Mort de Jacques Chirac : retour sur ses réformes de la santé

26/09/2019 Par Catherine le Borgne & Sandy Bonin
Personnalités

Jacques Chirac est décédé à son domicile parisien ce jeudi 26 septembre, à l'âge de 86 ans. C'est sous sa présidence qu'auront été mis en place la Sécurité sociale universelle, le parcours de soins autour du médecin traitant ainsi que le DMP.   Victime d'un AVC en 2005, ce bon vivant réputé pour sa santé de fer pendant des décennies a été hospitalisé à de multiples reprises. En septembre 2016, l'ancien chef de l'Etat avait été admis en urgence à la Pitié-Salpêtrière pour une infection pulmonaire. Des rumeurs sur sa mort avaient alors circulé. Jacques Chirac est finalement décédé ce jeudi 26 septembre à son domicile, a confirmé sa famille à l'AFP.     AVC, perte de mémoire, anosognosie, goutte… Les maux de Jacques Chirac Par S. B.   Les ennuis de santé ont commencé pour Jacques Chirac en septembre 2005. Alors âgé de 73 ans, l'ancien Président de la République se rend de toute urgence à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à la suite de migraines et de troubles de la vision. C'est la première fois de sa vie qu'il est admis en urgence à l'hôpital. Ses médecins diagnostiquent un accident vasculaire cérébral. En 2011, un rapport médical remis à la justice, qui a fuité dans la presse, fait état d'un diagnostic d'anosognosie, maladie qui affecte les capacités mentales. Signé du professeur Olivier Lyon-Caen, alors chef du service de neurologie à la Pitié-Salpêtrière (aujourd'hui médecin conseil national à la Cnam), le rapport, extrêmement détaillé, met ainsi un nom sur les troubles neurologiques dont souffre depuis des mois l’ancien Président de la République et que sa famille, pour des raisons de pudeur compréhensible, refuse de nommer. Il s'agit d'anosognosie. "En clair, Jacques Chirac, 78 ans, n’aurait pas conscience lui-même de ses problèmes neurologiques, ces malades "oubliant qu’ils oublient", selon l’expression de ce médecin… Pour arriver à cette conclusion, le Pr Lyon-Caen a fait subir à son patient un scanner et une batterie de tests psychologiques.   Diminué, main sur l'épaule de son garde du corps En décembre 2013, Jacques Chirac est hospitalisé pour une "intervention rénale" à la Pitié-Salpêtrière. En janvier 2014, Bernadette Chirac dit penser que son époux ne parlera plus jamais en public. Souffre-t-il aussi de la maladie d'Alzheimer? "Honnêtement, je ne le crois pas (...) Il n'a pas vraiment les symptômes, mais c'est vrai qu'il a une petite baisse de sa mémoire, surtout par moments, c'est très variable", avait-elle alors indiqué. Le 17 février 2014, il est brièvement hospitalisé à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine à la suite d'une "violente crise de goutte". La dernière apparition publique de Jacques Chirac à une cérémonie officielle remonte au 21 novembre 2014. Diminué, main sur l'épaule de son garde du corps, il était arrivé sous les applaudissements de la salle. Le 14 avril 2016, Laurence, la fille aînée des Chirac décède à l'âge de 58 ans après avoir été victime d'un malaise cardiaque. Des photos dans la presse people laissaient entrevoir l'ancien président en fauteuil roulant, lors des obsèques de sa fille. Atteinte depuis l'adolescence d'anorexie mentale, la mort de Laurence a été un choc terrible pour l'ancien président et son épouse, a rapporté leur gendre, Frédéric Salat-Baroux. "C'est nécessairement un moment très dur pour lui" a confié le haut fonctionnaire, mari de Claude Chirac depuis 2011 sur Europe 1. "Jacques Chirac, c'est un homme qui, depuis des années, se bat contre la maladie et qui vit maintenant la pire des choses qui puisse arriver à une personne, c'est-à-dire perdre son enfant", a-t-il ajouté.   Jacques Chirac, héritier de de Gaulle et de la Sécurité sociale Par C. L. B.   Jacques Chirac, qui vient de disparaître à 86 ans, s'est constamment senti héritier du Général de Gaulle, le créateur de notre Sécurité sociale, au sortir de la guerre de 1939-1945. Nombre des réformes qu'il a initiées durant son septennat (1995-2002) puis son quinquennat (2002-2007) sont toujours en vigueur aujourd'hui.   Elu en 1995, puis réélu en 2002, le président Chirac a tenté de maîtriser le déficit de la Sécurité sociale, dont il percevait le danger avec acuité. Sans réel succès malgré le plan Juppé de 1995 qui s'était donné le but de réformer durablement la Sécurité sociale, tout en redistribuant les cartes syndicales de la gouvernance de l'Assurance maladie, ce qui a mis toute le France dans la rue. Autre grande étape en 2004 : la loi de réforme de l'assurance maladie initiée par Philippe Douste-Blazy, le ministre des Affaires sociales et de la Santé et son secrétaire d'Etat à la sécurité sociale, Xavier Bertrand. C'est cette loi qui a créé le parcours de soins autour du médecin traitant, initie le dossier médical personnel notamment, et met en place la franchise de 1 euro aux remboursements.  