Le Dr Claude Leicher quittera la présidence de MG France, ce samedi, après deux mandats consacrés à la défense de la médecine générale. Il dresse un bilan sans nostalgie des progrès accomplis et désigne les chemins qu'il faut continuer à parcourir. Son successeur doit être élu en fin d'après midi par le comité directeur du syndicat.
Egora.fr : Vous vous apprêtez à passer la main ce samedi après-midi, après huit années passées à la présidence de MG France. Comment vous sentez-vous ? Dr Claude Leicher. Je me sens très bien, en pleine forme physique et satisfait d'être en capacité de passer la main à un ou une successeur(e), dans des conditions, j'espère, les plus satisfaisantes possibles. Le contexte dans lequel je suis arrivé était un peu plus difficile, puisque je me présentais contre un président sortant. C'est un souci de partir dans des conditions qui permettent à la boutique que vous avez dirigé, de continuer à bien fonctionner. Donc, je me sens bien de partir dans les conditions qui se présentent aujourd'hui. En huit ans, il s'est passé beaucoup de choses pour la médecine générale. Puisque c'est l'heure du bilan, quelle est votre plus grande fierté de président ? J'ai commencé à faire des choses bien avant d'être président. J'ai travaillé aux côtés des anciens présidents, Richard Bouton, puis Pierre Costes, puis Martial Olivier-Koerhret sur des sujets extrêmement lourds, notamment celui de la spécialité de médecine générale et de la filière universitaire. Alors, je dirai que ma plus grande fierté c'est d'avoir été président au moment où est paru, en 2016, l'arrêté créant la sous-section Médecine générale à la conférence nationale des universités, qui consacre la spécialité qui existait déjà, mais surtout, son autonomie universitaire, puisque désormais, ce sont les pairs professeurs de médecine générale, qui nommeront leurs successeurs ou les professeurs associés. C'est un élément important, car jusqu'alors, malgré sa création en 2002, la spécialité de médecine générale n'avait pas d'autonomie. Elle était hébergée très confraternellement par d'autres spécialités, notamment la médecine interne. Alors, nous avons mis la pression auprès de Marisol Touraine, qui a accepté de saisir Geneviève Fiorasso pour que cette annonce soit faite en 2014. Le décret a finalement été pris en 2016. Exactement 30 ans après la création de MG France, la spécialité universitaire médecine générale est devenue autonome ! Je suis un des très modestes acteurs de cette réussite car je suis arrivé au moment où les choses se concrétisaient. C'est en fait, le sacre de toute une génération. C'est important, car cela inscrit la médecine générale dans le champ de l'université. Or, dans la culture française, on n'est une vraie spécialité que si celle-ci est universitaire. Pour les métiers de santé, le fondement universitaire est extrêmement important. Alors cela ne veut pas dire que la filière universitaire soit en bon état de marche. Elle est en bonne santé psychique et intellectuelle, mais elle ne va pas bien en termes de moyens. Il revient à la personne qui me succédera et à mes amis du CNG, du CNGE et du SNEMG, de faire pression pour que les moyens de formation soient suffisants, notamment en termes de postes. Mais la bonne dynamique de la médecine générale bouscule les médecins spécialistes. Ils ne sont pas contents… Ils ne sont pas contents, ils ont tort. Les publications de l'OCDE montrent bien que leur niveau de rémunération et de reconnaissance à travers cela, reste nettement supérieur à celui des généralistes. Alors peut être qu'ils ne sont pas contents, mais nous le sommes encore moins qu'eux. Néanmoins, avoir maintenant des chefs de clinique, des chercheurs en médecine générale, c'est un vrai bonheur, un très grand motif de satisfaction pour moi. La dernière convention médicale accorde à la médecine générale, des moyens supérieurs à ceux alloués à la médecine spécialisée. Cela doit également représenter un grand motif de fierté pour le président de MG France… Bien sûr. Il a fallu déployer une stratégie de pression et de lutte extrêmement importante, notamment à travers le mouvement de contestation tarifaire pour le C à 25 euros. Et je voudrais ici remercier tous les médecins généralistes qui nous ont suivi dans ce mouvement. Nous savions qu'il y avait des risques à prendre, nous l'avons tous fait et certains d'entre nous ont subi des sanctions conventionnelles. Ils peuvent compter sur notre solidarité, d'abord financière mais aussi notre soutien et notre accompagnement dans toutes les procédures en cour. Et je pense notamment au Dr Jean-Marie Gendarme, qui est le plus lourdement sanctionné. Il n'aura pas à assumer les sanctions qui lui ont été infligées. Nous ferons en sorte que cela soit pris en charge par MG France. Je voudrai aussi saluer notre service juridique, en particulier mon collègue Bruno Deloffre et notre avocate, qui nous ont permis d'atténuer et mieux amortir ce choc dans les départements. Cela posé, je pense que le syndicalisme, c'est à la fois des revendications et de l'action, mais aussi des concrétisations. Cela ne sert à rien de faire des mouvements tarifaires qui n'arrivent pas à conclure à un moment donné. Cela ne sert à rien de faire une manifestation aussi importante que celle