Comme le précise l’article R.4124-3 du Code de la santé publique, dans le cas d’infirmité ou d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de la profession, la suspension temporaire du droit d’exercer d’un médecin est prononcée par le Conseil régional de l’Ordre pour une période déterminée, qui peut, s’il y a lieu, être renouvelée. Cette mesure de suspension ne peut être ordonnée que sur un rapport d’expertise établi à la demande de l’Ordre par trois médecins désignés comme experts, le premier par l’intéressé, le deuxième par le Conseil régional et le troisième par les deux premiers experts. Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 3 décembre 2020, la suspension d’exercice doit être prononcée pour une durée déterminée et ne saurait être conditionnée à la constatation de l’aptitude du médecin par une nouvelle expertise médicale. Addiction à l’alcool, aux produits stupéfiants, aux psychotropes…, troubles du comportement: les médecins ne sont pas à l’abri de ces difficultés qui ne touchent pas seulement leurs patients. Ils doivent pouvoir être protégés et soignés et leurs malades préservés s’ils n’ont plus les facultés physiques ou mentales leur permettant de les soigner correctement.
Dans une décision du 4 novembre 2020, le Conseil d’Etat a donné raison au Conseil national de l’Ordre pour avoir suspendu pendant 18 mois une femme médecin généraliste qui, selon le rapport d’expertise examiné par l’Ordre, « présente un état pathologique de nature à faire courir un danger à ses patients et à elle-même et qui nécessite l’engagement et le suivi prolongé de soins spécialisés, avant que ne puisse être envisagée une éventuelle reprise de l’exercice de la médecine ». Au terme de cette période de suspension, si le médecin suspendu souhaite reprendre son activité professionnelle, c’est sous réserve que ce praticien ait été revu par ses confrères experts, chargés de procéder à une nouvelle expertise, qui doit lui être favorable. Les faits d’agression sexuelle peuvent aussi donner lieu à une mesure de suspension, en application de l’article R.4124-3 du Code de la santé publique. Dans un arrêt du 2 juillet 2020, le Conseil d’Etat a donné raison à l’Ordre en rappelant, notamment, que si l’expertise psychiatrique du praticien mis en cause ne mettait pas en évidence une pathologie psychiatrique manifeste, elle préconisait que la mesure de suspension se poursuive si les faits d’agressions sexuelles reprochés à ce professionnel de santé étaient avérés. Ce dernier avait fait l’objet de plusieurs condamnations judiciaires pour des faits d’agression sexuelle sur des condisciples féminines et sur des patientes. L’Ordre, mais également l’ARS l’avaient suspendu au motif que la poursuite de son activité faisait courir un danger à la patientèle féminine.
Par Nicolas Loubry, juriste
La sélection de la rédaction