Une équipe franco-américaine a annoncé les premiers résultats d'un essai clinique qui prouvent l'efficacité d'un traitement de thérapie génique contre la bêta-thalassémie. 22 patients ont été traités avec succès en France, aux Etats-Unis, en Thaïlande et en Australie, ce qui leur permet d’arrêter les transfusions sanguines mensuelles et les traitements lourds.
Des malades atteints de bêta-thalassémie traités par thérapie génique produisent désormais une hémoglobine thérapeutique en quantité suffisante pour arrêter le recours aux transfusions sanguines mensuelles. Leur vie a radicalement changé. Ce résultat majeur a été obtenu par une équipe franco-américaine qui vient de publier dans le NEJM (« Gene Therapy in Patients with Transfusion-Dependent β-Thalassemia », 19 avril 2018) des données intermédiaires qui prouvent l'efficacité d'un traitement de ce type contre cette maladie. Il s’agit des résultats d’un essai clinique (HGB-205) conduit par la Pr Marina Cavazzana et ses équipes à l’Hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), en collaboration avec l’Institut Imagine (AP-HP/Inserm/Université Paris Descartes) ainsi que ceux d’un essai multicentrique international (HGB-204) mené aux Etats-Unis, en Thaïlande et en Australie. La bêta-thalassémie est une cible intéressante pour la thérapie génique, car elle est provoquée par la mutation d’un seul gène. Mais la difficulté réside à réussir à corriger ce gène dans le corps du malade, et plus précisément dans les cellules souches dites hématopoïétiques. Ces deux essais cliniques d’une durée de deux ans ont utilisé le même vecteur thérapeutique, LentiGlobin, développé à l’université d’Harvard à Boston et au CEA de Fontenay-aux- Roses par le Pr. Philippe Leboulch, en collaboration avec la société américaine Bluebird bio dont il est fondateur. Dans les essais HGB-204 et HGB-205 de phase 1-2, commencés en 2013, les chercheurs ont prélevé des cellules souches sanguines des patients. Ils les ont modifiées à l’aide du vecteur LentiGlobin BB305 pour leur apporter un gène sain substitutif, avant de les greffer aux patients préalablement conditionnés par un traitement myéloablatif par chimiothérapie durant un à deux mois d’hospitalisation, en milieu stérile. Ces cellules souches thérapeutiques ont ainsi produit des globules rouges à l’hémoglobine saine en quantité satisfaisante. Les résultats intermédiaires ont montré qu’une majorité des 22 patients dans les deux études, suivis pendant deux ans ou plus, n’a pas eu besoin de transfusions. Tous les patients, sauf un, porteurs du génotype non-β0/β0 (12 patients sur 13), ont cessé de recevoir des transfusions régulières de globules rouges, sachant que la période médiane depuis leur dernière transfusion est de 27 mois. Chez les neuf patients porteurs du génotype β0/β0 ou de sévérité similaire, le volume médian des transfusions a diminué de 73 pour cent et trois patients ont cessé de recevoir des transfusions. Cumulant 15 à 42 mois de suivi, les patients des deux essais ont repris leurs activités professionnelles ou scolaires. Pour le Pr Cavazzana, les résultats sont spectaculaires. Et « aucun patient ne fait de complication. Il n'y a aucun effet secondaire ». « Après la preuve de principe thérapeutique que nous avions obtenue chez un patient thalassémique et un patient drépanocytaire, ces essais multicentriques internationaux confirment la consistance et la magnitude de l’efficacité thérapeutique de notre vecteur chez de nombreux patients », a déclaré le Pr Leboulch. La technique est prête pour un emploi à plus grande échelle. « Des essais cliniques de phase 3 sont maintenant en cours sur plusieurs continents avant d’effectuer la demande de mise sur le marché de ce médicament biologique». La FDA a accordé la « Procédure accélérée » (Fast-track pour le traitement de la bêta-thalassémie majeure et pour le traitement de certains patients atteints de drépanocytose sévère. Et l’Agence européenne du médicament a accordé l’éligibilité au statut de « médicament prioritaire » (PRIME) à LentiGlobin pour le traitement de la bêta-thalassémie. La bêta-thalassémie est l’une des maladies génétiques monogéniques les plus fréquentes. Elle est causée par plus de 200 mutations du gène de la bêta-globine (HBB) et touche près de 288 000 personnes dans le monde avec 60 000 nouveaux cas par an. Elle est rare en France, avec environ 600 malades. Transmise selon un mode autosomique récessif, elle perturbe la production de la chaine bêta de l’hémoglobine, entraînant une anémie plus ou moins sévère. Dans sa forme majeure, la bêta-thalassémie nécessite des transfusions mensuelles, et un traitement contre l’effet délétère des dépôts de fer causés par ces transfusions. Celles-ci n’ont qu’un effet palliatif. Le traitement curatif proposé à ces patients est en général une greffe allogénique de cellules de moelle osseuse, quand ils ne présentent pas un état clinique trop fragile et qu’ils ont un donneur compatible dans leur fratrie, ce qui n’est possible que dans environ 25% des cas. De plus, les taux de succès sont inégaux et les patients demeurent vulnérables aux infections dans les mois qui suivent la greffe et à la « maladie du greffon contre l’hôte ».
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