Allergies respiratoires sévères : les allergologues réclament un grand plan national
Les allergies respiratoires sévères inquiètent les spécialistes, du fait de d’une évolution épidémiologique en forte augmentation, - en lien en particulier avec la pollution atmosphérique - , et d’un retard fréquent à la prise en charge, source d’une altération importante de la qualité de vie.
La prévalence des allergies flambe. Ces affections se situent désormais au quatrième rang des maladies chroniques les plus fréquentes, considère l’Organisation Mondiale de la Santé. Parmi elles, "les formes sévères se développent aujourd’hui de manière rapide et inquiétante" alors qu’elles étaient "quasiment inexistantes dans les années 80" affirme le Pr Demoly (CHU Montpellier, en partenariat avec la Fédération française d’allergologie (Ffal), qui présentait une communication sur ce thème à l’Académie nationale de médecine en juin 2018. On estime qu’une personne sur 5 touchées par une allergie respiratoire souffre d’une forme sévère de la maladie. De nouvelles formes d’allergies respiratoires voient le jour, "plus complexes et multifactorielles, au point de parler de "maladies nouvelles" pour qualifier ce phénomène, explique le spécialiste. Le nombre de patients souffrant de poly-allergie, a considérablement augmenté, entrainant de facto une complexification de leur profil allergique et de leur prise en charge. Cette tendance est loin d’être anodine. Comparativement à des patients mono-allergiques, les patients poly-allergiques, notamment alimentaires et respiratoires, ont un risque accru de développer un asthme sévère". A quoi cela est-il dû ? Probablement la conjonction de facteurs génétiques et de modifications environnementales. "L’évolution de nos modes de vie, caractérisés par une urbanisation massive et des changements dans nos habitudes alimentaires, la perte de la biodiversité, le réchauffement climatique (s’accompagnant d’un allongement des périodes de pollinisation), et aussi la pollution atmosphérique, sont autant de causes qui peuvent expliquer ce phénomène" affirme le Pr Demoly. Certaines études ont ainsi mis en évidence une corrélation entre pollution atmosphérique et l’amplification, l’aggravation voire l’induction des allergies respiratoires mais aussi cutanées et alimentaires. Les allergies sévères peuvent se révéler particulièrement handicapantes chez certains patients et altèrent considérablement leur qualité de vie : détérioration du sommeil, fatigue intense, fatigue au volant et risque d’accidents de la route, troubles de la concentration, difficultés scolaires et d’apprentissage, détérioration de la vie sociale et professionnelle. Ainsi, une étude de 2008 réalisée en Angleterre, a montré qu’il y avait plus d’échec aux examens chez les enfants allergiques comparativement aux non allergiques (Walker S, et al. J Allergy Clin Immunol. 2007;120:381-7). Et sur le plan professionnel, une autre étude a récemment montré que deux tiers des patients allergiques respiratoires aux acariens ressentent l’impact négatif de leur allergie sur leurs performances professionnelles et la qualité de leur sommeil (Leger D, et al. Allergy Asthma Clin Immunol. 2017;13:36). La sévérité de l‘asthme constitue un facteur majeur. Ainsi, la partie française de l’étude Eucoast menée en 2013 (Doz M, et al. BMC Pulm Med. 2013;13:15.) a révélé que les patients dont l’asthme était le moins bien contrôlé et le plus sévère avaient un score de qualité de vie nettement inférieur à ceux suivis par un spécialiste. Par ailleurs, les hospitalisations et les décès augmentent chez les personnes asthmatiques sévères. "Trop souvent sous estimées et assimilées à des pathologies bénignes, [les allergies sévères] ont pourtant des répercussions majeures d’un point de vue social et économique" confirme le Pr Pascal Demoly. Première cause de perte de productivité Les conséquences sociétales et économiques des allergies sont aussi majeures. Le Pr Demoly souligne ainsi "le coût économique exorbitant des allergies respiratoires dans leurs formes les plus diverses". Il s’agit, en effet, de la première cause de perte de productivité dans le monde, devant les maladies cardiovasculaires, avec chaque année, plus de 100 millions de jours de travail et d’écoles perdus en Europe. Le coût annuel médian de prise en charge de la rhinite allergique est estimé à 125 euros par patient pour les formes légères ; et il atteint 199 euros pour les formes sévères. Le poids financier de l’asthme est aussi considérable, et augmente aussi avec la sévérité de la maladie. Ainsi, selon l’étude Eucoast, le coût d’un asthme non contrôlé et non pris en charge s’élevait à 538 euros par trimestre contre 85 euros pour un patient asthmatique bien suivi. Le médecin généraliste au premier plan Le médecin généraliste ou le pédiatre sont souvent à l’origine du diagnostic précoce de la maladie. "Les professionnels de santé de premier recours ont un rôle central à jouer pour réduire l’errance thérapeutique en posant un premier diagnostic, condition sine qua non pour que le patient puisse être pris en charge" insiste le Pr Demoly. La formation initiale et continue des professionnels à la reconnaissance des symptômes est fondamentale. C’est dans ce contexte que l’allergologie a été reconnue en 2017 comme spécialité universitaire. Le Pascal Demoly, avec la Ffal, plaide aussi pour l’insertion de modules de formation en allergologie dans les spécialités amenées à voir des patients allergiques, ainsi que la création d’une Formation Spécialisée Transversale "Maladies allergiques" pour les médecins qui souhaitent approfondir leurs connaissances et compétences. Par la suite, le patient sera orienté vers un spécialiste (allergologue exclusif, pneumologue et pédiatre) pour un diagnostic spécifique complet afin d’optimiser la prise en charge. Les allergologues souhaitent aussi la création de services hospitaliers d’allergologie générale, dédiés à la prise en charge des allergies sévères, qui s’ajouteraient aux consultations et unités dédiées qui se développent déjà localement. Pour un Plan allergies sévères Les acteurs l’allergologie se mobilisent donc depuis plusieurs années en faveur d’un grand plan national qui permette de structurer l’offre de soins pour réduire les conséquences des allergies sévères. "A l’heure où nous assistons à une complexification des allergies respiratoires, il est urgent qu’une politique de santé publique d’envergure soit initiée en France. Si l’amélioration de la qualité de l’air est indispensable, celle des parcours de soins des patients l’est tout autant" souligne le Pr Demoly. Les allergologues publient donc un livre blanc sur ce sujet dans lequel ils font 10 propositions : 1. Labelliser les allergies respiratoires "Grande cause nationale" 2. Engager une réflexion collective afin de déterminer l’impact du changement environnemental sur la complexification des allergies respiratoires 3. Quantifier et qualifier l’impact sanitaire et social des allergies respiratoires sévères 4. Créer des centres de référence dédiés à l’asthme et aux allergies sévères 5. Inclure des modules d’allergologie dans la formation initiale des étudiants en médecine 6. Inclure des modules d’allergologie dans la formation continue des professionnels de santé 7. Adapter le nombre de postes d’internes en allergologie aux besoins de santé publique 8. Accélérer l’orientation des patients allergiques vers les professionnels de santé exerçant l’allergologie 9. Assurer une prise en charge optimale des traitements d’immunothérapie allergénique 10. Améliorer l’accessibilité des patients allergiques aux programmes d’éducation thérapeutique
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