sa physiopathologie repose sur 4 piliers : un terrain génétique prédisposant, des désordres immunitaires avec un excès de production de cytokines proinflammatoires (IL-4 et IL-13), des facteurs environnementaux et une dysbiose du microbiome cutané avec notamment un excès de staphylocoque doré. Conséquence de tout cela, la peau est plus perméable, plus poreuse, retenant moins bien l’eau, plus perméable aux bactéries et aux polluants. Pour les formes légères, le traitement fait appel aux émollients, aux huiles de bain, à l’éviction des allergènes identifiés. Au cran au-dessus se situent les dermocorticoïdes, voire le tacrolimus topique mais dont les effets indésirables sont fréquents. Quant aux traitements systémiques, ils se réduisaient jusqu’à présent à la ciclosporine et au méthotrexate, ce dernier sans que la DA soit dans son AMM ; du fait de problèmes de tolérance, la plupart des patients avec une DA modérée ou sévère se retrouvaient rapidement, comme Céline, en situation d’impasse thérapeutique. D’où l’intérêt du dupilumab (Dupixent), première biothérapie indiquée dans la DA modérée à sévère de l’adulte nécessitant un traitement systémique. Les différentes études menées dans le cadre de son développement (Salo 1 et 2, Chronos, Café) révèlent que 50 à 69% des patients ont une amélioration d’au moins 75% de leur score EASI (Eczema Area and Severity Index) sous Dupixent, le meilleur résultat (69%) ayant été obtenu dans l’étude Chronos, avec association dupilumab et dermocorticoïde. Désignée dès 2014 comme "découverte capitale" par la FDA (Etats-Unis), bénéficiant d’une ASMR III en France, cette biothérapie est proposée par Sanofi Genzyme. Son directeur général pour la France, le Dr Christian Deleuze, accompagné du Dr Claire Thénié, responsable médicale DA, précise que ce traitement, de prescription initiale hospitalière annuelle par un dermatologue ou un interniste, est indiqué en cas d’échec, d’intolérance ou de contre-indication à la ciclosporine. La population éligible au Dupixent a été estimée par la Commission de Transparence entre 24 et 36.000 patients. Après une dose de charge de 2 injections de 300 mg chacune, le traitement repose sur une injection de 300 mg en sous-cutanée toutes les deux semaines. La tolérance est bonne, les principaux effets indésirables (réaction au site d’injection, conjonctivite, hyperéosinophilie asymptomatique) ne nécessitant jamais d’interruption thérapeutique.
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