Comme d’autres spécialités médicales, la santé publique tire parti de l’innovation, a souligné François Bourdillon, alors directeur général de Santé publique France, poste qu’il a quitté le 6 juin au terme de son mandat. C’est ainsi grâce aux techniques de séquençage du génome que le centre national de référence des salmonelles est parvenu à identifier la source de l’épidémie récente, qui a touché des nourrissons, a expliqué François-Xavier Weill (Institut Pasteur, Paris). Cette technique, qui permet d’identifier plus rapidement les souches de germes responsables que le sérotypage auparavant utilisé, facilite le travail d’enquête qui, dans ce cas, a repéré une contamination provenant de souches de Salmonella poona dans des laits infantiles fabriqués par une usine espagnole. Pour mieux comprendre les relations entre maladies et environnement, ce qui est un nouvel enjeu crucial de la santé publique mais peut être difficile car de nombreuses substances peuvent intervenir conjointement, les chercheurs développent aussi le concept d’exposome. "Cette approche consiste à prendre en compte la totalité des expositions environnementales au cours de la vie, soit depuis la conception", a expliqué Valérie Siroux, épidémiologiste à Grenoble (Inserm U1209-CNRS UMR 5309). "Grâce à la puissance statistique de la méthode, on peut identifier des effets de mélanges, ce qui n’est pas toujours possible avec les études épidémiologiques classiques." Fondée sur 6 cohortes de 6 pays européens (dont la France), rassemblant 1 033 paires mères-enfants (d’âge moyen 8,1 ans), l’étude Helix a utilisé cette stratégie pour analyser les variables environnementales influençant la santé respiratoire (volume expiratoire maximum par seconde)*. 85 paramètres prénataux et 125 post-nataux relatifs à l’atmosphère intérieure et extérieure, au contact avec des substances chimiques, au mode de vie ont ainsi été passés au crible. Au bout du compte, 9 paramètres post-nataux influençant la santé respiratoire des enfants ont été identifiés, notamment 5 métabolites des phtalates. "Ce à la surprise des investigateurs, qui ne s’attendaient pas à trouver un effet aussi manifeste de ces éléments chimiques, même si on sait que ce sont des perturbateurs endocriniens", a indiqué Valérie Siroux. De nouveaux outils sont aussi mis à contribution en santé publique. Comme les réseaux sociaux, qui permettent de toucher des publics ciblés de manière précise, ou les applications santé, qui comme "Tabac-Info-service", facilitent des modifications de comportement favorables pour la santé. A l’image de ce qui est fait avec le Nutri-Score, il faudra même s’inspirer des dispositifs de marketing social, "pour accompagner les changements de comportement, agir sur les environnements, les prescripteurs, les décideurs, pour renforcer la capacité des citoyens à agir en faveur de la santé", a rappelé François Bourdillon dans son discours d’ouverture des Rencontres de Santé publique France, le 4 juin. Cette stratégie de marketing social est déjà mise en œuvre d’ailleurs par l’agence dans son programme alcool auprès des jeunes, des buveurs réguliers et des femmes enceintes. Objectif territorialisation La territorialisation est également un enjeu important pour la santé publique française, du fait à la fois des inégalités importantes de santé entre zones géographiques françaises et d’une organisation de la santé dorénavant fonction des ARS. Les représentations territoriales (Cire) de Santé publique France participent ainsi au système de veille sanitaire et publient des bulletins régionaux de santé publique (sur le tabac, les vaccinations, les suicides "et très prochainement", a indiqué François Bourdillon, "sur les troubles du spectre autistique, l’alcool, le VIH et les IST"), qui aident les ARS à définir leurs politiques de santé. Des données d’incidence et de mortalité sur 23 cancers dans les régions sont également mises à disposition. Début 2019, Santé publique France a conçu, grâce au recours aux bases de données (Big data), un observatoire géographique, Geodes, avec plus de 300 indicateurs concernant 40 thématiques, qui permet d’établir des comparaisons entre régions, de télécharger des données. Néanmoins, cette approche territoriale de la santé publique se heurte à des difficultés a souligné le Dr Luc Ginot, directeur de la promotion de la