La semaine qui vient de s'écouler a été ponctuée par la remise des prestigieux prix Nobel. Le 15 septembre dernier, se tenait un événement scientifique beaucoup moins sérieux, mais néanmoins attendu : la 32e cérémonie de remise des IG Nobel, qui s'est déroulée en ligne pour la troisième année consécutive. Dix prix ont été décernés à de véritables chercheurs du monde entier, pour leurs études complètement loufoques… mais qui nous poussent à réfléchir. En médecine, il revient aux auteurs d’une étude montrant que la crème glacée calme la mucosite orale des patients ayant subi une chimiothérapie agressive. Florilège. Un fragile récipient en papier "où ranger ses connaissances et toutes ses bonnes idées pour toujours" et 10.000 milliards de dollars zimbabwéens – une monnaie qui ne vaut rien. Telles sont les récompenses qui ont été remises par d’officiels prix Nobel à 10 équipes de chercheurs du monde entier, lors de la 32ème cérémonie des IG Nobel qui a eu lieu le 15 septembre dernier. A l’honneur : des travaux scientifiques complètement barrés qui "font rire mais aussi réfléchir". Pour la troisième année consécutive, l’événement scientifique le plus étrange de la rentrée s’est déroulé en visio et non au Sanders Theater de l’université Harvard (Cambridge, Massachusetts) – où il avait l’habitude de se tenir avant la pandémie de Covid-19. Présenté par le talentueux Pr Marc Abrahams, mathématicien, éditeur et co-fondateur du magazine Improbable Research, qui organise l’événement, le show n’a toutefois rien perdu de sa superbe. Les traditionnels avions en papier lancés sur scène par les spectateurs hilares ont su trouver leur place dans cette troisième version numérique de l’événement, de même que les mini-opéras et sketchs qui ont entrecoupé les remises de prix.
Synchronisation des cœurs En ouverture de bal, le prix de cardiologie a été décerné à une équipe de chercheurs venus de République tchèque, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, d’Allemagne, de Suède et d’Aruba, une île caraïbéenne néerlandaise. Eliska Prochazkova, Elio Sjak-Shie, Friederike Behrens, Daniel Lindh et Mariska Kret ont montré que lorsque des personnes se rencontrent pour la première fois et ressentent une attirance l’un envers l’autre, leur rythme cardiaque se synchronisent, tout comme l’activité électrique enregistrée sur leur peau. Le contact visuel, les sourires, le langage corporel ou même la transpiration n’apparaissent finalement pas comme de bons indicateurs permettant de confirmer l’attirance entre deux personnes, selon les auteurs. Pour mener à bien leur étude, ces derniers ont invité 140 personnes à se rencontrer dans des "cabines de rendez-vous" et ont observé leurs signaux physiologiques. Eliska Prochazkova a expliqué que d’autres études scientifiques ont montré que cette synchronisation s’opère aussi pour les couples mariés, dans les bons comme dans les mauvais moments – lors de disputes par exemple. "Nous avons tendance à penser que nous sommes des êtres rationnels mais en fait il y a tellement de processus inconscients qui influencent", a déclaré sa collègue, Mariska Kret, qui souhaite par la suite suivre les effets de cette synchronisation sur le comportement humain, notamment la prise de décisions. Le prix de biologie a été attribué à un duo brésilien-colombien, Solimary García-Hernández et Glauco Machado. Ces derniers ont étudié la constipation chez les scorpions après une autotomie. En cas d’attaque, ces animaux peuvent se séparer de leur queue pour survivre. Problème : contrairement à d’autres espèces, celle des scorpions ne se regénère pas. Et il perd donc à vie sa queue… et son anus. Le scorpion amputé de sa queue ne pourra alors plus jamais déféquer de sa vie, la cicatrice bloquant toute sortie de matières fécales. Il mourra quelques mois plus tard en étant constipé. Les deux chercheurs sud-américains ont par ailleurs étudié les conséquences de cette constipation sur la reproduction des scorpions. Et les résultats