Dépistage du cancer prostatique par PSA : une pratique quasi-systématique après 65 ans
Le cancer de la prostate, actuellement le plus fréquent chez l’homme, fait l’objet de polémique concernant son dépistage et sa prise en charge précoce. De nouvelles données viennent de paraitre dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) daté du 15 novembre 2016. Elles confirment les évolutions observées depuis quelques années concernant l’incidence, la survie et la mortalité de ce cancer, ainsi que l’état du dépistage individuel, qui reste élevé en France. Au final, ces données ne permettent pas de trancher sur les deux questions fondamentales posées par Norbert Ifrah (Président de l’Institut national du cancer, Boulogne-Billancourt, 92) et François Bourdillon (Directeur général de Santé publique France, Saint-Maurice) dans l’éditorial de ce BEH, à savoir : « Dépister ou ne pas dépister ? Traiter ou ne pas traiter ? ». Ils répondent, en effet : « S’agissant des cancers de la prostate, la réponse n’est pas univoque ». La survie s’est nettement améliorée Ainsi, les derniers chiffres épidémiologiques publiés dans le BEH montrent que l’incidence du cancer prostatique a fortement augmenté depuis les années 1980, même si un infléchissement est observé depuis 2005. Elle est passée de 24,8/100 000 à 124,5/100 000 personnes-années entre 1980 et 2005, puis à 97,7/100 000 en 2011. La survie, s’est nettement améliorée depuis les années 1990 du fait, en particulier, de l’évolution des cas diagnostiqués, qui sont moins agressifs en 2008 que ceux diagnostiqués en 2001. "Ce phénomène est observé dans tous les pays ou l’usage du dosage du prostate-specific antigen (PSA) s’est développé", soulignent N. Ifrah et F. Bourdillon. Et de compléter : "l’augmentation du nombre de cas diagnostiqués est probablement essentiellement due à la pratique croissante du dosage du PSA". Pour autant, cette pratique n’a pas prouvé son utilité selon la Haute Autorité de Santé (HAS) qui argue que la balance bénéfice risque n’est pas suffisamment favorable.
"La performance du dosage du PSA est "questionnable" "
Ainsi, la performance du dosage du PSA est "questionnable" selon les auteurs de cet éditorial. Et les deux principales études européenne et américaine sur le sujet (European Randomized Studyof Screening for Prostate Cancer –Erspc- et Prostate,Lung, Colorectal and Ovarian Cancer ScreeningTrial –Plco-), ont montré des résultats contradictoires, en termes de survie. Même pour les hommes à haut risque, les études, selon la HAS, ne démontrent pas de bénéfice clair justifiant un programme de dépistage. Par opposition, les sociétés savantes d’urologie et certaines sociétés d’oncologie ont un avis plus favorable et recommandent la réalisation du dépistage par PSA selon des modalités toutefois variables. Face à ces divergences d’experts, une étude du BEH, issues des données de l’Assurance maladie, montre qu’en pratique, le dosage du PSA est un examen quasiment systématique à partir d’un certain âge. Ainsi, en 2014, 48% des hommes de plus de 40 ans avaient réalisé un dosage du PSA dans les trois années précédentes. Cette fréquence atteint même 90% pour les hommes âgés de 65 à 79 ans. L’étude montre aussi que la proportion d’hommes sans cancer prostatique et ayant eu au moins un dosage de PSA dans l’année était stable, autour de 30%, entre 2009 et 2011, diminuait à 26,9% en 2014, puis remontait à 28,9% en 2015, représentant 3,4 millions d’hommes. Et cette même année 45 046 cancers ont été diagnostiqués contre 41 704 en 2014.
Troubles urinaires et dysfonctionnements sexuels
Par ailleurs, une autre étude de ce BEH met en évidence un bénéfice du dépistage par PSA en termes de qualité de vie. Elle montre, en effet, que bien que les troubles urinaires et les dysfonctionnements sexuels ces derniers présentent, 10 ans après leur traitement, une qualité de vie globale comparable à celle des témoins n’ayant pas eu de cancer. Pour NorbertIfrah et François Bourdillon, la balle est désormais dans le camp de la recherche. Il s’agit, en particulier d’améliorer les connaissances concernant les facteurs de risque et l’histoire naturelle du cancer de la prostate, ainsi que la recherche de nouveaux biomarqueurs "utilisables dans le cadre d’un dépistage ou dans la procédure diagnostique en vue de minimiser le sur-diagnostic et le sur-traitement et de mieux cibler les indications thérapeutiques", concluent les experts.
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