Glyphosate : une étude contredit sa dangerosité chez les agriculteurs

21/11/2017 Par Marielle Ammouche
Santé publique

Une vaste étude américaine dénuée de tout lien d’intérêt avec Monsanto montre que le risque de cancers, qu’ils soit solides ou hématologiques, n’est pas augmenté chez le agriculteurs exposés au glyphosate.

Alors que le débat fait rage concernant la reconduction de l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne, et pour quelle durée, une étude qui vient d’être publiée sème le doute sur les dangers réels de ce produit phytosanitaire. Cette étude est intéressante à plusieurs niveaux et tout d’abord sur le fait qu’elle est dénuée de tout lien d’intérêt, et publiée dans une revue de référence : le Journal of the National Cancer Institute. En outre, ses conclusions vont à l’encontre des études généralement publiées sur le sujet, qui ont abouti à ce que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) l’a classé comme cancérogène problable chez l’homme. L’essai est basé sur l’analyse des données de la cohorte "Agricultural health study" (AHS), qui a inclus plus de 54 000 travailleurs agricoles, dans les années 1990 aux Etats-Unis (Iowa et Caroline du nord). Parmi eux, 45 000 ont été exposés au glyphosate. Au cours des 20 années de suivi, près de 7300 cancers ont été recensés, dont près 4800 parmi les sujets exposés. Sur cette base, les auteurs ont comparé l’incidence des cancers entre les deux populations, et ont conclu qu’il n’y avait aucune différence statistiquement significative, que cela concerne les cancers solides ou les cancers hématologiques. Les résultats suggèrent cependant une augmentation du risque de leucémie aiguë myéloïde chez les agriculteurs les plus exposés par rapport à ceux n’ayant jamais été exposés, et ce quelle que soit la durée de l’exposition (5 ou 20 ans) ; mais le lien n’était pas significatif (RR 2,44, 95% IC=0,94 -6,32, Ptrend=0,11) dans cette étude. Dans Le Figaro (Cecile Thibert, 21 novembre 2017), le Dr Luc Multigner, épidémiologiste et directeur de recherche à l’Inserm, qualifie cette étude d’"excellent travail scientifique, robuste et sérieux. Ces résultats étaient très attendus car il s’agit d’un suivi à long terme d’un nombre très important d’agriculteurs". Pour ce chercheur, le risque de cancer associé au glyphosate est "très faible". "Il y a eu beaucoup d’émotions et de conclusions un peu hâtives sur les risques cancérigènes du glyphosate chez l’homme. Dans le débat actuel très chaud, cette étude apporte un nouvel élément scientifique solide", ajoute-t-il.  

Des biais possibles

  Ces résultats sont-ils de nature à remettre en cause la nocivité de cet herbicide ? Non, répond le CIRC, qui affirme, selon les propos rapportés dans les colonnes du Monde (Stéphane Fourcart, 21 Novembre 2017) : "La classification du glyphosate est toujours valable. Les premiers résultats sur le sujet [publiés en 2005] n’avaient pas non plus mis en évidence de lien entre le glyphosate et les lymphomes non hodgkiniens, mais ces résultats ne l’emportaient pas sur les autres études épidémiologiques, conduites dans plusieurs pays, qui montrent un tel lien". L’étude AHS pourrait présenter des biais, explique le quotidien, principalement dûs à l’utilisation massive du glyphosate dans les années 1990, qui a fait que de nombreux sujets ont été exposés sans le savoir. Or, dans cette étude, l’exposition au glyphosate est calculée par un algorithme basé sur les déclarations des participants. Ce calcul peut donc être faussé, et la différence entre les deux groupes est par la même biaisée. De même, certains agriculteurs se sentent protégés par le port d’équipements de protection, ce qui n’est pas le cas selon plusieurs études : certains équipements pouvant au contraire augmenter le risque. D’ailleurs, Le Monde précise qu’une autre étude, de type cas-témoins celle-ci, est actuellement en cours, intitulée North American Pooled Project (Napp). Non encore publiés, les premiers résultats semblent indiquer, au contraire de la AHS, un doublement du risque de lymphome non hodgkinien pour les personnes ayant manipulé du glyphosate, même pour une courte exposition.

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