Hémopathies : les difficultés d’accès aux innovations responsables de milliers de décès prématurés, selon les associations
Plusieurs associations de patients atteints d’hémopathies alertent sur l’importance des retards de commercialisation de certains produits innovants qui ont pourtant prouvé leur efficacité. Elles souhaitent revoir les modalités de mise sur le marché de ces produits, et demandent plus de transparence de la part des Autorités de santé.
Alors que va s’ouvrir, le 28 mars prochain à Paris, le 38ème congrès de la Société Française d’Hématologie, les représentants d’associations de patients atteints d’hémopathie tirent le signal d’alarme concernant sur les difficultés d’accès en France aux médicaments innovants, et plus particulièrement aux nouveaux traitements anticancéreux. Ne se sentant pas entendues depuis plusieurs années, ces différentes associations, chacune spécialisée dans une pathologie (Action Leucémies Association française des malades du myélome multiple -AF3M-, Association de soutien et d’information à la leucémie lymphoïde chronique et la maladie de Waldenström -Sillc-, France Lymphome Espoir -FLE-, Connaître & combattre les myélodysplasies -CCM) ont décidé de s’unir dans un Manifeste commun pour dénoncer l’urgence de la situation. Selon elles, « en matière d’accès à l’innovation et de prise en compte de l’expérience concrète des patients, la France décroche » en regard de ses voisins européens. « Le statu quo rend les autorités responsables de milliers de décès prématurés faute de mise à disposition rapide des innovations thérapeutiques » affirment-elles. Les problèmes rencontrés sont tout d’abord liés à des lenteurs administratives. Ainsi, le processus d’accès aux nouveaux médicaments est l’un des plus lents de l’Union européenne : 400 jours en moyenne entre l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) et la mise à disposition du médicament, au lieu des 180 jours requis par la directive européenne 89/105/CEE. « La situation s’est d’ailleurs récemment aggravée » soulignent les auteurs du Manifeste.
Trois exemples
Les associations citent par exemple le cas du carfilzomib (Kyprolis, Amgen), dans le domaine du myélome multiple, indiqué en deuxième ligne de traitement. Ce médicament dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne, depuis le 25 novembre 2015. Et le Comité de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) lui a attribué le 25 mai 2016 un service médical rendu (SMR) important et une amélioration du service rendu (Asmr) de niveau IV. Les études ont, en effet, montré qu’il permettait d’améliorer la survie globale moyenne de 8 mois. Ce traitement est déjà disponible et pris en charge dans une vingtaine de pays européens pays européens dont la Belgique, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Pourtant, les discussions sont toujours en cours concernant son prix et les conditions de sa prise en charge. Le médicament n’est donc pas encore disponible pour les patients. De même, le nivolumab (Opdivo, BMS), un anticorps anti-PD1 qui a été autorisé par l’agence européenne du médicament (EMA) en novembre 2016 pour les patients, majoritairement adultes et jeunes adultes, souffrant d’un lymphome de Hodgkin en situation d’impasse thérapeutique, n’est toujours pas remboursé en France « en raison du manque de données comparatives » affirment les associations. Or « ce traitement, qui avait pourtant bénéficié d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation en juin 2015, permet à des patients préalablement considérés en fin de vie de retrouver une qualité de vie « normale » ». Il a d’ailleurs obtenu un SMR important et une Asmr de niveau III, le 3 février 2016. Autre domaine, l’hémophilie, avec le cas de l’Alprolix (eftrénonacog alfa, laboratoire Sobi), qui est un nouveau concentré de facteur IX recombinant commercialisé à l’hôpital. Cette molécule se caractérise par une demi-vie prolongée permettant d’alléger les schémas d’administration, et ouvre par ce biais la voie à une offre thérapeutique complémentaire pour les personnes atteintes d’hémophilie B, en particulier en prophylaxie. Cependant, sa mise sur le marché a fait l’objet d’un retard de dix mois sur le calendrier prévisionnel, dénoncent les associations. Rôle de doublon entre la France et l’Europe Toutes ces situations entrainent des pertes de chances pour les patients. Les associations signataires demandent donc aux autorités de santé d’« agir enfin ». « Nous déplorons l’inertie du système français d’évaluation et de fixation du prix des médicaments qui est aujourd’hui obsolète, peu transparent et dont le rôle fait doublon par rapport à celui mis en œuvre par l’EMA ». Elles considèrent en effet que « les critères d’évaluation utilisés par la HAS, y compris les exigences relatives aux méthodes et aux données cliniques, ne sont pas toujours en phase avec la réalité de traitements destinés à des populations de patients très limitées, surtout en situation d’impasse thérapeutique ». Elles dénoncent aussi une « logique économique [qui] prime désormais sur la santé et l’intérêt des patients ». Les auteurs du Manifeste proposent donc des voies de réforme avec en premier lieu la garantie d’un accès précoce aux médicaments innovants qui disposent d’une AMM européenne, et ce, « sans attendre que soient fixées les conditions de leur commercialisation ». Il s’agit, aussi de simplifier les systèmes de mise à disposition rapide des innovations, pour le médicament en attente d’AMM, par le biais des Autorisations temporaires d’utilisation nominatives et de cohorte (ATU-n et ATU-c). Ils revendiquent le respect par les différentes autorités sanitaires françaises impliquées dans la réglementation de la mise à disposition des nouveaux médicaments, des délais fixés au niveau européen. Ils estiment aussi nécessaire de « revoir les approches méthodologiques en vigueur à la HAS pour évaluer les nouveaux médicaments, celles-ci étant inadaptées aux nouvelles classes de médicaments, dont certains sont issus de la biotechnologie », ainsi qu’une « totale transparence des décisions prises ».
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