A Marseille, les pompiers explorent les égouts à la recherche de traces du Covid

23/11/2020 Par Sandra Laffont
Santé publique

A Marseille, les marins-pompiers analysent depuis plusieurs semaines les eaux usées pour localiser les malades qui s'ignorent. La méthode a permis, selon eux, d'éviter l'apparition de clusters dans plusieurs Ehpad. Depuis la première vague, un réseau de surveillance se met en place discrètement en France sous terre. Car le coronavirus peut être détecté dans les selles quatre à sept jours avant l'apparition des symptômes. A Marseille, le contre-amiral Patrick Augier, qui dirige le bataillon de marins-pompiers, s'en souvient bien: c'est le 24 juillet que ses hommes ont décelé des traces du virus dans les eaux usées, avant que la reprise de l'épidémie ne soit clairement visible. Forts de ces observations, les marins-pompiers ont décidé d'aller plus loin et d'utiliser les égouts pour tenter de cartographier le virus dans la deuxième ville de France. "Tous les jours, on prélève dans deux collecteurs. Et toutes les semaines, on découpe la ville en 11 morceaux. On déclenche ensuite nos barnums pour tester les gens dans les endroits qui ressortent rouges", explique Patrick Augier. C'est "une guerre de mouvement, il faut tout le temps revoir sa stratégie et essayer d'aller chercher les cas positifs où ils sont", ajoute-t-il.

En parallèle, un dispositif spécifique est mis en place pour une centaine d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et d'établissements médico-sociaux où les pompiers se rendent chaque semaine pour analyser les eaux usées. Dès qu'ils y décèlent des traces du Covid-19, ils déclenchent des tests de surface et de détection chez le personnel et les résidents. Ils ont ainsi pu par exemple isoler immédiatement un unique pensionnaire positif dans un de ces établissements. Ces dernières semaines, "on est monté jusqu'à 34 Ehpad positifs mais il n'y a eu au final aucun cluster et 19 sont revenus à la normale", insiste Younes Lazrak, président et cofondateur de la start-up C4Diagnostics, qui analyse les échantillons pour les pompiers. Avec cette stratégie, "on arrive à isoler les personnes très rapidement. Et si on la couple avec de la décontamination du lieu, on déplore un à deux cas, mais pas 50", ajoute-t-il.   "Attention aux biais" L'exemple marseillais est "une très bonne idée", juge le professeur Vincent Maréchal, virologue à Sorbonne Université (Paris), mais "attention aux biais", insiste-t-il. Par exemple, un certain nombre de résidents des Ehpad sont incontinents, donc...

invisibles dans les eaux usées. Même chose sur l'heure de prélèvement: si on prélève à 08H00 et que la personne porteuse du virus va aux toilettes une heure plus tard, elle passera sous les radars. "Avec le Covid, l'outil miracle n'existe pas. Cette technique est préventive, elle permet de la réactivité à partir du moment où on sait que le virus circule", estime de son côté Emilien Chayia, directeur général du groupe Medeos, dont deux Ehpad ont participé au dispositif. "Il faudrait la déployer de façon massive mais toujours l'associer à d'autres méthodes de dépistage (tests PCR, antigéniques) qui n'ont pas une fiabilité à 100%. Avec toutes ces cordes, on est dans une stratégie d'entonnoir, on resserre les mailles du filet", ajoute-t-il. La technique commence à essaimer : des prélèvements dans les bouches d'égouts d'Ehpad du reste des Bouches-du-Rhône ont commencé. Ailleurs en France aussi, un réseau se construit, fondé par des chercheurs de l'entreprise chargée de l'approvisionnement en eau de la capitale, Eau de Paris, de Sorbonne Université et de l'Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA). Baptisé Obépine (Observatoire épidémiologique dans les eaux usées), il s'appuiera sur 150 à 400 stations d'épuration.

Les chercheurs veulent notamment "valider les stratégies, comprendre ce qui fait qu'une donnée est valide ou pas, pour les corréler aux autres paramètres épidémiologiques car les charges virales sont sensibles par exemple à la nature des effluents, aux dilutions liées aux pluies", développe Vincent Maréchal, membre du comité de pilotage d'Obépine. Ils entendent surtout bâtir un réseau national pérenne qui centralisera les données, jouant un rôle de sentinelle. Un tel outil pourrait servir lors d'un déconfinement pour anticiper une remontée épidémique. A terme, il pourrait même "s'élargir à d'autres problématiques infectieuses (grippe, bactéries multirésistantes, etc.)", suggère M. Maréchal.

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