"Fin de la tutelle, des secteurs d'exercice et de la Rosp", comment l'UFML veut chambouler les élections URPS

23/03/2021 Par Sandy Bonin
Elections URPS
L'Union Française pour une médecine libre (UFML) est officiellement devenu un syndicat en 2017.  C'est donc sa première participation aux élections URPS. Connu pour sa liberté de ton, ce syndicat, dirigé par le Dr Jérôme Marty, égrène pour Egora quelques propositions phares de son programme.

  Egora.fr : C'est la première fois que l'UFML se présente aux élections URPS, qu'apportez-vous de plus par rapport aux autres syndicats ? Dr Jérôme Marty : Nous amenons déjà notre enthousiasme parce que je pense qu'il y a une usure du temps pour le syndicalisme. Nous avons une volonté d'aller sans doute plus loin que les autres.  Nous voulons imprimer le rythme. Et nous le voyons dans les programmes. Aujourd'hui, quasiment l'ensemble des syndicats demandent que l'acte soit aligné sur la moyenne européenne alors qu'ils nous traitaient de poujadistes, d'ultra-libéraux, de populistes quand nous avions émis cette idée. Nous avons envie de faire tomber des barrières et de permettre aux paroles de s'ouvrir. Nous voulons faire tomber les murs. L'idée de gouvernance tripartite est reprise par de plus en plus de syndicats. La démocratie sanitaire est également beaucoup plus abordée. Le fait d'aller plus loin et de ne pas avoir les freins du carcan des négociations conventionnelles nous permet d'oser demander plus.   C'est vrai que vous parlez de démocratie sanitaire depuis plusieurs années… Demander une organisation tripartite avec des représentants de patients, de soignants et de l'administration, à égalité de pouvoir est une idée que nous avons depuis le début. Ça avance progressivement. Nous amenons la concrétisation de ces choses-là. Et nous avons peut-être une capacité à remuer d'avantage et à oser regarder le système en lui-même plutôt que de l'intérieur. Depuis la loi de Modernisation de la santé c'est le ministère qui définit le périmètre des négociations conventionnelles, ça n'était pas le cas auparavant. Au final on se retrouve dans un espace étriqué où on nous donne l'autorisation de discuter. Nous disons que c'est aux médecins de participer à l'élaboration de la définition du périmètre des négociations conventionnelles. Il n'y a pas plus grands experts du soin que les médecins. Nous connaissons les urgences de la profession et donc les points dont il faut parler. Il faut également changer le rythme. Ces histoires de négociations conventionnelles tous les quatre ou cinq ans, ça n'a pas de sens. La profession avance beaucoup plus vite que ça. Il faut que les négociations soient au fil du temps, en permanence presque. Et il faut oser aborder les grands thèmes et pas juste les CPTS par exemple.   Dans votre programme, vous voulez supprimer la Rosp. Pensez-vous que tout miser sur le C va permettre une augmentation de la rémunération des médecins quand on voit à quel point le prix de l'acte n'évolue pas ? Ça n'est pas parce que ça n'évolue pas que ça ne peut pas le faire. C'est parce que le politique a fait un autre choix. Le monde politique a fait le choix d'avoir une médecine caporalisée, vassalisée, obéissante. Nous voulons revenir au principe de la médecine libérale telle qu'elle avait été édictée avec ses piliers : liberté de prescription, liberté de choix du médecin par le malade, paiement à l'acte… Il faut revenir à cela. Le paiement à l'acte c'est plus qu'un rempart, c'est...

