Alors que la rentrée approche et que les chiffres du Covid repartent à la hausse, sept sociétés savantes de pédiatrie appellent à se mobiliser face au risque de contamination. Conjointement, ils ont écrit une tribune. Voici leur texte tel qu’il nous a été transmis. Ce texte a été signé par l’Association française de pédiatrie ambulatoire, l’Association Clinique et Thérapeutique du Val de Marne (Société Française de Pédiatrie), le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (Société Française de Pédiatrie), le Groupe de pédiatrie tropicale (Société Française de Pédiatrie), le Groupe francophone de réanimation et d’urgences pédiatriques (Société Française de Pédiatrie), le Groupe de pédiatrie générale (Société Française de Pédiatrie), le Groupe francophone de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (Société Française de Pédiatrie). “Les Pédiatres, très rapidement, dès le mois d’Avril, avaient insisté sur l’importance pour les enfants de la reprise scolaire et sur le fait que qu’ils sont moins souvent contaminés par le SARS-CoV-2, moins souvent malades et moins contaminants que les adultes. Nous avons plaidé dès la fin du confinement, pour une reprise scolaire effective précoce, fluide et maîtrisée. Cependant, aujourd’hui, nous ne pouvons que nous montrer inquiets devant l’organisation de la rentrée telle qu’elle se profile, tant sur le plan de la prévention que de celui de la prise en charge des enfants. La persistance de la circulation du virus en France accompagnée, ces dernières semaines, d’une augmentation significative du nombre de cas dans certaines régions, rend effectivement la situation délicate et nécessite d’adopter des mesures adaptées mais raisonnables et efficaces. Il est certain qu’avec la rentrée scolaire et le retour en collectivité des plus petits, le risque de survenue de contamination par le SARS-CoV-2, aussi bien chez les enfants que chez les adultes qui les encadrent, est réel. Cependant, le poids sanitaire de cette rentrée pour les enfants va dépendre des mesures appliquées face au nombre élevé de situations de suspicion de la maladie en raison des symptômes très peu spécifiques, la plupart du temps engendrés par d’autres agents pathogènes viraux ou bactériens. Certes, le respect des protocoles sanitaires dans les lieux d'accueil tels que les crèches, écoles, centre de loisirs… et le renforcement des mesures d’hygiène dans la société, devraient permettre une réduction de la transmission des épidémies hivernales habituelles, mais certainement pas leurs disparitions totales, à fortiori au sein des collectivités d’enfants.
> Notre première inquiétude concerne les tests de diagnostic COVID par PCR chez l’enfant. La pratique des prélèvements naso-pharyngés quasi-systématiques (tels qu’ils sont recommandés aujourd’hui) chez les enfants présentant une fièvre, des signes respiratoires ou digestifs n’est pas si anodine qu’elle peut le paraître. En effet, dès fin Mai 2020, les pédiatres ont lancé une large étude (VIGIL) pour préciser les indications et le rendement de la PCR chez l’enfant. Plus de 1500 enfants symptomatiques...
venus consulter aux urgences pédiatriques ou dans les cabinets pédiatriques, ont été prélevés après exclusion d’un diagnostic clinique rendant très improbable la COVID 19. Le taux de positivité des PCR chez les enfants n’ayant pas de contage connu avec un cas avéré de COVID 19 était de 1%, alors qu’il était autour de 10% chez ceux ayant été en contact avec une personne porteuse du virus, en particulier dans l’entourage familial. Ces tests actuels naso-pharyngés, outre leur aspect désagréable et nécessairement répétitifs chez les enfants (les épisodes viraux durant la saison froide étant bien plus fréquents chez l'enfant que chez l’adulte, 6 à 8 par an chez le nourrisson), ont un rendement modeste, un coût certain et nous expose à des refus des enfants et/ou des parents. De plus, les délais souvent non négligeables pour la réalisation du test et l'obtention des résultats diminuent leur efficacité sur le dépistage et la prise en charge des clusters. En pratique, si ces résultats sont obtenus en 24 heures pour la majorité des malades, il n’est pas rare que le délai soit de deux, trois, voire quatre jours, notamment en médecine libérale. Si le taux de positivité des PCR chez l’enfant reste faible, la poursuite de cette stratégie de PCR systématique chez l'enfant, s’avèrerait probablement très peu rentable tout en représentant un coût humain et financier conséquent pour la collectivité. Bien entendu, en cas d'augmentation du taux de positivité des PCR (au niveau local ou national), la stratégie de réalisation des prélèvements chez les enfants devra évoluer.