En vain, pour la réduction des déficits, souligne le Figaro, puisque le déficit attendu en 2014, devait encore  atteindre 13 milliards d'euros cette année-là.   L'objectif du plan Juppé est double Le 15 novembre 1995, Alain Juppé, alors Premier ministre de Jacques Chirac (qu'il présentait comme "le meilleur d'entre nous"), engage devant l'Assemblée nationale un vaste plan de sauvetage fondé sur trois idées : "la justice, la responsabilité et l'urgence" "C'est une réforme de structure qui n'a rien à voir avec tout le reste. Personne n'avait jamais osé la faire depuis 1945", assène-t-il aux députés, qui l'applaudissent debout. A l'époque les comptes de la Sécu affichent un déficit de 60 milliards de francs au titre de 1995 et l'objectif du plan Juppé est double : dégager un excédent de 12 milliards de francs à la Sécu en 1997 et permettre le remboursement en treize ans de la dette cumulée entre 1992 et 1996, soit 250 milliards de francs… Les mesures choc du plan Juppé, qui se traduisent par 100 milliards de francs de prélèvements supplémentaires en deux ans, ce dont les médecins libéraux se souviennent encore de manière cuisante, prévoient entre autres une réforme de la Constitution. C'est désormais au Parlement de se prononcer sur les dépenses et les recettes des différents régimes. Adoptée le 22 février 1996, cette révision de la Constitution donne naissance à la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), sans pour autant que le Parlement n'ait le droit de fixer lui-même les recettes. Par ailleurs, c'est à la Cour des comptes de contrôler l'application de la LFSS. Si cette réforme majeure a mis la France dans la rue, tandis que la réforme des régimes spéciaux de retraite, mettait la SNCF à feu et à sang et paralysait la vie économique du pays, les éléments essentiels du plan Juppé sont encore en vigueur aujourd'hui.   "J'en appelle à la responsabilité des professions de santé" "La Sécurité sociale est au coeur du pacte républicain. Elle fait partie de ce à quoi nous ne renoncerons jamais. Mon choix est clair : conserver et transmettre l'héritage de 1945, l'adapter aux réalités d'aujourd'hui. Telle est mon ambition à l'aube de ce nouveau septennat", déclarait le président Chirac, à l'occasion des  50 ans de la Sécurité sociale, en 1995. "Nous devons rendre toute leur portée aux principes fondateurs qui sont les principes de responsabilité et d'universalité (…) Non, trop de solidarité ne tue pas la solidarité. C'est l'irresponsabilité qui la détruit. Il ne faut pas réduire les solidarités. Il faut organiser la responsabilité." Et d'appeler, après les parlementaires et les partenaires sociaux, les professionnels de santé à participer à cette entreprise de responsabilité :"J'en appelle aussi à la responsabilité des professions de santé. Je connais les efforts déjà consentis pour assurer une maîtrise médicalisée des dépenses de santé qui, naturellement, suppose le respect des engagements pris. Je compte sur elles pour l'avenir". A l'occasion de ce discours fondateur, le président Chirac a annoncé qu'il fallait donner une nouvelle dimension au principe d'universalité.   "Le droit aux soins est un droit de l'homme" "L'universalité, c'est d'abord l'accès aux soins pour tous, et notamment pour les plus démunis. La crise a mis en lumière les limites de notre système de santé (…) La généralisation de l'assurance-maladie n'est pas encore réalisée dans les faits. Eh bien, il faut la faire entrer dans les faits ! Le droit aux soins est un droit de l'homme. Il faut le mettre en oeuvre, comme je l'ai fait à Paris avec la carte Paris-Santé. Nous devons réaliser enfin le rêve de 1945 : généraliser l'assurance maladie sur la base du seul critère de résidence légale en France", avait-il déclaré. Alors maire de Paris, Jacques Chirac avait contribué à la création du Samu social, dont la direction a été donnée au Dr Xavier Emmanuelli, ancien secrétaire d'Etat à l'aide humanitaire. Pour faire en sorte que le financement de cette protection sociale universelle ne pèse pas excessivement sur l'emploi, le président Chirac a décidé de créer un nouveau prélèvement de 0,5 %, la CRDS.  Cotisation a priori temporaire, toujours en vigueur et régulièrement prolongée aujourd'hui,  faisait porter par les générations futures, les dettes contractées par leurs ainés.

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