"On ne peut pas avoir pour seule solution le confinement" : ce généraliste qui défie le Conseil scientifique

27/01/2021 Par Aveline Marques
#JeNeMeConfineraiPas. En quelques jours, ce hashtag est devenu viral sur Twitter, traduisant l'inquiétude des Français face à la perspective d'un troisième confinement. Alors que l'ensemble de la presse se fait l'écho de ce mouvement de protestation, Egora a souhaité en savoir plus sur son chef de file : le Dr Fabien Quedeville, médecin généraliste à Chilly-Mazarin (Essonne). Complotiste ? Rassuriste ? Anticonformiste? "Je suis simplement un médecin qui porte la voix de ses patients", nous assure ce praticien. A vous de juger.

"Le but n'est évidemment pas de faire un appel à la désobéissance civile", se défend d'emblée le Dr Fabien Quedeville. Ce mardi 26 janvier, le médecin généraliste de Chilly-Mazarin enchaine les consultations, les visites… et les interviews. Lancé vendredi dernier, son hashtag #JeNeMeConfineraiPas est devenu viral sur Twitter, exprimant le ras-le-bol d'une partie de la population face aux restrictions. Un message repris en cœur par les complotistes, les antivax et autres antimasques. Mais pour le généraliste, peu importe : "le but est d'engager un débat, une réflexion sur les mesures de lutte contre l'épidémie". En particulier sur le confinement, dont il juge la balance bénéfices-risques "défavorable".   Depuis fin mars, en effet (ici dans Le Monde), le médecin généraliste n'a de cesse d'alerter sur les "effets collatéraux" des mesures restrictives : conséquences économiques et sociales, bien sûr, mais aussi retentissement sanitaire avec un phénomène de renoncement aux soins qui a mis des mois à s'estomper et se manifeste à nouveau depuis la mise en place du couvre-feu à 18 heures, et hausse inquiétante des troubles psychiques. "J'ai voulu alerter sur la souffrance que l'on peut rencontrer chez nos patients, insiste-t-il. C'est l'avantage d'être généraliste, on est au contact du terrain." Et le praticien d'évoquer la "situation précaire" des étudiants, l'"explosion" de l'obésité chez les enfants du fait du manque d'activité physique ou encore l'isolement des personnes âgées à domicile, en proie à des syndromes dépressifs et à la perte d'autonomie. "On ne peut pas faire une politique de santé publique en se basant sur une seule maladie, qui est loin d'être la plus fréquente. Il est important de ne pas oublier le reste de la population, qui est en grande souffrance", insiste-t-il.

Pour le médecin, surtout, la situation épidémique ne justifie pas un troisième confinement. "Il n'y a pas de flambée comme on a eu au mois de mars. Si l'on prend de façon factuelle les données de surveillance des épidémies en médecine de ville du réseau Sentinelles, le taux des infections respiratoires aigües à Covid tourne autour de 20 cas pour 100 000 habitants"*, souligne-t-il. "Personnellement, je vois plus de gens en souffrance par rapport à la gestion de la crise que des gens qui présentent des suspicions de Covid. J'ai pas vu un cas depuis dix jours", affirme le médecin.   Mais pour les autorités sanitaires, la situation est loin d'être aussi rassurante, avec plus de 26.000 patients hospitalisés lundi 25 janvier, dont plus de 3.000 en réanimation - seuil franchi pour la première fois depuis le 9 décembre. Face au risque de diffusion des variants et de flambée épidémique incontrôlable, comme au Royaume-Uni, le Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, a estimé dimanche qu'il y avait "urgence" à...

reconfiner (avant de préciser mardi qu'on n'était pas "à une semaine près"). En franche opposition avec les experts du Conseil scientifique, "qui sont loin du terrain" et dont il dénonce l'opacité des décisions, le Dr Quedeville estime que le "confinement n'a pas démontré son utilité". Et de citer l'exemple de la Suède, "quasiment le seul pays qui n'a pas confiné et qui a réussi à maitriser tant bien que mal l'épidémie".   N'y aurait-il pas eu plus de 73.000 morts encore sans les deux confinements, couvre-feu et autres interdictions de rassemblements ? "Il faudrait le démontrer", nous répond-t-il, avant d'avancer que "environ 50% des décès mentionnés Covid n'ont pas été confirmés Covid". Une affirmation, répandue chez les complotistes, que l'on retrouve d'ailleurs dans une tribune publiée par France Soir le 11 septembre dernier, et signée par le Dr Quedeville. Le texte affirme, entre autres, que le Covid n'est pas aussi mortel ni aussi contagieux que les autorités le prétendent, et que porter un masque est inutile quand on n'est pas malade. "J'ai signé un texte qui n'a rien à voir avec ce qui a été publié", se défend le généraliste. La tribune anti-confinement publiée vendredi dernier sur le site "Bas les masques", "média indépendant" sur l'épidémie auquel collabore le Dr Quedeville, se veut plus consensuelle. Mais la liste des signataires interpelle : parmi de nombreux généralistes, on retrouve notamment la pédiatre Nicole Delépine, poursuivie par l'Ordre pour ses positions sur le Covid et connue pour son opposition à l'extension de l'obligation vaccinale des nourrissons, l'épidémiologiste Laurent Toubiana, intervenant du documentaire Hold Up et chef de file des "rassuristes", ou encore le Pr Jean-François Toussaint, médecin anti-confinement – deux autres contributeurs de Bas les masques.

