"Faire de la prévention un pilier du système de santé" : la nouvelle ambition des futurs et jeunes médecins
Les représentants des étudiants et des jeunes médecins ont présenté, mercredi 30 octobre, à l'occasion d'un colloque, un panel de propositions pour placer la prévention au cœur de la santé. Une évolution nécessaire, selon eux, pour faire face aux défis du système de santé.
Mettre la prévention au cœur de la santé. Tels étaient les maîtres-mots d'un colloque organisé mercredi 30 octobre à l'Assemblée nationale par les représentants des étudiants et jeunes médecins. Alors que l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 se poursuivait à quelques pas de-là, l'Anemf, l'Isnar-IMG, l'Isni, Reagjir* et l'Institut Santé ont présenté une série de mesures pour engager une réforme en faveur de la prévention.
Trop souvent oubliée, la prévention doit "devenir un pilier de notre système de santé de demain", a tonné Bastien Bailleul, président de l'Isnar-IMG, devant près de 200 participants. "Elle est [en effet] essentielle pour soutenir la durabilité du système de santé français face au vieillissement démographique, a confirmé Florie Sullerot, ancienne présidente du syndicat. Notre modèle reste très centré sur le curatif, et les services de prévention demeurent insuffisamment développés. Les soins de grande qualité ne suffisent plus, il faut un véritable changement de culture pour mettre la prévention au cœur de la santé publique."
Pour atteindre cet objectif, les représentants étudiants, des jeunes médecins et l'Institut Santé ont développé six axes majeurs, issus d'un large travail de réflexion. Le premier de ces axes invite à renforcer la place de la prévention dans la formation des carabins, celle-ci étant invisibilisée. "La prévention est relativement peu incluse dans la formation initiale des futurs médecins", a expliqué Lucas Poittevin, président de l'Anemf. "Les enseignements théoriques et préventifs dans notre cursus sont trop peu présents, et restent souvent à la marge, cantonnés à des unités d'enseignement facultatives qui ne sont donc pas mises à disposition de l'ensemble des étudiants", a-t-il ajouté, citant la santé environnementale, l'éducation thérapeutique et l'addictologie.
"Il ne faut pas céder à la facilité"
"Il ne faut pas céder à la facilité d'ajouter des enseignements à un programme déjà chargé", a toutefois prévenu Lucas Poittevin. Pour libérer du temps pour la prévention lors du premier et du deuxième cycles des études, une revue des programmes doit donc être réalisée afin de supprimer ou rendre optionnels certains enseignements existants.
Les étudiants et jeunes médecins proposent, entre autres, d'insérer plus largement les patients experts dans leur formation, ainsi que de revoir le service sanitaire. "Une piste de réflexion sur ce dispositif serait de le transitionner et d'aller vers un modèle où ce seraient des groupes d'étudiants en interprofessionnalité qui choisiraient un projet donné vers un public donné, en leur laissant une plus grande liberté d'actions. Ce dispositif-là serait beaucoup plus conforme à ce qu'on attend d'un professionnel de santé, une fois qu'il sera diplômé", a détaillé le président de l'Anemf, au cœur du Palais Bourbon.
Le deuxième axe porte, lui, sur la nécessité de valoriser les spécialités au cœur de la prévention, comme la médecine du travail, la santé publique ou la médecine scolaire. Souvent boudées à l'issue du concours de l'internat, elles sont "perçues comme moins prestigieuses et souffrent d'un manque d'attractivité", a affirmé Florie Sullerot. Pour inverser la tendance, leur promotion est nécessaire, en offrant notamment "des stages attractifs aux étudiants dans ces domaines, […] des expériences significatives et valorisantes dans des lieux d'exercice en dehors des hôpitaux, tels que les écoles, les collectivités territoriales, et pourquoi pas les entreprises", a poursuivi l'ancienne représentante syndicale, proposant par ailleurs l'instauration d'un stage en prévention hors du CHU dans le cursus obligatoire des carabins "pour découvrir et apprécier ces spécialités".
Mais ces "stages doivent être de qualité et capables d'enseigner [aux étudiants] l’ensemble des rudiments de la prévention", a tenu a précisé Killian L'helgouarc'h, actuellement président de l'Isni.
La prévention doit, de plus, être intégrée dans les pratiques médicales. Le troisième axe propose ainsi plusieurs solutions en ce sens, comme l'utilisation des nouvelles technologies et outils numériques (intelligence artificielle notamment) pour permettre aux médecins de mieux identifier les besoins de prévention dans leur population. Mais aussi, la création d'un modèle où chaque médecin puisse exercer une mission de santé publique sans que celle-ci soit secondaire par rapport aux soins curatifs. Une autre solution repose, elle, sur la création d'un parcours de santé intégrant une approche préventive tout au long de la vie des patients "pour encourager la collaboration entre les médecins et les autres professionnels de santé", a indiqué Florie Sullerot.
Une santé des étudiants primordiale
Un quatrième axe vise à mettre en lumière la santé des étudiants en médecine. Les internes et externes "sont soumis à une pression importante et souvent à des conditions de vie précaires", a rappelé Florie Sullerot. "Il est [donc] crucial que les universités fassent de la santé [des] étudiants un impératif". Alors qu'ils doivent publier une nouvelle enquête sur la santé mentale des carabins dans les prochaines semaines, les représentants étudiants appellent ainsi à une amélioration des services de santé étudiants – en passant notamment par un meilleur financement de ces derniers -, mais aussi au respect des droits des internes.
Pour l'heure, la France ne dispose pas de politique de santé précise et cadrée. Une situation qui doit évoluer pour les futures blouses blanches et jeunes médecins, qui souhaitent l'instauration d'une gouvernance forte en santé publique aux niveaux national et territorial. Parmi les solutions proposées : une loi de programmation devrait être votée au Parlement "avec des objectifs clairs et précis" sur cinq ans, a avancé Raphaël Dachicourt, président de ReAGJIR. Cette vision ambitieuse sur plusieurs années "doit permettre [...] d'avancer dans le système avec de véritables objectifs sanitaires et centrés sur la santé", a, de son côté, complété Guillaume Bailly, ancien président de l'Isni, également présent ce mercredi.
Mais pour mettre engager un changement et mettre la prévention au cœur du système de santé, le financement est central ; il constitue d'ailleurs le sixième axe présenté ce mercredi. Les dépenses de prévention doivent être augmentées, insistent les représentants des étudiants et jeunes médecins, qui souhaitent que celles-ci atteignent progressivement environ 5% de la dépense courante de santé (contre 2% actuellement). Une évolution qui, selon eux, doit être perçue comme un investissement nécessaire pour faire des économies à long terme.
* Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), Intersyndical nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), Intersyndicale nationale des internes (Isni), Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir).
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