Trois médecins interdits d’exercice pendant un an par l’Ordre après le décès d’une fillette de trois ans

04/12/2023 Par Mathilde Gendron
Déontologie
Après le décès d’une enfant de trois ans et demi en 2016, une pédiatre, un radiologue et un chirurgien ont été sanctionnés le 6 octobre dernier par la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins d'une interdiction d’exercer la médecine d’un an dont six mois avec sursis.  

 

Le 28 novembre dernier, la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins a rendu son verdict concernant une pédiatre, un radiologue et un chirurgien, jugés après le décès d’une enfant à la suite d'un volvulus à l’hôpital de Cambrai en 2016. La mère de la fillette de trois ans et demi avait déposé plainte auprès de l’instance ordinale. Les trois praticiens ont été sanctionnés d'un an d’interdiction d’exercice, dont six mois avec sursis, à compter du 1er février 2024. L’avocat du chirurgien a déjà annoncé qu’il ferait appel de cette décision. 

Dans la nuit du 5 au 6 octobre 2016, une fillette de trois ans et demi, prise d’une vive douleur au ventre, est conduite au centre hospitalier de Cambrai. Elle est prise en charge par une pédiatre. "Je n’ai rien vu de spécial. Je n’ai pas vu l’état de choc et ça m’énerve. Je n’ai pas mis la fréquence cardiaque sur l'état de choc, je me suis juste dit qu'elle était énervée", explique-t-elle. A 3h45, la pédiatre demande alors une échographie, mais le radiologue "ne voulait pas la faire", assure-t-elle.

Lorsqu'elle l'a contacté, ce dernier était à son domicile, il lui a conseillé de faire un scanner pour pouvoir l’analyser à distance. L’Ordre a estimé que le radiologue a "manqué à ses obligations de soins consciencieux" en refusant de se déplacer à l’hôpital, et a ajouté qu’il aurait fallu privilégier l'échographie. "Plus largement, son absence d’implication dans la prescription des examens d’imagerie indispensables à l’établissement d’un diagnostic constitue un manquement à ces mêmes obligations", résume l’Ordre. 

La pédiatre, qui était d'astreinte ce soir-là, décide de rentrer chez elle. Selon la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins, "l’état de l’enfant présentait un degré de gravité tel qu’elle aurait dû rester" à l’hôpital pour "assurer une surveillance continue et mesurer l’urgence" à obtenir une échographie. L’instance ajoute également qu’elle aurait dû organiser un transfert vers un autre établissement "offrant une prise en charge en chirurgie pédiatrique". 

Du côté du chirurgien, La Voix du Nord rapporte que c’est un interne qui l’a contacté, à la demande de la pédiatre. Le médecin a coupé court à la conversation précisant que dans le protocole interne de l’hôpital, seul un praticien hospitalier peut le contacter. Pour la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins, le chirurgien "aurait dû donner un avis sur une éventuelle indication chirurgicale en cas de douleurs abdominales lorsque le médecin senior (la pédiatre) l’estime nécessaire, y compris pour les enfants accueillis en urgence". Le chirurgien "a manqué à ses obligations de soins consciencieux et à son devoir de moralité".

 