une garantie de la qualité du soin. Cela libère le médecin de cette tutelle qu'il peut avoir avec l'Assurance-maladie. Le patient fait l'avance des frais puis il est remboursé par l'organisme de sécurité sociale pour lequel il cotise et par son assurance complémentaire. Ce n'est pas la Sécu qui paie le médecin. On ne veut pas d'une médecine vassalisée. On veut couper le cordon avec tout cela. Par contre, nous voulons créer un vrai partenariat pour remplacer ce terme affreux de tutelle. Nous connaissons bien ce terme. Quand nous mettons un patient sous tutelle cela signifie qu'il n'est pas capable de gérer son budget et sa vie. Nous ne voulons pas de tutelle mais des partenaires avec lesquels nous devons pouvoir discuter, proposer, se fâcher pour mieux revenir ensuite… Il n'est pas concevable que l'un des partenaires ait plus de pouvoir sur l'autre. Pour nous le paiement à l'acte doit être d'au moins 50 euros avec des honoraires libres pour tous et plus de secteurs 1 ni 2.   Concrètement si vous supprimez les secteurs, tous les médecins pourront faire ce qu'ils veulent ? Ils ne feront pas ce qu'ils veulent. Nous serons partenaires avec la caisse de Sécurité sociale et avec les assurances complémentaires. Nous accepterons donc la surveillance par l'Assurance maladie dans un cadre bien défini qui est celui de la sacralisation de l'indépendance. C’est-à-dire que les assurances maladies ne vont pas faire passer des décrets qui porteraient atteinte à l'indépendance des médecins. Mais il est normal que le médecin soit surveillé sur les dépassements tarifaires qu'il pourrait faire, à savoir qu'il faudra respecter le tact et mesure. Aujourd'hui, avec la complexité de la médecine, il n'y a pas une consultation qui ressemble à une autre. A part avoir une jungle tarifaire où les gens s'y perdent… On laisse la liberté au médecin de définir si au terme de sa consultation il a eu trois actes différents, si la consultation a duré 30 minutes plutôt que 15, si le patient avait des demandes particulières… Et c'est le médecin qui définit le tarif en fonction mais avec tact et mesure. Il est évident que si le médecin s'amuse à faire des actes à 500 euros il se fera sévèrement réprimander. Et c'est normal.   C'est tout de même difficile pour l'Assurance maladie qui rembourse les actes de ne pas savoir combien les médecins vont coter. La sécu rembourserait 50 euros. Au-delà ça serait remboursé par les mutuelles. On n'est du tout contre la participation des mutuelles, au contraire, on dit qu'elles doivent jouer leur rôle. Mais elles doivent avoir les mêmes règles que celles de la Sécu...

 c’est-à-dire une transparence de leurs comptes et un sérieux effort sur la gestion de leur boutique. Les 25% de frais de gestion, les sponsorings de Vendée Globe etc… Il va falloir se calmer et renvoyer l'argent vers le soin. Quand un patient paye 100 euros, seuls 50 à 60 euros vont aux soins… Il faut également leur imposer des régimes prudentiels moins sévères pour avoir moins d'argent à mettre en réserve et rendre plus d'argent à la santé. On ne veut plus que les organismes assurantiels, et la Sécu est une assurance, soient à la fois financeurs et organisateurs du soin. Là on est dans un conflit d'intérêt permanent.   Vous êtes contre la mise en place de plateformes commerciales de télémédecine qui salarient des médecins, pourquoi ? On estime que c'est la porte ouverte à toutes les dérives. Dès lors qu'il y a un lien commercial, il y aura des tendances à imposer certaines choses aux médecins et donc il y a perte de l'indépendance du soin. Nous sommes contre cela. Il n'y a pas de différences entre les plateformes de télémédecine ou télécommunication. Tôt ou tard on retrouvera des médecins dans des pays en voie de développement qui feront un acte à un euro. Les dérives seront les mêmes. On ne peut pas accepter que des gens prescrivent sans voir le malade, ça n'est pas possible. On a vu avec le Covid l'essor de la télémédecine mais n'oublions pas que cet essor s'est fait de médecin traitant à patient.   Aujourd'hui c'est possible de prendre rendez-vous en téléconsultation avec un médecin qu'on ne connaît pas… C'est une aberration. Cela peut se faire dans certaines conditions, mais on voit bien qu'à partir du moment où on ouvre la porte, on tombe dans des dérives. La facilité c'est d'avoir n'importe quel médecin au bout du fil. Cela engendre une médecine low-cost ou les patients et la qualité de la médecine y perdront. La télémédecine doit être réservée à une amélioration de la qualité du soin entre le médecin traitant et son patient. Et pour les six millions de patients qui n'ont pas de médecin traitant, il va falloir trouver une solution. Ils font partie de l'exception. Il faut borner la participation des plateformes commerciales. La médecine n'est pas un commerce. Ça n'est pas un métier comme un autre.   Comment motiver les jeunes médecins à voter, que leur proposez-vous ? Nous portons le fait que les syndicats étudiants participent aux négociations conventionnelles avec des voix délibératives et pas consultatives. On se bat pour mettre en place un modèle de la médecine. Ce modèle sera destiné aux jeunes. Il serait curieux que des quinquagénaires décident de l'avenir d'une médecine qu'ils ne vivront pas. C'est aux jeunes de décider. Nous, nous sommes des passeurs d'histoire et de savoir. Nous sommes là pour leur faire gagner du temps et leur passer le relais.

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