Le 23e Congrès de pneumologie de langue française, organisé à Marseille du 25 au 27 janvier, confirme les avancées thérapeutiques dans cette spécialité médicale avec les percées de l’immunothérapie dans le cancer bronchique. L’actualité 2018 a été riche sur le plan thérapeutique dans le cancer bronchique avancé non à petites cellules (CBNPC), a expliqué le Dr Laurent Greillier, pneumo-oncologue à l’hôpital Nord de Marseille. Et pour la première fois depuis 20 ans, des progrès thérapeutiques ont été constatés sur cette tumeur habituellement de mauvais pronostic. Un dixième environ des CBNPC métastatiques avec addiction oncogénique (c’est-à-dire dépendant pour leur croissance d’une altération moléculaire) présentent une mutation sur le récepteur de l’EGF (EGFR). Dans ces CBNPC, en général des adénocarcinomes, la stratégie thérapeutique habituelle consistait jusqu’ici à proposer, avant la chimiothérapie, un inhibiteur de tyrosine kinase de 1e ou de 2e génération, actif sur la voie de l’EGFR. Ce qui permettait d’espérer une durée de vie sans progression de 9 à 13 mois. Les données de l’étude Flaura, menée en double aveugle chez 556 patients avec un adénocarcinome porteur de cette mutation, laissent cependant penser que l’utilisation en premièr ligne thérapeutique d’inhibiteurs de tyrosine kinase de 3e génération comme l’osimertinib pourrait devenir un standard et faire rapidement évoluer les recommandations (1). Après utilisation d’osimertinib, la durée de vie sans progression a, en effet, atteint 18,9 mois en médiane contre 10,2 mois dans le groupe traité par géfitinib ou erlotinib (hazard ratio pour la mortalité et la progression de 0,46, p < 0,001). "Une différence qui n’était pas expliquée par le taux de réponses, lequel était sensiblement équivalent dans les 2 bras : 80 % pour l’osimertinib, 76 % pour le géfotinib ou l’erlotinib, mais par une réponse persistant plus longtemps avec l’osimertinib", a précisé le Dr Greillier. Les effets secondaires de grade 3, ont par ailleurs, été un peu moins nombreux sous osimertinib (34 %) que sous géfitinib ou erlotinib (45 %). Environ 5 % des CBNPC métastatiques avec addiction oncogénique se caractérisent par un ré-arrangement ALK. Les inhibiteurs de tyrosine kinase de 1e (crizotinib), 2e (céritinib, alectinib, brigatinib), ou 3e génération (lorlatinib), agissant sur ces CBNPC, se différencient, outre leur capacité d’inhiber ALK, par leur profil d’action sur d’autres cibles (ROS1, MET, IGF1R…), leur spectre d’action sur les mécanismes de résistance (mutations ALK) et aussi (ce qui peut être important dans le CBNPC) par leur activité cérébrale. Une étude de phase 3 ouverte ayant comparé, chez 275 patients, brigatinib et crizotinib, a rapporté avec le premier de ces médicaments une survie sans progression nettement améliorée (67 % versus 43 % à 1 an, hazard ratio de 0,49, p < 0,001), les bénéfices étant observés dans tous les sous-groupes (2). Une différence expliquée par un taux de réponses supérieur pour le brigatinib (71 % contre 60 %), et ce notamment au niveau intracrânien (78 % de réponses contre 29 %), le brigatinib ayant une efficacité particulièrement nette en cas de métastase cérébrale. Vers une extension des indications de l’immunothérapie 2018 a aussi été une grande année pour l’immunothérapie dans les CBNPC sans addiction oncogénique. En 2017, le pembrolizumab, un anticorps monoclonal anti-PD1, n’était proposé en première ligne que dans les CBNPC exprimant PDL1 avec un score de proportion tumorale d’au moins 50 %, et on préférait proposer dans les autres CBNPC une chimiothérapie avec éventuellement un médicament anti-angiogénique dirigé contre le Vascular endothelial growth factor (VEGF), le bévacizumab. "Ceci pourrait changer", a estimé le Dr Greillier. Un essai de phase 3 entrepris en double aveugle, chez 616 patients avec un CBNPC avancé sans mutation EGFR ou ALK, vient en effet de montrer, que l’addition du pembrolizumab à une chimiothérapie à base de pémétrexed et de platine améliore la survie sans progression (8,8 mois en médiane contre 4,9 mois pour la chimiothérapie seule, hazard ratio de 0,52, p < 0,001), ainsi que la survie globale (taux de survie de 69,2 % à 12 mois versus 49,4 %, hazard ratio de 0,49, p < 0,001) (3). De plus, si cet agent immunothérapie était particulièrement efficace, comme attendu, dans les tumeurs exprimant à plus de 50 % PDL1, il a aussi démontré son intérêt en combinaison avec la chimiothérapie dans des tumeurs l’exprimant pour 1 à 49 % et même pour moins de 1 %. "Une immunothérapie pourrait donc être couplée à la chimiothérapie, même chez les patients avec un CBNPC exprimant peu ou pas PDL1", a jugé le Dr Greillier. Une autre étude menée avec un anticorps anti-PDL1, l’atézolizumab, a elle-aussi confirmé les bénéfices d’une association d’immunothérapie, de chimiothérapie (par carboplatine et paclitaxel) et de bévacizumab, quel que soit le niveau d’expression tumorale de PDL1 (4). Les percées de l’immunothérapie concernent aussi les CBNPC épidermoïdes, avec dans un essai de phase 3 en double aveugle effectué chez 559 patients, une amélioration de la survie globale après addition du pembrolizumab à une chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel (survie de 15, 9 mois contre 11,3 mois, hazard ratio de 0,64, p < 0,001), le bénéfice sur la survie étant là aussi obtenu quel que soit le niveau d’expression tumorale de PDL1 (5). Enfin, dans un autre essai de phase 3 en double aveugle, mené chez 403 patients avec un cancer bronchique à petites cellules, l’addition d’atélozimumab à une chimiothérapie par carboplatine et étoposide a réduit significativement la mortalité par rapport à la chimiothérapie seule (12,3 mois de survie moyenne contre 10,3 mois pour le placebo, hazard ratio de 0,70, p = 0,007) (6). "Des résultats positifs, qui n’avaient jamais été observés dans le cancer bronchique à petites cellules", s’est félicité le Dr Greillier.
- Soria JC, et al. N Engl J Med. 2018 ; 378 : 113-125.
- Camidge DR, et al. N Engl J Med. 2018 ; 379 : 2027-2039.
- Gandhi L, et al. N Engl J Med. 2018 ; 378 : 2078-2092.
- Socinski MA, et al. N Engl J Med. 2018 ; 378 : 2288-2301.
- Paz-Ares L, et al. N Engl J Med. 2018 ; 379 : 2040-2051.
- Horn L, et al. N Engl J Med. 2018 ; 379 : 2220-2229.
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