Pour toutes ces raisons, la mise à disposition de tests de diagnostic rapide du SARS--CoV-2 (notamment salivaires), même moins sensibles mais permettant de prendre rapidement des décisions pour la majorité des patients, nous parait particulièrement importante en pédiatrie. L’objectif de ces tests devant être plus d’évaluer le risque de contagiosité que d’éliminer le diagnostic de COVID-19. > Notre seconde inquiétude, et non des moindres, concerne les vaccinations. Si le SARS-CoV-2 continue de circuler cet hiver, il va obligatoirement s'ajouter aux virus saisonniers habituels (VRS, grippe, rotavirus…). Des difficultés sont à prévoir pour...
les jeunes enfants qui sont chaque hiver, particulièrement touchés par ces virus, notamment ceux vivant en collectivité. Nous soutenons pleinement les prises de position de l’Académie de Médecine visant à renforcer la vaccination contre la grippe (Lien 1) et à généraliser la vaccination contre le rotavirus des petits nourrissons (Lien 2). En effet, la vaccination contre le rotavirus en période de pandémie de COVID-19 offrirait deux avantages supplémentaires : d’une part, ne pas alourdir la charge de soins et "le fardeau" des structures sanitaires en diminuant de façon drastique les épisodes de gastro-entérites chez les petits nourrissons, d'autre part, réduire la fréquence chez l’enfant des opportunités de suspecter une COVID-19 et ses conséquences (tests PCR et mesures d’éviction personnelles et familiales). En effet, 15 à 30% des enfants hospitalisés ou vus en consultation pour COVID-19 ont des signes digestifs, dont la diarrhée, ce qui rend très difficile le diagnostic différentiel avec les gastro-entérites à rotavirus. Une étude récente vient de rapporter l’expérience allemande après 6 ans de vaccination contre le rotavirus en Allemagne démontrant, comme dans de nombreux autres pays, une réduction considérable du nombre de consultations, de passages aux urgences et d’hospitalisations depuis l’implantation de cette vaccination, sans augmentation de l’incidence des invaginations intestinales (Lien 3).
Quinze pays européens recommandent déjà ce vaccin en routine, dont 6 des 7 pays limitrophes de la France. En France, le comité technique de vaccination avait recommandé en 2013, l’utilisation de ces vaccins, sous couvert d’un rapport coût/efficacité favorable, puis avait suspendu cette recommandation à l’annonce de la publication imminente d’un rapport de la pharmacovigilance française faisant état de 2 décès par invagination intestinale aiguë méconnue, survenus chez des nourrissons vaccinés (en réalité, un seul cas était réellement attribuable à la vaccination). Aujourd’hui, ce risque d’invagination intestinale, survenant 5 à 10 jours après l’administration de la première dose du vaccin...
essentiellement, est bien connu, bien circonscrit, permettant des mesures d’information aux parents et la prévention des complications par la prise en charge rapide des cas. La balance risque/bénéfice a toujours été et demeure en faveur de la vaccination. Vacciner contre ces maladies représenterait donc un moyen de diminuer les consultations, les passages aux urgences et les hospitalisations à un moment où la circulation du SARS-CoV-2 risquera d’être à nouveau intense. Garantir le remboursement de ces vaccins serait une mesure de cohésion sociale indispensable. Cette démarche serait en cohérence avec les efforts menés actuellement pour renforcer l’administration, en temps et en heure, des vaccinations du calendrier vaccinal 2020 et rattraper les retards accumulés pendant le printemps. > Notre troisième inquiétude concerne la conduite à tenir en cas de dépistage d’un sujet atteint de COVID-19 (enfant ou adulte) dans une collectivité. Bien que le risque d’infection des enfants et de transmission entre eux semble réduit, il sera très difficile d’éviter des épisodes de contamination par le SARS-CoV-2 au sein des collectivités (crèches, écoles…). Il est donc nécessaire de bien définir les mesures à prendre en cas de dépistage d’un enfant ou d’un adulte porteur du SARS-CoV-2 au sein d’une collectivité. A ce jour, les remontées que nous avons, sont pour le moins anarchiques : des écoles ou des crèches ont été fermées parfois en raison de la présence d’une seule personne présentant une PCR positive, voire même une sérologie positive sans PCR et avant toute enquête. Si des stratégies claires et précises ne sont pas définies, il nous semble que la rentrée scolaire risque d’être chaotique avec des fermetures de classes voire d’écoles non justifiées par des raisons sanitaires ou épidémiologiques et dans tous les cas fortement délétères pour les enfants et leurs apprentissages.
Les pédiatres sont prêts à contribuer à la réflexion des autorités de santé et à relayer le plus efficacement possible les décisions qui seront prises. La contribution de la santé scolaire à cette réflexion est naturellement indispensable."
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