Vasectomie : quelles solutions en cas de regret ?
En France, la vasectomie connaît un succès croissant et a même dépassé la stérilisation féminine en 2021. Face à cet essor se pose désormais la question du regret, qui toucherait environ 6% des hommes dix ans après l’opération. En ligne de mire, la possibilité de cibler ceux nécessitant un délai supplémentaire de réflexion, ou plus à même de bénéficier d’une cryoconservation du sperme.
Autorisée en 2001 en France, la vasectomie connaît un véritable boom : selon un bilan d’Epi-Phare* publié en février, le nombre annuel d’opérations a été multiplié par 15 entre 2010 et 2022. Pour la première fois, il a même dépassé en 2021 celui des stérilisations féminines, qui a été divisé par deux depuis 2013. En 2022, on comptait trois stérilisations masculines pour deux féminines.
Malgré un délai légal de réflexion de quatre mois, la vasectomie peut, dans quelques cas, engendrer des regrets. Les données sont rares à ce sujet : s’il n’existe pas de chiffres en France, quelques travaux menés à l’étranger font état d’un taux de regret d’environ 6%, voire 7,4% chez les hommes n’ayant pas eu d’enfant(1,2). Tel est l’objet du travail de thèse d’Arthur Galano, une étude menée auprès de 274 hommes vasectomisés entre 2014 et 2022 au CHU de Caen.
Le profil des participants était caractéristique des demandeurs de vasectomie : d’un âge médian de 39 ans, il s’agissait pour la plupart d’hommes en couple de longue durée, avec au moins deux enfants pour 90% d’entre eux. Principaux motifs invoqués, le caractère contraignant de la contraception pour la compagne (50,73%), le choix de ne plus avoir d’enfant (11,31%) ou bien les deux (33,57%). La réflexion émanait du patient (48,5%), de sa conjointe (23,7%) ou d’une discussion entre eux (27,8%).
Au terme d’un suivi moyen de trois ans et demi, seuls six hommes (2,19%) disaient regretter leur décision. Principal facteur de risque, le fait que la réflexion ait été initiée par la conjointe. Selon le chercheur, "ce n’est pas parce que la vasectomie nous prend peu de temps qu’elle est sans contre-indication ou complication majeures, qu’il ne faut pas que nous ayons une réflexion éthique à son égard (…). C’est lorsque l’homme choisit de lui-même sa vasectomie qu’il ne le regrette pas."
Procréer après la vasectomie
Face au désir d’enfant post-vasectomie, plusieurs options existent. Parmi elles, l’opération de réversion, appelée vasovasostomie, consiste à relier les canaux déférents sectionnés lors de la vasectomie. Selon Epi-Phare, 0,2% des hommes vasectomisés y ont eu recours entre 2010 et 2022. Autre possibilité, la ponction testiculaire, suivie d’une fécondation in vitro (FIV) ou d’une injection intracytoplasmique de spermatozoïde (Icsi).
Problème, ces deux techniques deviennent moins efficaces avec l’ancienneté de la vasectomie, en raison de la production d’anticorps anti-spermatozoïdes. Plus fréquente, et même en hausse, la cryoconservation de sperme : 7,9% des hommes vasectomisés en 2022 y ont eu recours, contre 3,6% en 2010. La cryoconservation, dont l’Association française d’urologie (AFU) estime qu’elle doit être discutée avec le patient, constitue d’ailleurs une spécificité française, comme l’a révélé une récente étude belge menée auprès d’urologues de cinq pays européens (France, Benelux, Finlande)(3). Ainsi, 95% des médecins français interrogés disent la proposer à leurs patients, contre 49% de leurs confrères belges et 0% des Néerlandais, rappelle la Dre Amandine Degraeve, du service d’urologie du CHU UCLouvain Namur (Belgique), auteure de l’étude.
Afin de limiter le risque de regret mais aussi d’éviter le recours à une cryoconservation et une PMA onéreuses, Amandine Degraeve et ses collègues ont élaboré un "score de risque pré-vasectomie", dont les résultats préliminaires ont été présentés au Congrès français d’urologie. Objectif : identifier les patients les plus à même de bénéficier d’une cryoconservation, voire d’un délai de réflexion supplémentaire. Pour cela, l’équipe belge a sondé 52 experts internationaux sur les facteurs de risque de regret.
Évaluer le risque de regret avant la vasectomie
Après analyse de 1 200 patents vasectomisés, trois facteurs demeuraient significatifs après analyse multivariée : un âge inférieur à 35 ans, le fait de penser que la contraception doit idéalement reposer sur la femme (indice d’une possible "pression" par la conjointe) et l’échelle de Barratt, utilisée en psychologie pour mesurer l’impulsivité d’un individu. À partir de ces résultats, les chercheurs ont élaboré un score de risque de 0 à 9 : selon eux, la cryoconservation pourrait être proposée au-dessus de 4, un délai de réflexion supplémentaire au-delà de 7.
Ce score fait actuellement l’objet d’une étude prospective de validation au niveau européen, avec un lancement déjà effectif en Belgique. Il reste un aléa qu’aucun score prédictif ne saura intégrer : le changement de conjoint. Selon Amandine Degraeve, "contre toute attente, ceux qui n’ont pas eu d’enfant avant la vasectomie ne présentent pas un risque accru de regret, comme s’il s’agissait d’une décision de vie qui persistait dans le temps. En revanche, le fait de changer de conjoint, ce qu’ont fait 25% des patients dans les quinze ans [suivant l’opération], constituait un facteur de risque très important de regret".
*Epi-Phare est un groupement d’intérêt scientifique constitué par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et la Caisse nationale d’assurance maladie.
- Anderson DJ, et al. Health Psychology Research, 15 septembre 2022.
- Charles DK, et al. Urology, février 2023.
- Degraeve A, et al. Andrology, 9 avril 2022.
Epi-Phare, ANSM-Cnam. "État des lieux de la pratique de la vasectomie en France entre 2010 et 2022", 12 février 2024.
Hupertan V, et al. Recommandations du comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’AFU concernant la prise en charge de la vasectomie. Progrès en urologie, avril 2023.
Les autres articles de ce dossier :
Références :
118e Congrès français d’urologie (CFU), Paris, du 20 au 23 novembre. D’après les présentations d’Arthur Galano (CHU Caen) et de la Dre Amandine Degraeve (CHU UCLouvain, Belgique).
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