Le déficit des hôpitaux publics pourrait avoir quasiment doublé en 2023
Le déficit des hôpitaux publics, "qui s'élargit", constitue une "préoccupation majeure" pour le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie. Dans un récent avis, il reproche au Gouvernement d'enchainer les mesures de soutien financier, sans questionner la "sous-activité récurrente" des établissements, toujours pas revenus au niveau de l'avant Covid.
247.8 milliards d'euros. C'est le montant des dépenses relevant de l'Ondam en 2023. C'est près de 45 milliards de plus, à périmètre constant, qu'en 2019, avant la crise du Covid, souligne le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, dans un avis daté du 15 avril dernier. L'Ondam 2023, initialement en hausse de 3.5% (hors Covid) a été rehaussé à plusieurs reprises l'an dernier pour atteindre finalement +4.8%. La forte croissance de ces dépenses traduit l'incidence des mesures du "Ségur de la santé" (+13.4 milliards en 2023), des mesures visant à compenser l'inflation (+4.5 milliards d'euros) et de l'évolution des dépenses de soins de ville, qui ont progressé de 3.9%.
En ville, les dépenses les plus dynamiques sont les rémunérations forfaitaires des médecins (+11%), les transports sanitaires (+8.1%), les honoraires des kinés (+7.5%), des médecins spécialistes (+6.1%) et des indemnités journalières (+6.3%, dont +4.4% d'effet prix et +1.8% d'effet volume).
Les dépenses des établissements de santé ont quant à elles progressé de 5.6%, hors Covid ; le dépassement des dotations et enveloppes des établissements publics, visant à "compenser la sous-exécution de la part tarifaire", a atteint un milliard d'euros, pointe le comité d'alerte. Et malgré la succession de six campagnes de délégation de dotation au titre de l'exercice 2023, "les résultats financiers des établissements de santé se dégradent", alertent les experts. Selon l'estimation du ministère, le déficit des hôpitaux publics, qui s'est élevé à un milliard d'euros en 2022, "pourrait quasiment doubler".
"La reconduction, chaque année depuis 2018, d'une restitution aux établissements "ex-DG*" de la sous exécution des recettes tarifaires traduit une surestimation récurrente de leur niveau d'activité", estime le comité. D'ailleurs, sur les neuf premiers mois de 2023, le volume économique de l'activité des hôpitaux publics "reste inférieur de 2.6%" à la même période en 2019, tandis que celui des établissements privés le dépasse de 3.1%, signale l'avis. Il relève encore une évolution des effectifs et des dépenses de personnel qui dépasse, "sensiblement, dès avant la crise Covid", celle de leur activité.
Face à ce "point de fuite" de l'Ondam, "qui s'élargit", le comité appelle le Gouvernement à "une analyse précise des raisons de la sous-activité récurrente" des hôpitaux publics, et "la mise en œuvre de mesures qui ne sauraient être principalement de soutien financier" pour résorber "leur déficit croissant". D'autant que le budget 2024 est notamment bâti sur des "économies d'efficience" attendues dans les établissements, à hauteur de 600 millions d'euros.
"Soigner moins pour gagner plus"
La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), vent debout contre les augmentations de tarifs fortement différenciées entre secteurs public (+4.3%) et privé (+0.3%), n'a pas tardé à réagir. "Cela fait des mois que la Fédération de l’hospitalisation privée alerte sur ce pilotage délétère, qui consiste à surfinancer la sous-activité et qui, contre toute logique, pénalise les établissements de santé privés qui ont un niveau d’activité plus dynamique, en réponse aux besoins de santé des populations", lance-t-elle dans un communiqué du 17 avril, reprochant au ministère la logique "soigner moins pour gagner plus" appliquée aux hôpitaux publics. "Dans une période de forte contrainte budgétaire, il est incompréhensible de discriminer les acteurs de santé qui concilient un niveau d’activité soutenu au service des patients, et une efficience avérée. Rappelons que l’hospitalisation privée réalise 35% de l’activité hospitalière en France, en « dépensant » seulement 18% des ressources de l’assurance maladie", insiste la FHP.
Lamine Gharbi, le président de la fédération, dénonce des "colmatages" visant à "enrayer des dérapages", qui enfoncent un peu plus l'hôpital public "dans ses difficultés", tandis que les cliniques et hôpitaux privés n'ont pour "récompense" que des "tarifs catastrophiques" et "une discrimination constante concernant les revalorisations salariales de nos soignants".
*Néologisme désignant les établissements financés par la dotation globale, avant la mise en place de la tarification à l’activité.
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