"Vous êtes au cœur du parcours du patient" : Aurélien Rousseau veut rassurer la médecine spécialisée
"Oui, la médecine spécialisée libérale a un manque de reconnaissance", a répété le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé, ce vendredi, au siège de l’URPS Auvergne-Rhône-Alpes, à Lyon. Deux jours après le coup d’envoi des négociations conventionnelles, le syndicat a ouvert ses troisièmes Rencontres de la médecine spécialisée. Un temps fort attendu dans ce contexte de reprise du dialogue conventionnel entre la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) et les représentants de médecins libéraux. Dialogue qui s’est voulu apaisé lors de la première séance multilatérale qui a eu lieu mercredi, après l’échec de février dernier.
Le Dr Gasser a dit vouloir faire de ces Rencontres un moment de réflexion, exempt "des revendications purement corporatistes et syndicales", en vue de formuler des "solutions", "des pistes", pour répondre aux besoins de santé, toujours plus importants et spécifiques au regard du vieillissement de la population et de la hausse des maladies chroniques. "Nous devons demain, sans tabous, réorganiser notre exercice", a-t-il déclaré. Et d’ajouter au sujet de l’accès aux soins : "Nous, médecins spécialistes, avons une responsabilité, tant individuellement que collectivement, et nous la prendrons."
Cette responsabilité territoriale ne doit pas être imposée par le Parlement, a insisté le gastroentérologue, taclant – sans la nommer – la très controversée proposition de loi Valletoux, votée par le Sénat fin octobre et qui doit désormais être examinée en commission mixte paritaire. "Messieurs, mesdames, les députés, je compte sur vous pour ne pas pondre de multiples propositions de loi qui viendraient polluer le débat. Ça a été une cause de l’échec des précédentes négociations conventionnelles", a-t-il lancé à quelques élus, venus assister à l’ouverture du congrès.
Le Dr Gasser a toutefois reconnu un "échec", celui de la réponse de la médecine libérale aux besoins de soins des usagers. S’il s’est dit "attaché" à la médecine générale, selon lui, elle "s’essouffle, s’accroche à des vieux modèles qu’il faut dépoussiérer". "En l’état", elle "ne peut rester la pierre angulaire du système d’accès aux soins avec 7 millions de patients sans médecin traitant, 500 000 en ALD. Nous avons besoin d’un vrai renouveau du métier de médecin de famille", a-t-il estimé. La médecine spécialisée, quant à elle, "se cherche, n’arrive plus à répondre à l’usager avec des délais trop longs."
Malgré ces difficultés, la médecine spécialisée "souhaite rester le socle de l’expertise et de la responsabilité des parcours" ; "bien évidemment dans son champ de compétences", a insisté le Dr Patrick Gasser. Mais elle se heurte à ce "manque de reconnaissance" même si, note le président d’Avenir Spé, la venue du ministre de la Santé Aurélien Rousseau à ces Rencontres témoigne d’une amélioration de leur situation : "Nous commençons à être un peu plus reconnus qu’auparavant."
"En quelques semaines et mois, j’ai compris à quel point la médecine de spécialités était prête, désireuse, à être partie prenante des parcours, des transformations, des innovations…", a ainsi répondu le locataire de l’avenue de Ségur, qui a confié avoir "beaucoup progressé" grâce à la préparation de la reprise des négociations conventionnelles. "On a échangé de manière très directe sur ce qui a foiré [l’hiver dernier], et ce qui a foiré, j’y suis aussi pour quelque chose [en tant que directeur de cabinet d’Elisabeth Borne]", a-t-il reconnu.
Partageant cette volonté d’apaisement, le ministre a réaffirmé que "les négos ne doivent pas être percutées par des initiatives" extérieures. Mais les menaces sont grandes : "Les débats qui doivent rester dans le champ conventionnel viennent en permanence" au Parlement, notamment dans le cadre des discussions autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Aurélien Rousseau a voulu montrer qu’il était attentif aux craintes des spécialistes, expliquant avoir entre autres retiré le sujet des "équipes de soins spécialisées" du PLFSS pour qu’il soit réservé au cadre conventionnel.
"Face à la colère, notamment de nos concitoyens, c’est très dur de dire ‘je vous assure que la coercition sera une mauvaise idée’. Je tiendrai cette ligne consistant à laisser cet espace conventionnel protégé des incursions, qui sont néanmoins légitimes. Il faut laisser sa chance à la négociation conventionnelle. Je le dis car ce n’est toujours pas évident de la considérer surtout après l’échec" de l’hiver dernier, a-t-il ajouté.
Outre les menaces de coercition, le président d’Avenir Spé a également évoqué la perte "d’attractivité" et de "sens" du métier, soulignant en outre un "mal-être" des étudiants. Mais aussi "un manque de reconnaissance financière" de certaines spécialités. "Les questions d’argent sont totalement légitimes et vont être la partie difficile" des négociations, a commenté le ministre. "La convention médicale va devoir se pencher sur certaines spécialités très vite. C’est la première pierre à poser", a-t-il poursuivi, citant la pédiatrie et la psychiatrie. Le ministre a cependant rappelé l’enjeu de travailler dans le cadre des négociations sur "la pertinence des actes".
"Nous ne souhaitons pas être la dernière roue du carrosse : après les hôpitaux, le premier recours et la médecine générale", a déclaré le Dr Gasser. "Vous êtes au cœur du parcours du patient", a tenu à répondre Aurélien Rousseau, réaffirmant "[sa] confiance réelle" en la médecine spécialisée. "Être partenaire ne veut pas dire être compromis."
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