Filière du médicament : une ambition pour la France ?

18/10/2017 Par Dr Alain Trébucq
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Le quinquennat qui débute va-t-il tourner le dos au précédent également sur la filière industrielle du médicament ? C’est l’espoir affiché par les industriels lors des 6e Rencontres du G5-santé*.

Le temps n’est pas si loin où la France faisait la course en tête des pays européens pour ce qui concerne l’industrie pharmaceutique, qu’il s’agisse de la recherche et développement ou de la production. Mais à coups de rabot successifs, cette position n’est plus qu’un souvenir.  Depuis 2009, et malgré une période particulièrement propice pour l’innovation, notamment dans le traitement des maladies virales ou des cancers, l’industrie pharmaceutique ne fait plus de croissance en France. La raison en sont les coups de rabot budgétaire passés année après année sur le médicament, sollicité à hauteur de 50% des efforts d’économies quand il ne pèse qu’à peine 15% des dépenses de santé. La conséquence en est une lente érosion des positions françaises avec trois marqueurs aussi symboliques qu’inquiétants : -les essais cliniques, de phases 1 à 3 : sur 100 réalisés en Europe, 20 seulement ont lieu en France, contre 42 en 2008 ; -la production industrielle sur le sol français : la France était le numéro 1 en Europe en 2007, elle n’est plus qu’en 4e position et sera sans doute seulement 6e avant la fin de l’année prochaine ; -le délai moyen d’accès au marché pour un médicament nouveau est de 408 jours en France contre seulement 99 en Allemagne, sachant qu’une directive européenne fixe un délai raisonnable de 180 jours.

  En Italie, la Ministre de la santé affiche publiquement ses ambitions pour la filière industrielle italienne !   Les coups de rabot successifs se traduisent sur les prix des médicaments, y compris les médicaments innovants (ASMR 3, 2 et 1). Ceux-ci, pour une base 100 en France, ont un coût de 137 en Italie, de 121 en Allemagne, de 114 en Espagne. Si bien que dans une économie largement mondialisée, les industriels font moins souvent le choix de la France pour leurs investissements. Mais le cours de l’histoire peut être inversé, à l’exemple de l’Italie qui affiche clairement ses ambitions de devenir le leader européen de la production pharmaceutique, détrônant dès l’an prochain l’Allemagne. Et pour cela, l’industrie pharmaceutique italienne bénéficie du soutien politique de la Ministre de la santé, qui affiche publiquement cette ambition. Directeur général d’Ipsen en Italie, Thibaut Eckenschwiller indique que la politique menée depuis quelques années a permis à la production pharmaceutique de croître de 4, 7% l’an passé avec à la clé la création de 6 000 emplois (+10%). Les exemples étrangers, qu’il s’agisse de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Espagne, montrent que l’inversion de la courbe peut être rapidement obtenue. Olivier Laureau, président du groupe Servier, et Julien Gautier, consultant chez Roland Berger, ont indiqué les pistes à suivre.  D’abord, assurer une stabilité de moyen sinon de long terme en matière règlementaire et fiscale, rappelant au passage que l’industrie du médicament est davantage taxée en France que n’importe où ailleurs. C’est ensuite de desserrer le carcan administratif qui freine le déploiement des essais cliniques et ralentit l’accès au marché, c’est aussi de reconnaître dans la fixation d’un prix le poids de l’investissement sur le sol français. Et Marc de Garidel, Président d’Ipsen mais aussi du G5-santé d’émettre le vœu que le comité économique des produits de santé, instance fixant le prix des médicaments, soit rattaché au Premier ministre afin de participer activement à une ambition française consistant à placer le pays en leader de la production industrielle européenne et d’exemple en matière d’accès des patients à l’innovation thérapeutique.     *Cercle de réflexion et de propositions, le G5-santé rassemble les principales entreprises françaises de santé et des sciences du vivant : bioMérieux, Guerbet, Ipsen, Laboratoires Théa, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier. Toutes ces entreprises ont en commun d’avoir choisi la France comme plateforme de leur développement international. Elles représentent 47.000 emplois directs.    

Retard d’accès au traitement = perte de chance pour les patients
Avec un délai moyen de 400 jours pour accéder au marché, la France fait figure de mauvais élève européen mais surtout fait perdre des chances à certains patients. Certes, le régime des ATU (autorisation temporaire d’utilisation) peut permettre un accès plus rapide mais dans une seule indication. Ce fut le cas pour le pembrolizumab (Keytruda, laboratoire MSD) dans le mélanome métastatique. Ce ne peut plus être le cas dans d’autres indications. Et faute d’accord sur le prix, ce médicament d’immunothérapie ne peut être prescrit dans d’autres indications. Pourtant, ce 18 octobre, MSD publiait un communiqué de presse faisant savoir que ce médicament a permis de plus que doubler la survie globale médiane de patients atteints de cancer bronchique NPC présentant un niveau élevé de PD-L1, cette survie médiane passant de 14, 2 à 30 mois…

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