sont surprenants : bien que constipés, les scorpions mâles parviennent encore à attirer les femelles et à copuler. Les femelles, elle, peuvent toujours porter leur progéniture (en nombre réduit du fait de la présence accrue de matières fécales). Et ils perpétuent ainsi leur espèce… Crème glacée et rotation des boutons Le prix de médecine 2022 revient à une équipe polonaise de l’université de Varsovie (composée de Marcin Jasiński, Martyna Maciejewska, Anna Brodziak, Michał Górka, Kamila Skwierawska, Wiesław Jędrzejczak, Agnieszka Tomaszewska, Grzegorz Basak et Emilian Snarski). Leur étude, publiée en novembre 2021 dans la revue Scientific Reports, a été saluée par l’assemblée virtuelle Les chercheurs ont montré que les patients ayant subi une chimiothérapie agressive avant une transplantation autologue de cellules souches hématopoïétiques souffraient moins d'effets secondaires graves – notamment de mucosite orale – lorsqu’ils ingèrent de la crème glacée. Une méthode de cryothérapie qui s’avère, selon les auteurs, plus efficaces que les glaçons, habituellement utilisés. Dégustant d’appétissantes glaces, les lauréats ont remercié la caféteria de l’hôpital pour leur avoir fourni suffisamment de crèmes glacées pour mener à bien leurs recherches. "Et retenez bien, cette étude n’est pas une blague, c’est de l’evidence-based medicine", lance l’un d’eux. Les Japonais Gen Matsuzaki, Kazuo Ohuchi, Masaru Uehara, Yoshiyuki Ueno et Goro Imura ont quant à eux décroché le IG Nobel d’ingénierie pour s’être intéressés à la meilleure manière d’utiliser ses doigts pour tourner un bouton. En physique, les canetons ont volé la vedette aux boutons. L’IG Nobel de cette catégorie a été attribué à une équipe de Chine, du Royaume-Uni, de Turquie et des Etats-Unis (Frank Fish, Zhi-Ming Yuan, Minglu Chen, Laibing Jia, Chunyan Ji et Atilla Incecik). Ceux-ci ont cherché à comprendre comment les canetons parvenaient à nager en formation… suivant leurs parents comme des petits soldats. Attention, garde à vous ! L’histoire de l’art était aussi à l’honneur cette année. Et c’est une équipe internationale qui en est à l’origine (Pays-Bas, Etats-Unis, Autriche et Guatemala). Peter de Smet et Nicholas Hellmuth ont été récompensés pour leur approche multidisciplinaire des scènes de lavements rituels sur d’anciennes poteries mayas. Le IG Nobel de la Paix a quant à lui été raflé par des chercheurs (Chine, Hongrie, Canada, Pays-Bas, Royaume-Uni, Italie, Australie, Suisse, Canada) ayant développé un algorithme permettant d’aider les personnes adeptes des commérages à savoir quand dire la vérité et quand mentir. En économie, Alessandro Pluchino, Alessio Emanuele Biondo et Andrea Rapisarda, trois chercheurs italiens, ont reçu 10.000 milliards de dollars zimbabwéens et un trophée en papier pour avoir expliqué, mathématiquement, pourquoi le succès ne revient pas le plus souvent aux personnes les plus talentueuses, mais plutôt aux plus chanceuses. Alessandro Pluchino et Andrea Rapisarda doivent eux-mêmes être nés sous une bonne et farceuse étoile, puisqu’il s’agit du second IG Nobel de leur carrière. En 2010, ils avaient été récompensés du IG Nobel de Management pour avoir démontré que les entreprises deviendraient plus efficaces si elles promouvaient des personnes au hasard. Le Ig Nobel d'ingénierie de la sécurité – un titre tout à fait énigmatique – revient quant à lui à Magnus Gens, un Suédois, pour le développement d'un mannequin de crash test en forme... d'élan. Pas si inutile dans certains pays nordiques… Enfin, le prix de Littérature a été attribué à des chercheurs venus du Canada, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et d’Australie. Eric Martínez, Francis Mollica et Edward Gibson ont analysé ce qui rend les documents juridiques inutilement difficiles à comprendre. Vous avez dit charabia ? Retrouvez tous les lauréats et leurs études ici. Ainsi que notre article sur l’édition précédente.
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