Pour mieux réguler les dépenses de médicaments, le Gouvernement veut jouer sur les volumes et la "pertinence des prescriptions"
Tournant définitivement la page du "quoi qu'il en coûte", le Gouvernement cherche par tous les moyens à enrayer la "nette accélération" des dépenses de médicaments remboursés depuis la crise du Covid. Pour les années 2021 et 2022, elles ont augmenté de plus de 4% ; les années 2023 et 2024 devraient être sur la même tendance. "La réindustrialisation doit se faire, mais il y a un équilibre à trouver entre plusieurs objectifs que sont l'accès de tous les Français aux médicaments, le soutien à l'innovation et la soutenabilité financière pour assurer la pérennité du modèle social", explique Roland Lescure, ministre de l'Industrie, dans une interview accordée aux Echos, laissant entrevoir les mécanismes de régulation que contiendra le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024.
La régulation des dépenses passera, comme chaque année, par des baisses de prix : 850 millions d'euros d'économies, contre 800 l'an dernier, sont attendus sur les médicaments et 150 millions d'euros sur les dispositifs médicaux, annonce Roland Lescure. "Une enveloppe" sera néanmoins "sanctuarisée" pour préserver les produits essentiels. "Nous avons déjà identifié 25 médicaments essentiels qui seront prochainement relocalisés. Ces relocalisations pourront éventuellement être assorties de hausses de prix ou de moindre baisses de prix, conditionnées à des garanties en termes de sécurité d'approvisionnement", détaille le ministre. Une "disposition inspirée de la loi Florange" [du nom de cette usine de sidérurgie fermée par ArcelorMittal en Lorraine en 2012, NDLR] sera également introduite dans le PLFSS : "Si un industriel arrête la commercialisation d'un des 6 000 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, il aura alors une obligation renforcée de moyens pour trouver un repreneur, au risque de subir des sanctions. […] S'il n'y a pas de repreneur, l'Etat pourra demander à l'entreprise de céder gratuitement l'exploitation du médicament pendant deux ans, à une structure publique, comme la pharmacie des hôpitaux de Paris par exemple."
Pour contenir les dépenses, le Gouvernement compte également agir sur les volumes de médicaments consommés. "Avec mon collègue le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, nous allons donc travailler pour franchir une nouvelle étape en matière de régulation, afin d'améliorer le bon usage des médicaments et la pertinence des prescriptions, en nous appuyant notamment sur ce qu'ont pu faire d'autres pays", explique-t-il, rappelant que la France est l'un des plus gros consommateurs d'antibiotiques. D'après le Leem, qui représente les entreprises du médicaments, 565 millions d'euros d'économies sont programmées sur les volumes.
Le Gouvernement fait néanmoins un geste envers l'industrie pharmaceutique concernant la clause de sauvegarde, qui contraint les laboratoires à reverser une partie de leur chiffre d'affaires en cas de croissance supérieure au plafond fixé par la LFSS - ce que le Leem qualifie de "taxe sur la croissance". "Ce prélèvement a augmenté de manière significative année après année, conséquence directe de la très forte augmentation des dépenses de médicaments. Son rendement est passé de 127 millions d'euros en 2019 à 1,1 milliard l'an dernier", souligne Roland Lescure. Alors que la croissance du marché "conduirait à prélever 1,7 milliard cette année et plus de 2 milliards en 2024", le ministre de l'Industrie annonce que le rendement de la clause de sauvegarde ne pourra pas dépasser 1,6 milliard d'euros pour 2023 et sera "stabilisé à ce niveau" en 2024.
Dans un communiqué diffusé ce mercredi 20 septembre, le Leem "prend acte de ces annonces de nature à freiner la détérioration rapide de la situation du secteur pharmaceutique en France" mais dénonce une régulation prévue pour 2024 qui reste à un niveau "historiquement elevé".
Le PLFSS 2024 devrait être présenté d'ici la fin du mois de septembre.
[avec LesEchos.fr]
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?