Le 6 avril 2009 à 21h47, une mère s’inquiète de la forte fièvre que présentait sa fille âgée de dix-sept jours. Elle appelle le Samu rattaché au centre hospitalier de Carcassonne et le médecin régulateur l’oriente vers la maison médicale de garde de Carcassonne en vue de s’y faire délivrer du paracétamol. Une médecin de garde reçoit l’enfant à 22h30, l’examine et confirme la prescription de paracétamol pour faire tomber la fièvre. Le 8 avril au soir, devant la persistance des symptômes, l’enfant est conduite au centre hospitalier de Carcassonne où les investigations effectuées vont révéler qu’elle souffrait d’une méningite à pneumocoque qui devait entraîner de lourdes séquelles. La mère de l’enfant va alors mettre en cause la responsabilité de cette médecin de garde pour erreur de diagnostic et après avoir ordonné une expertise médicale, le tribunal de grande instance de Carcassonne, estimant que ce praticien avait commis une faute médicale ayant entraîné une perte de chances pour l’enfant d’échapper à ces séquelles, l’a condamnée ainsi que son assureur, à lui verser diverses indemnités à valoir sur l’indemnisation des préjudices subis (plus de 300 000 euros). Un jugement confirmé en appel.
Action récursoire
Cette médecin généraliste, et son assureur, ont alors demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Carcassonne en remboursement de tout ou partie des sommes mises à sa charge au motif d’une faute commise par le médecin régulateur du Samu qui aurait dû adresser l’enfant au service des urgences de l’hôpital et non à la maison médicale de garde. Une demande rejetée par le tribunal administratif de Montpellier puis par la Cour administrative d’appel de Marseille qui a toutefois jugé "que le choix du médecin régulateur du Samu d’orienter la mère de l’enfant vers la maison médicale de garde était fautif et portait en lui-même l’entier dommage, mais qu’eu égard au très bref délai qui s’est écoulé entre cette orientation fautive et l’examen de l’enfant par ce médecin de garde et son diagnostic fautif, la faute du médecin régulateur ne pouvait être regardée comme une des causes déterminantes des préjudices subis".
Saisi en dernier recours, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 10 octobre 2023, a ainsi considéré que les recommandations médicales en vigueur au moment des faits "préconisaient, devant la difficulté de diagnostiquer une méningite bactérienne chez un nourrisson, de toujours hospitaliser un enfant de moins de vingt-huit jours présentant une forte fièvre, afin de débuter une antibiothérapie systématique en attendant les résultats des prélèvements". Et le Conseil d’Etat de retenir la faute commise par ce médecin régulateur pour n’avoir pas orienté immédiatement, sur l’appel de la mère, son enfant vers les urgences pédiatriques du centre hospitalier de Carcassonne indépendamment du diagnostic erroné posé trente minutes plus tard par le médecin de garde.
Le Conseil d’Etat a ainsi reconnu une responsabilité conjointe et la possibilité pour cette médecin de garde et son assureur de former une action récursoire contre le centre hospitalier de Carcassonne : il appartiendra alors au juge administratif de fixer le partage de responsabilité entre les co-auteurs et l’indemnisation due en conséquence par la personne publique à la personne privée.
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