Aide à mourir : le projet de loi présenté en Conseil des ministres continue de diviser les soignants
Après de multiples reports, le projet de loi sur la fin de vie a été présenté, ce mercredi 10 avril, en Conseil de ministres. Ce texte, qui divise notamment parmi les soignants, vient ouvrir l'accès à une "aide à mourir" en France. Les conditions pour y avoir accès resteront "très strictes", comme l'a assuré ce mercredi Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.
Il est arrivé sur la table du Conseil des ministres. Le projet de loi sur la fin de vie a, en effet, été présenté aux ministres ce mercredi 10 avril. Ouvrant à de strictes conditions la possibilité d'un suicide assisté, ce texte est jugé trop tiède par certains et trop dangereux par d'autres. Ce projet "relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie" constitue la grande réforme sociétale du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui s'était engagé de longue date à changer la législation en la matière.
"Ce n'est pas un droit nouveau, ce n'est pas non plus une liberté", mais plutôt "une réponse éthique aux besoins d'accompagnement des malades", a affirmé ce mercredi Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, à la sortie du Conseil des ministres.
En mars, Emmanuel Macron avait présenté les grandes lignes de ce projet dans une interview à la presse. Si le terme "aide à mourir" est celui retenu par l'exécutif, le texte qu'il porte vise bien à proposer à certains patients le moyen de se suicider et, quand ils sont incapables d'accomplir le geste fatal, de le faire pour eux.
Les conditions de cette aide à mourir seront toutefois "très strictes", comme l'a rappelé ce mercredi Catherine Vautrin, qui porte le texte au sein du Gouvernement. Le projet de loi – tel qu'il a été présenté - réserve l'aide à mourir aux patients majeurs, nés en France ou résidant de longue date dans le pays, et en mesure d'exprimer clairement leur volonté. Il "exclut les maladies psychiatriques", a tenu à préciser Catherine Vautrin.
Pour accéder à cette aide à mourir, il faudra ressentir des souffrances intolérables et impossibles à traiter, physiques ou psychologiques. Enfin, le pronostic vital du patient devra être engagé à court ou moyen terme. "Moyen terme, c'est six à douze mois", a détaillé la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.
Une clause de conscience respectée
Malgré les craintes de certains soignants sur ce texte, leur responsabilité y est centrale. En effet, une fois qu'un patient demandera une aide au suicide, ce sera à un médecin de se prononcer après une procédure lui laissant jusqu'à quinze jours. Il le fera seul, mais forcément après avoir consulté un autre médecin et un infirmier. La décision ne sera donc pas "collégiale", contrairement à ce qu'avait annoncé Emmanuel Macron en mars.
Pour le chef de l'Etat, ces conditions permettent un "équilibre" en créant un "modèle français" de la fin de vie. Il ne satisfait toutefois pas tous les soignants. En effet, selon une nouvelle étude de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap)*, diffusée ce mercredi 10 avril, "83% des acteurs des soins palliatifs [interrogés] se disent inquiets face à l'évolution attendue de la loi". "Cette inquiétude concerne l’ensemble des soignants, qu’ils soient adhérents ou non à la Sfap", note l'organisation dans un communiqué. En outre, "plus de 80% des soignants concernés refuseraient de prescrire, fournir, préparer et/ou administrer le produit létal", indique l'enquête.
Ce mercredi matin, sur TF1, Catherine Vautrin a rappelé que le texte de loi présenté prévoit une clause de conscience. "Un médecin peut [la] faire jouer, a assuré la ministre. À ce moment-là, il faut mettre le patient en contact avec un autre médecin pour pouvoir l'accompagner, parce qu'il ne faut pas oublier que, ce qui est prévu dans ce texte, c'est que le patient peut s'administrer lui-même le produit létal. Pour autant, il y a toujours dans son environnement la présence d'un médecin parce qu'il peut en avoir besoin dans le cadre de cette procédure. Par exemple, si la personne fait une fausse route."
Du côté des partisans de l'aide à mourir, le texte ne fait – là aussi - pas consensus. Certains regrettent ses conditions trop restrictives, mais se montrent toutefois soulagés de voir arriver ce projet de loi qu'ils craignaient de voir passer à la trappe. "C’est un premier pas en direction d’un nouveau droit en fin de vie qui se dessine", a ainsi réagi l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), dans un communiqué. Le texte a, en effet, connu de nombreux reports. Désormais, les députés doivent entamer fin mai l'examen du texte dans l'hémicycle, début d'un long trajet parlementaire qui pourrait prendre jusqu'à deux ans avant l'adoption d'une loi.
Au-delà de l'aide à mourir, une "stratégie décennale" pour les soins palliatifs a également été présenté ce mercredi en Conseil des ministres. Cette dernière, détaillée par Catherine Vautrin dans un post sur X, prévoit notamment d'augmenter peu à peu les dépenses publiques en la matière pour atteindre 2,7 milliards d'euros annuels - contre 1,6 milliard actuellement - en 2034.
Aujourd'hui, nous dévoilons la stratégie décennale des soins d’accompagnement pour renforcer les soins palliatifs, améliorer la prise en charge de la douleur et l'accompagnement de la fin de vie.
Voici en quoi elle consiste. pic.twitter.com/yTxGyNK9Og— Catherine Vautrin (@CaVautrin) April 10, 2024
*Echantillon de 2 297 répondants au sein de la communauté palliative, dont 2/3 de non-adhérents à la Sfap.
[avec AFP]
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