[Avec La Voix du Nord

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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
A contrario, on peut se demander si cette pauvre fillette aurait survécu si tout avait été fait dans les règles ! A force d'interdire d'exercer tous les médecins qui à force d'être sursollicités finissent par faire des erreurs d'appréciation, il n'y aura plus personne pour soigner ! Avant de jeter la pierre aux confrères, a-t-on vraiment analysé pourquoi ils en sont arrivés à avoir un comportement de banalisation de l'urgence : surmenage, manque de sommeil, épuisement psychologique ? Comment passe-t-on de l'enthousiasme de gérer une urgence lorsqu'on est jeune interne à un sentiment d'agacement lorsqu'on est réveillé en pleine nuit pour une urgence éventuelle, pourquoi passe-t-on de l'empathie à l'agressivité contenue, pourquoi devient-on blasé au bout d'un certain temps dans ce métier ? Comment faire pour re-motiver les médecins qui répondent aux urgences ? J'ai le sentiment qu'il y aura de plus en plus d'affaires de ce genre étant donné la dépréciation permanente et continue de notre métier, la paupérisation organisée du corps médical, le manque de considération et de reconnaissance dont nous souffrons de plus en plus. Est-ce que le Conseil de l'Ordre ne devrait pas avoir une autre optique que celle de distribuer des sanctions ?
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Débatteur Renommé
Chirurgie générale
il y a 1 an
1- Sur la procédure : un patient ne peut pas porter plainte directement au Conseil départemental de l'Ordre contre un médecin hospitalier du secteur public. Seul le préfet, le directeur de l'hôpital, celui de l'ARS et .... l'Ordre lui-même peuvent le faire, après avoir été informés d'un "accident" médical... 2-A la lecture des faits rapportés, avec les explications en défense de certains des médecins, je suis étonné que la famille n'ait pas porté plainte au pénal....(en plus de l'Ordre.). Je vous conseille de lire l'article suivant , conseil53.ordre.medecin.fr/content/responsabilite-medecins-garde-dastreinte-analyse-juridique-deontologique qui fait très bien le point sur la question qui a été depuis longtemps abordée par la Cour de Cassation et le CNOM; une phrase clé : "Les médecins hospitaliers doivent d’ailleurs savoir que le refus de se déplacer constitue pour le praticien de garde une faute professionnelle, détachable par sa nature même de la fonction qu’il occupe. Cette faute engage donc leur responsabilité personnelle, et non celle de l’hôpital, et pourra être sanctionnée sur le plan pénal mais aussi civil." 3- je suis aussi quelque peu choqué de la mansuétude de certains confrères vis à vis des trois médecins responsables de cette tragédie : il n' y a aucune excuse pour un médecin d'astreinte à ne pas se déplacer pour examiner un patient quand un confrère, quel que soit son rang hiérarchique dans l'établissement , vous le demande....I et les pseudo excuses des "conditions de travail" ne justifient jamais de ne pas répondre à un appel: on y va, et ce n'est qu' après avoir réglé le problème (ou s'être assuré qu'il n'y en avait pas de grave) qu'on peut ensuite chercher à savoir pourquoi les "procédures" n'ont pas été respectées. Il s'agit juste d'une question de conscience professionnelle et de moralité personnelle... Ou alors, on change de voie professionnelle... Mais il semble que la "conscience professionnelle" et l'éthique personnelle tendent, pour un nombre croissant de médecins, tous secteurs confondus, à devenir des valeurs ringardes , d'un autre temps, celui où l'on considérait qu'avoir la capacité de sauver des vies était source de devoirs pour le médecin, et tout l'honneur de la profession, quel que soit le prix à payer en fatigue, vie de famille, etc... Le temps où la médecine était une vocation , un vrai projet personnel humaniste, et non pas un "métier comme un autre", comme on l'entend trop souvent dans les jeunes générations. Une question: si un de nos confrères très attentifs au "bien-être au travail" avait vécu le même drame personnel pour les mêmes raisons, avancerait-il les mêmes excuses aux confrères défaillants ? ( je parle des seniors...pas des internes en première ligne..) Addendum: Avec la généralisation de la "téléconsultation" , qui rencontre un grand succès médiatique, les plaintes pour "faute médicale" , du fait de l'absence d'examen clinique, vont certainement augmenter ....et le cas présenté ici , s'il n'est pas le premier, n'est surement pas le dernier...
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 1 an
Je croyais avoir posté ma réponse: elle n'apparait pas... deuxième édition donc. Je suis un peu abasourdi par les réactions que je lis ! Je suis parfaitement conscient que les conditions de travail sont difficiles et/ou dégradées depuis pas mal de temps. Mais... oui il y a un mais, un gros mais ! Une fillette de 3 ans est décédée. Et ce qui est rapporté c'est un dysfonctionnement majeur. Mais c'est avant tout un drame pour elle et sa famille ! Je suis souvent le premier dans ce type d'affaire à dire de ne pas juger sans plus de renseignements. Il semblerait là que des faits soient rapportés et manifestement que les médecins impliqués sont loin d'être sans reproche. La pédiatre tout d'abord reconnait avoir fait une erreur d'appréciation sur la gravité de la situation ce qui a pu entrainer un manque de conviction pour appeler ses confrères. Mais une douleur abdominale chez l'enfant doit faire éliminer une appendicite ou un volvulus: deux urgences qui doivent faire déplacer le radiologue et le chirurgien. Cela n'excuse en rien son retour à domicile et la fin de son implication. Le radiologue qui peut faire le diagnostic en choisissant l'examen le plus approprié et même le traitement du volvulus ... en présence du chirurgien. (j'avoue que ma critique est peut être limite sur le traitement en fonction de l'âge de la petite fille). Le chirurgien qui a des "principes" de ne répondre qu'à ses égaux au mépris du bien être des malades. Ça peut arriver que des médecins soient occupés et fassent passer une alerte par personne interposée. Faut il bien sûr que le message soit correctement délivré mais le doute doit être profitable au malade. Là encore on ne nous dit pas tout. Je suis bien étonné que cette affaire n'ait qu'un dénouement ordinal. Sept ans ça laisse penser qu'il puisse y avoir eu plainte au civil ou au pénal et un certain nombre d'expertises et de contre expertises. Quant au pronostic du volvulus, tout dépend de la précocité du Dg et du Tt. Il peut être "détordu" par un lavement ou opéré avant le stade de nécrose et n'est alors pas de mauvais pronostic au stade de nécrose et de choc septique, c'est un tout autre problème. L'hôpital doit se poser la question au niveau des réunions de morbi-mortalité qui font parties de la certification et analyser si les procédures et les barrières face au risque ont été respectées... Vaste programme. La suspension par le conseil de l'ordre semble répondre par la négative. L'appel interjeté par le chirurgien est un grand risque de voir aggraver la sanction. Je me répète qu'en est il du civil ou du pénal ?
 
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