Largement présents dans l’alimentation et l’environnement, les pesticides ont des conséquences délétères sur la santé humaine. Une expertise collective de l’Inserm publiée en juin 2021 a compilé plus de 5.300 études internationales. "L’objectif était d’établir un consensus scientifique sur la plausibilité d’un lien entre l’exposition aux pesticides et la survenue d’événements de santé sur la base des connaissances existantes", explique Luc Multigner, directeur de recherche Inserm à l’IRSET1. "En 2013, une première expertise collective avait été réalisée. Il s’agissait d’actualiser les conclusions de l’époque." Les travaux ont porté sur une vingtaine de pathologies et ont ciblé les enfants et les femmes enceintes (cohortes Esteban et Elfe), les riverains des zones agricoles, ainsi que les agriculteurs (cohorte Agrican).
Des présomptions fortes
"Les études les plus informatives sont généralement celles qui portent sur les populations professionnellement exposées, parce qu’elles sont en contact avec des niveaux élevés de pesticides et parce qu’il est souvent possible de retracer les produits employés, la fréquence et l’intensité d’usage", indique Luc Multinger. L’expertise a ainsi livré plusieurs conclusions pour les professionnels en contact avec ces produits, à savoir "une présomption forte d’un lien avec six pathologies : lymphome non hodgkinien, myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, BPCO et bronchite chronique ; et une présomption moyenne pour la maladie d’Alzheimer, les troubles anxio-dépressifs, l’asthme, les pathologies thyroïdiennes et certains cancers (leucémies, système nerveux central, vessie, rein, sarcomes des tissus mous)". Chez les enfants, qui peuvent avoir été exposés in utero, il est établi une présomption forte de lien avec les leucémies, les tumeurs du système nerveux central (SNC) et des troubles du développement neuropsychologique et moteur.
Contaminations multiples et durables
Un des modes de contamination est la chaîne alimentaire. "Les études de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) portant sur près de 7 000 échantillons ont trouvé que près de la moitié des aliments pouvaient contenir des résidus de pesticides, surtout les céréales, les fruits et légumes", rapporte Francelyne Marano, professeur émérite de biologie cellulaire et toxicologie à l’Université de Paris, présidente de la commission "Risques liés à l’environnement" du HCSP2 et présidente d’honneur de la SFSE3. "10 % de la population a une eau du robinet pouvant présenter des résidus. Sauf cas exceptionnels, les résidus sont toujours inférieurs aux doses limites mais il y a un effet cocktail." L’air intérieur peut être chargé d’insecticides et fongicides à usage domestique. Les contaminations par l’environnement viennent des épandages dans les zones agricoles. L’impact peut être durable, avec une imprégnation par des pesticides interdits depuis plusieurs années.
Prévention individuelle et collective
Leur usage reste indispensable dans certains cas, par exemple contre les moustiques vecteurs de la dengue ou du chikungunya aux Antilles et à La Réunion. "On ne peut pas tout interdire. On préconise d’utiliser des moustiquaires, de supprimer les gîtes larvaires et de traiter par insecticide seulement quand c’est absolument nécessaire et quand les personnes ne sont pas à proximité", relève Francelyne Marano. S’agissant des expositions environnementales, "il faut maintenir une surveillance accrue des eaux de consommation et des aliments pour éviter les dépassements des normes, tout en les améliorant en fonction des nouvelles connaissances. Au-delà des limitations ou interdictions qui relèvent des autorités, l’accent doit être mis sur les moyens de protection individuels et collectifs pour les professionnels", plaide Luc Multigner. Les consommateurs peuvent également agir au quotidien : "faire attention à l’usage domestique de pesticides, ne pas traiter les jardins potagers, préférer l’alimentation bio, ou le cas échéant, laver les légumes et éplucher les fruits", liste Francelyne Marano, qui appelle les médecins généralistes à "sensibiliser les femmes enceintes, voire les futurs parents, à cette problématique".
Luc Multigner et Francelyne Marano déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt.
1.IRSET : Institut de recherche en santé, environnement et travail.
2.HCSP : Haut Conseil de la santé publique.
3. SFSE : Société francophone de santé environnement.
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