Selon l'Insee, 88% des femmes avaient, en 2019, consulté un médecin généraliste depuis moins d'un an, contre 80% des hommes; 60% des femmes avaient vu un dentiste, contre 54% des hommes. L'écart était encore plus fort pour le recours à un médecin spécialiste: 53% des femmes contre 42% des hommes. Au-delà de 65 ans toutefois, les comportements de recours aux soins des hommes se rapprochaient de ceux des femmes. "Les femmes consultent davantage parce qu'elles reçoivent une forte pression sociale pour s'occuper des autres et d'elles-mêmes", résume à l'AFP Carole Clair, professeure associée à la faculté de biologie et médecine de Lausanne, spécialiste des questions de genre. Les rôles assignés traditionnellement aux hommes et aux femmes conditionnent par ailleurs les premiers à être plus "endurants à la douleur", selon elle. Dans les sociétés contemporaines, être malade peut en effet encore être
associé à une vulnérabilité, une perte de virilité. Bien sûr, "les choses évoluent", observe la Dre Clair. Mais "il est intéressant de noter les biais inconscients qu'on reproduit dans la prise en charge des patients". "C'est notamment frappant en pédiatrie, où on a relevé que soignants et parents autorisaient plus facilement une petite fille à exprimer sa douleur, quand un petit garçon s'entendait dire qu'il était 'un dur'", déroule-t-elle.
"Un corps-machine" Les différences de genre dans la prise en compte des questions de santé se construisent "dès la plus tendre enfance", comme le souligne Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Inserm et l'EHESS. "A travers la socialisation, par la famille, l'école, les pairs, on apprend aux enfants un rapport au corps, à la santé différent", relève cette sociologue. Des déterminants "tellement lourds" qu'ils perdurent malgré des évolutions de la société. Selon la sociologue, les hommes ne prennent pas forcément moins soin de leur santé que les femmes mais s'en préoccupent différemment, en ayant "davantage tendance à vouloir préserver un corps-machine, un corps-outil". Ils peuvent ainsi avoir tendance à minimiser certains troubles ou symptômes, s'ils ne les empêchent pas de bien "fonctionner". Outre le genre, les différences de classe sociale et d'origine ethno-raciales influent aussi sur le recours plus ou moins fréquent au système de soin, appuie Nathalie Bajos. Et les femmes ont, entre 15 et 50 ans, un accès plus régulier au système de santé en raison d'un suivi gynécologique lié à la contraception, la grossesse ou...
la ménopause. "Contrairement aux hommes, les femmes sont habituées à voir un médecin depuis qu'elles sont jeunes", relève Alexandre de la Taille, président de l'association française d'urologie. Des maladies "taboues" A l'inverse, un homme consulte souvent pour la première fois "quand un problème de santé apparaît, ou quand il reçoit à 50 ans le papier de la Sécu pour effectuer un dépistage du colon ou de la prostate", déplore-t-il. "En consultation, il est d'ailleurs, dans deux-tiers des cas, accompagné de sa compagne, qui expose souvent à sa place ses soucis de santé", rapporte l'urologue. Les maladies typiquement masculines - cancer des testicules, de la prostate, troubles urinaires ou de l'érection - demeurent "taboues", selon ce médecin qui incite les hommes à ne pas attendre que les problèmes surviennent pour consulter. "Un diagnostic tardif complique forcément la prise en charge." Comme chaque année depuis 2012 en France, le 1er novembre marque le début du "Movember", un mouvement de sensibilisation aux maladies masculines né en Australie. Depuis le premier confinement, l'accent est mis en parallèle sur les problématiques de santé mentale, qui restent aussi taboues chez les hommes. "De nombreuses études montrent qu'un homme ne dit pas quand il ne va pas bien, parce qu'il ne veut pas avouer ses faiblesses", pointe Mathilde Bourdon, porte-parole pour la France de l'ONG Movember. Or 75% des morts par suicide en France sont des hommes.
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