Alors que le gouvernement vient d’annoncer de nouvelles mesures sur la sécurité routière, et notamment la suspension automatique du permis en cas de conduite sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool, le Conseil d’Etat n’hésite pas à interdire d’exercice un médecin qui présenterait des troubles liés à l’usage de l’alcool. Dans une précédente chronique, nous avons vu que le Conseil d’Etat avait donné raison à l’Ordre et justifié une mesure d’interdiction d’exercice malgré un rapport d’expertise qui considérait que l’état de ce praticien et sa dépendance à l’alcool n’étaient pas de nature à rendre dangereux l’exercice de la médecine et la poursuite de son activité de médecin généraliste. Deux autres arrêts récents du Conseil d’Etat sont venus confirmer une suspension du droit d’exercer la médecine pour une durée de six mois, en subordonnant la reprise de l’activité professionnelle aux résultats d’une nouvelle expertise. Une première décision du 26 mai 2023 concernait, à nouveau, un médecin généraliste suspendu temporairement en application de l’article R.4124-3 du Code de la santé publique. Rappelons que cette suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du Conseil régional de l’Ordre par trois médecins désignés comme experts, le premier par l’intéressé, le deuxième par le Conseil régional et le troisième par les deux premiers experts. Un rapport , dont les conclusions sont souvent suivies par l’Ordre mais qui peut aussi s’en démarquer lorsqu’il s’agit de protéger un praticien mais surtout ses patients.
Suspension d’exercice malgré une expertise favorable
Dans l’affaire jugée le 26 mai 2023, le rapport d’expertise faisait état d’une dépendance à l’alcool de ce médecin généraliste, lequel était suivi au plan médical, mais sans conclure à l’incompatibilité de son état de santé avec la poursuite de son exercice. Toutefois, ce rapport mentionnait que ce praticien était exposé au risque de rechutes, compte tenu d’éléments de fragilité après avoir souligné le caractère incomplet de la prise en charge de son addiction. Autant d’arguments qui justifiaient, pour le Conseil national de l’Ordre, une mesure de suspension car ce médecin « souffrait d’une dépendance à l’alcool non stabilisée, qui ne faisait pas l’objet d’une prise charge appropriée ».
Dans un autre arrêt du 26 mai 2023, un médecin anesthésiste réanimateur avait été suspendu par l’Ordre alors que l’expertise avait conclu que son état de santé n’était pas incompatible avec l’exercice de sa profession, qu’il justifiait d’un suivi psychologique et psychiatrique, de la prise d’un antidépresseur et d’analyses établissant l’absence de prise d’alcool à la date de leur réalisation. Mais pour le Conseil national de l’Ordre, ce praticien faisait l’objet d’une addiction à l’alcool depuis 2017 avec une première hospitalisation suivie d’un sevrage jusqu’en 2019 puis d’une rechute en 2021 l’ayant conduit à une nouvelle hospitalisation, cette addiction étant en elle-même en lien avec un trouble anxieux. Pour l’Ordre, et pour le Conseil d’Etat saisi en dernier recours par ce médecin, « il pouvait être retenu que l’exercice de sa profession de médecin spécialiste, qualifié en anesthésie-réanimation, au sein d’une clinique était, faute d’un suivi resserré et d’une prise en charge appropriée de son addiction, dangereux ». Ce qui justifiait cette mesure de suspension, malgré une expertise plutôt favorable au praticien.
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