Cystites récidivantes : les traitements non médicamenteux montent en grade
Face aux cystites récidivantes, l’antibioprophylaxie est à manier avec prudence. Pour le comité d’infectiologie de l’Association française d’urologie (AFU), plusieurs alternatives non médicamenteuses, longtemps jugées peu crédibles, ont fait leurs preuves. Chaque année, 10% des femmes endurent un épisode d’infection urinaire, 44% d’entre elles en connaîtront un deuxième dans l’année, 21% dans les six mois (1). D’où le terme de « cystite récidivante », défini par l’European Association of Urology (EAU) par la survenue d’au moins deux épisodes au cours des six derniers mois, ou d’au moins trois épisodes dans l’année. Le plus souvent, les cystites récidivantes sont le fait de réinfections par une nouvelle bactérie, mais aussi, dans 30% des cas, de rechutes infectieuses liées à une seule et même souche. Dans un cas sur cinq, des bactéries Escherichia coli, dites uropathogènes (Upec), sont en cause. Bien qu’elles soient courantes, la physiopathologie des cystites récidivantes demeure mal connue. Plusieurs hypothèses, non mutuellement exclusives, sont en lice, rappelle la Pre Martine Pestel-Caron, responsable du laboratoire de microbiologie du CHU de Rouen. La cystite récidivante pourrait provenir d’une colonisation durable de l’hôte par des Upec : celles-ci seraient internalisées au sein des cellules urothéliales superficielles, sous forme d’un biofilm bactérien appelé communauté bactérienne intracellulaire (IBC). Elles pourraient aussi se loger plus en profondeur, dans la couche intermédiaire, sous forme de réservoir intracellulaire quiescent (QIR). C’est à partir de ces compartiments, où elles sont peu accessibles aux antibiotiques, que les Upec donneraient lieu à des infections récurrentes. D’autres travaux ont suggéré que l’internalisation pourrait aussi avoir lieu dans la muqueuse vaginale, d’où les bactéries partiraient à l’assaut de la vessie. Autre possibilité, celle d’une altération de divers microbiotes (intestinal, vaginal, urinaire), une « dysbiose » qui favoriserait la prolifération d’Upec. L’antibioprophylaxie, en recours exceptionnel Chirurgien urologue au CHU de Poitiers, le Dr Maxime Vallée appelle à la prudence face au diagnostic de cystite récidivante : « Des patientes viennent souvent nous voir avec la certitude qu’elles présentent une cystite récidivante. Or, quand on dit cystite, on pense souvent cystite bactérienne ». A tort, estime-t-il : « La cystite est un trouble du bas appareil urinaire de la phase de remplissage de la vessie. La bactérie est souvent le coupable idéal, mais une cystite peut aussi être liée à une hypoactivité vésicale ou à un syndrome de la vessie douloureuse », d’origines non bactériennes. D’où la nécessité, selon lui, de ne pas se ruer sur l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). Face aux cystites récidivantes, l’antibioprophylaxie au long cours doit rester exceptionnelle, et n’être initiée qu’après mise en place de règles hygiénodiététiques. D’autant que, si elle permet de réduire la fréquence de cystites, elle expose à un risque important de toxicité et de résistances bactériennes (2). De plus, elle ne modifie pas l’histoire naturelle de la maladie, avec des rechutes fréquentes à l’arrêt de ce traitement préventif. De manière générale, il est déconseillé de traiter par antibiotiques une simple colonisation bactérienne, à savoir une bactériurie en l’absence de symptômes. Selon une étude de 2014, l’antibiothérapie de jeunes femmes présentant une bactériurie asymptomatique est au contraire liée à une fréquence accrue d’infections urinaires (3). Plusieurs alternatives non médicamenteuses D’où l’intérêt de favoriser des approches non antibiotiques. En premier lieu en rappelant les bénéfices d’une hydratation suffisante : lors d’une étude randomisée contrôlée de 2018 menée sur des femmes souffrant d’une cystite récidivante, celles buvant plus de 1,5 litre d’eau par jour n’enduraient en moyenne que 1,7 épisode de cystite dans l’année, contre 3,2 dans le groupe contrôle (4). Egalement efficaces, les compléments à base de canneberge (cranberry en anglais), dont les bienfaits, longtemps mis en doute, sont désormais bien établis (5). Baie rouge d’origine nord-américaine, la canneberge est riche en proanthocyanidines, dont celles de type A préviennent la fixation des E. coli à la surface urothéliale. D’autres travaux ont suggéré l’efficacité du D-mannose, de probiotiques à base de lactobacilles, ainsi que de gélules de thé vert. Egalement évoqués par les experts du comité d’infectiologie de l’AFU, l’hippurate de méthénamine (6) ou encore la « vaccination », en réalité un lyophilisat d’E. coli, commercialisé dans divers pays voisins et que les urologues espèrent voir arriver sur le marché français. De petites études ont par ailleurs suggéré l’intérêt de l’acupuncture et de l’hypnose, tandis que la microkinésithérapie fait actuellement l’objet d’une étude pilote au CHU de Tours. 1) Julien A, Progrès en Urologie, novembre 2017
2) Albert X et al, Cochrane Database of Systematic Reviews, 19 juillet 2004
3) Cai T et al, Clinical Infectious Diseases, 15 septembre 2012
4) Hooton TM et al, JAMA Internal Medicine, 1er novembre 2018
5) Williams G et al, Cochrane Database of Systematic Reviews, 10 novembre 2023
6)Lee BSB et al, Cochrane Database of Systematic Reviews, 17 octobre 2012 Les articles de ce dossier : - Fertilité masculine : les urologues mobilisés face à une « épidémie mondiale »
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