La tribune a d'ailleurs été reprise par des personnalités controversées, telle la députée Martine Wonner, co-fondatrice du collectif Laissons les prescrire, voire franchement complotistes. "On peut trouver des personnalités controversées dans les deux camps, rétorque le généraliste. Moi je ne suis pas responsable de ce que pensent les gens. Je répète, le but de cette tribune, c'est vraiment pour alerter sur la souffrance de la population que je vois au quotidien. La tribune vit, le hashtag vit. Oui, on pourra reprocher qu'il y a des gens peut-être complotistes qui la reprennent… Mais il ne faut pas oublier qui nourrit le complotiste : quand on a des informations et des décisions contradictoires en permanence, on s'expose forcément à ce risque. Mais ce que j'ai écrit dans cette tribune, c'est formel, ce sont des données vérifiables de Santé publique France, de Sentinelles, de SOS médecins", répond le médecin, qui ne craint pas d'éventuelles poursuites de l'Ordre. "Encore une fois, je n'appelle pas à la désobéissance civile. S'il y avait un nouveau confinement, je le respecterai. Je n'ai jamais abusé de ma qualité de médecin pour m'y soustraire. Je n'enfreins pas les règles de déontologie. J'essaie simplement de prendre soin de la population, de façon globale. Je ne suis pas membre de quoi que ce soit, je m'exprime juste en mon nom et au nom de mes patients." Se défendant d'être complotiste ou rassuriste, le médecin se dit "solutionniste". "Si on vit avec ce virus, on ne va pas à chaque...

nouveau variant -parce qu'il y en aura d'autres, c'est un virus qui mute en permanence- confiner, déconfiner et reconfiner. C'est insupportable pour la population qui n'a plus d'objectifs, plus d'échappatoire", insiste le médecin, qui plaide dans sa tribune pour une autre gestion de l'épidémie. "Il faut continuer à faire ce qu'on sait faire en médecine : soigner les gens", souligne-t-il. Dissuader la population de se rendre chez son généraliste durant le premier confinement a été selon lui une "erreur", tout comme permettre aux gens de "s'autodiagnostiquer" en allant se faire dépister ou de se mettre en arrêt sans avoir consulté un médecin au préalable. "Il faut que les patients soient vus en médecine de ville. Il faut qu'on puisse à la fois les tester au cabinet avec les tests antigéniques rapides, et pouvoir les traiter ou non, ce qui doit rester le libre choix du médecin", juge-t-il. Plutôt que de "culpabiliser" et "infantiliser" la population, Fabien Quedeville appelle les pouvoirs publics à se reposer sur la responsabilité des citoyens, qui, juge-t-il, "ont appris en un an à respecter les mesures barrières et à s'isoler en cas de symptômes". Mais il reste des failles à combler, "des trous de la raquette", dit-il. "Il faut mieux renforcer la protection des personnes à risque." Alors que de nombreux clusters sont signalés en Ehpad, voire dans certains hôpitaux, le généraliste ne "comprend pas que fin janvier il n'y ait toujours pas un dépistage systématique des visiteurs des résidents ou des patients", ni que soient fournis des masques neufs "non souillés" à l'entrée des établissements.

Et la vaccination dans tout ça ? Fabien Quedeville ne cache pas son scepticisme, mettant en doute l'efficacité des vaccins chez les personnes âgées, le risque de survenue des effets secondaires, voire d'émergence de nouveaux variants… "En attendant une campagne de vaccination large, il faut utiliser les outils qui fonctionnent", lance-t-il. "On ne peut pas avoir dans un pays qui dépense 200 milliards d'euros pour son système de santé comme seule solution pour lutter contre l'épidémie le confinement."   *Données de la semaine 2

 
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