santé et de la réduction des inégalités à l’ARS Ile-de-France. "Il est difficile par exemple de gérer l’incertitude scientifique, et de communiquer avec les élus de la région lorsqu’elle se présente. Mais, dans le même temps, comme l’a illustré, le grand débat national organisé par le Président de la République, il existe chez les acteurs locaux un rejet très fort des politiques d’autorité descendantes." Luc Ginot a insisté sur l’importance, pour élaborer une politique territoriale de santé publique "d’apprendre à mieux communiquer les données de santé aux élus, de travailler davantage en collaboration avec la population et ses représentants en développant les sciences participatives, de demander le concours des spécialistes des sciences humaines et sociales, trop peu représentés dans le monde de la santé publique". Les étudiants en santé, acteurs de prévention La santé publique de demain va faire participer en tout cas, sans nul doute, de nouveaux acteurs. Parmi ceux-ci, les 47 000 étudiants en santé participant au service sanitaire de 6 semaines, mis en place durant l’année universitaire 2018-2019. Certaines expériences montrent en effet que, malgré leur jeune âge, ces étudiants peuvent s’avérer de bons agents de prévention. C’est dans le cadre, pourtant délicat, de la prévention au suicide que 50 d’entre eux, étudiants en kinésithérapie, dentaire, médecine ou pharmacie, ont été mobilisés à la faculté de médecine de Lille. Leur tâche : sensibiliser des collégiens et lycéens à la prévention du risque suicidaire grâce à une première session de discussions appuyées de vidéos sur des thèmes comme le harcèlement, l’isolement pour leur apprendre à aller vers l’autre puis, lors d’une seconde demi-journée, de mises en situation où les lycéens et collégiens devaient mettre en pratique les messages de prévention au travers de personnages …. Bien entendu, les étudiants étaient formés et encadrés (par un interne en psychiatrie, lui-même sous la surveillance d’un psychiatre) et ils avaient bénéficié d’un entretien individuel pour évaluer leur état psychique et vérifier que le projet leur convenait. Le retour, tant des lycéens, que de leurs enseignants est favorable, "ces derniers rapportant une libération de la parole des adolescents, suite à l’intervention des étudiants", s’est félicité le Dr Charles-Édouard Notredame, psychiatre au CHU de Lille et impliqué dans ce programme. Des élèves ont demandé l’aide de leur enseignant après les séances. En outre, ce programme a permis aux étudiants en santé ("qui ont un risque suicidaire plus élevé que celui de la population") de devenir des personnes ressources, auprès d’autres étudiants présentant des facteurs de fragilité mentale. Des étudiants en santé sont également intervenus, par groupes de 2 à 6, dans 92 établissements scolaires de 5 départements de l’Académie de Grenoble lors des programmes Unplugged et Plugged, qui visent à améliorer les compétences psychosociales des collégiens et lycéens pour prévenir les addictions, grâce à 6 à 12 séances d’échanges, habituellement animées par les enseignants, sur l’utilisation des écrans, la publicité, les émotions, l’usage de la cigarette, savoir dire non… Et, là encore, les chefs d’établissement n’ont pas tari d’éloges sur les étudiants en santé, considérés comme "dynamiques, sérieux, à l’écoute, efficaces", a mentionné Patrice François (Université Grenoble Alpes). Il reste des points à améliorer pour que le service sanitaire des étudiants en santé soit bénéfique pour eux et la population : formation de qualité des étudiants, évaluation des actions de prévention, organisation des interventions. Mais, ces premiers résultats sont encourageants. *Agier L, et al. Lancet Planet Health. 2019 ; 3, 2 : e81-e92.
Le tabagisme est en recul en France métropolitaine depuis 2 ans chez les adultes. "La prévalence du tabagisme quotidien chez les 18-75 ans est ainsi passée de 29,4% en 2016 à 26,9% en 2017 puis 25,4 % en 2018", a rapporté Raphaël Andler (Santé publique France). Les inégalités sociales en matière de tabagisme se sont également stabilisées depuis 2017, "mais restent très marquées et les personnes les moins favorisées : chômeurs, personnes peu ou pas diplômées ou avec des revenus faibles, restent plus fréquemment fumeuses que les autres".
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