Le marché mondial du médicament est profondément déséquilibré. Ainsi, ce marché qui était valorisé à 913 milliards de dollars en 2016 se réalise à hauteur de 49% aux Etats-Unis, un pays qui certes représente un quart du PIB mondial mais seulement 4.3% de la population mondiale. Autrement dit, l’industrie pharmaceutique réalise la moitié de son chiffre d’affaires mondial avec les patients américains qui représentent moins de 5% de la population mondiale !
Il est vrai que c’est aux Etats-Unis que le prix du médicament est le moins contraint, donc le plus cher, démultipliant les problématiques d’accès aux traitements les plus coûteux qui font également débat de ce côté de l’Atlantique. Mais en dépit de l’Obamacare qui a amélioré l’accès aux soins de millions d’Américains jusqu’alors sans assurance santé, comment rendre accessible, à tous ceux qui devraient pouvoir en bénéficier, les traitements anticancéreux à plus de 100.000 dollars par an ? Cette question étant aujourd’hui sans réponse universelle, la puissante association américaine d’oncologie clinique (ASCO, The American Society of Clinical Oncology) tire la sonnette d’alarme. Car aux Etats-Unis, près de 6 patients sur 10 confrontés au cancer éprouvent des difficultés financières en raison du coût de leur traitement. L’ASCO demande au Congrès américain de travailler en concertation avec l’administration, les professionnels de santé et les associations de patients afin de développer des modèles de fixation des prix ainsi que les modalités de remboursement reposant sur des bases documentées. Car souligne l’ASCO, certains prix aujourd’hui pratiqués échappent à tout rationnel fondé sur l’efficacité et l’amélioration du service médical rendu. La Food and Drug Administration a récemment souligné que 19% seulement des médicaments anticancéreux récemment approuvés et mis sur le marché avec un prix élevé avaient apporté la preuve de leurs bénéfices cliniques pour les patients ! Ce débat grandissant aux Etats-Unis gagne progressivement le vieux continent car si l’assurance maladie socialisée y est largement plus développée, et si les prix des médicaments y sont plus faibles qu’aux Etats-Unis, le développement d’innovations thérapeutiques s’inscrivant dans une approche de médecine de plus en plus personnalisée fera jaillir tôt ou tard la question de la soutenabilité de l’innovation. Il est donc plus que temps d’entreprendre en France les réformes organisationnelles qui, en permettant de rationnaliser les parcours de santé des patients, dégageront les économies substantielles permettant de financer ces innovations, au moins pour un temps. Car ne nous leurrons pas, le jour viendra où en dépit de ces réformes organisationnelles nous serons confrontés à la difficile question du financement de l’innovation.
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