du 15 mars 2015, si derrière, on n'arrive pas à concrétiser le fait que l'obligation de tiers payant tombe. Ceci a été fait et, cerise sur le gâteau, nous avons obtenu que l'acte clinique le mieux payé : 70 euros, concerne le tarif de la visite longue réalisée par le médecin traitant auprès de patients atteints de pathologies neuro-dégénératives. Aujourd'hui, entre 75 et 77 % des revalorisations dont effectives. C'était nécessaire, le déséquilibre était trop en défaveur des médecins généralistes et la bagarre n'est pas terminée. A votre successeur (e), de reprendre le dossier de l'égalité tarifaire. Oui, car elle n'est pas là, nous n'y somme pas. Voilà pourquoi on a rajouté dans la convention, le forfait patientèle. Nous ne sommes pas tout à fait arrivés aujourd'hui, au niveau que l'on souhaiterait, mais avoir des forfaits de l'ordre de 70 euros pour des patients en ALD, cela devient très significatif. Ce chemin doit être poursuivi car il faut que la totalité de nos tâches soient rémunérées, ce qui signifie que lorsque nous travaillons en dehors de la présence du patient, il n'y a pas d'autre solution que des rémunérations de type forfaitaire. Tout le travail de coordination, de synthèse, de tenue du dossier, de courriers aux correspondants justifie l'augmentation importante des rémunérations forfaitaires que nous avons obtenue. Le forfait structure prend en compte le coût élevé de l'équipement du cabinet. Et ces trois éléments : actes, forfait patientèle et forfait structure sont les pistes qui doivent continuer à être poursuivies. Avez-vous des regrets ? J'ai le regret d'avoir été blâmé par le conseil de l'Ordre après avoir défendu le principe du médecin traitant des enfants et qu'une phrase que j'ai prononcé a été mal vécue par les collègues pédiatres. Je m'en excuse auprès d'eux, je n'avais pas du tout l'intention de les blesser. Mais aujourd'hui, nous avons obtenu le principe du médecin traitant de l'enfant, ce qui est une bonne chose pour les enfants et pour la prise en charge des actes de pédiatrie. Je regrette que nous soyons passés par une condamnation. Mais je la prends avec honneur, car ce fut pour défendre de la fonction de médecin généraliste auprès des enfants. Aujourd'hui, le médecin traitant de l'enfant est en place. La collaboration sur le terrain sera facile à faire et j'espère que l'on pourra concrétiser une vraie filière de pédiatrie avec des correspondants de cette spécialité, dont nous avons besoin. Un autre regret c'est qu'en matière d'inégalités sociales de santé, nous n'avons réussi qu'à introduire un coin dans la porte. Il y a néanmoins la reconnaissance qu'il est plus difficile en médecine générale, d'exercer auprès d'un public défavorisé, lorsque le taux de CMU dans la patientèle est important. Cette difficulté méritait d'être reconnue même si la valorisation est encore trop symbolique. Un pronostic pour votre succession ? Je ne peux rien dire car je ne sais pas qui va se présenter. Les candidats se détermineront samedi en fin d'après-midi, devant le comité directeur. Ce que je peux dire, c'est qu'un président de MG France doit être l'acteur d'une certaine continuité, il doit être reconnu en interne et auprès des interlocuteurs extérieurs. Mais je n'ai aucun doute que celui ou celle qui prendra la suite pourra compter sur l'ensemble des cadres dans les départements, dans les régions et au niveau national pour l'aider dans une prise de fonction qui, de toute façon, créera la fonction. Petit à petit, on prend la dimension du sujet et on a des cadres qui vous aident et vous donnent des idées, des journalistes qui vous posent des questions auxquelles il faut répondre. Et des interlocuteurs qui vous décrivent ce qui est possible ou pas. On se situe sans arrêt dans une stratégie de construction collective. Vous allez reprendre du service en médecine générale ? Pas reprendre, continuer ! On ne peut être président de MG France que si on est en activité. Et il ne s'agit pas d'une activité symbolique : j'ai 800 patients en tant que médecin traitant, j'ai une maison de santé dans laquelle je travaille autour de 2 jours et demi par semaine - le tout en parallèle avec la présence 7 jours sur 7 que nécessite la présidence de MG France. Donc, pour 2018, je vais augmenter mon temps de travail dans le cabinet car je fais un métier qui me passionne et qu'il faut bien que je continue à gagner ma vie. Je suis content de me réinvestir et passer plus de temps avec mes patients.
Il va passer la main après deux mandats et huit ans de présidence d'un syndicat qu'il a contribué à construire. Coup de projecteur indiscret sur cet homme discret, qui préfère parler de ses combats, et cacher ses jardins secrets.
Vingt-cinq ans de syndicalisme au service de la médecine générale, huit ans de présidence d'un syndicat national et une activité de généraliste en cabinet qui n'a jamais cessé, sachant que l'exercice actif est une condition statutaire exigée de tout président de MG France. Une obligation militante posée au moment de la création du syndicat, en 1986, au final un véritable scud tiré contre les présidents "salariés" ou retraités, les apparatchik honnis des maisons d'en face, à l'époque, la CSMF ou la FMF .
Au résultat, comme ses prédécesseurs dont aucun n'était parisien, Claude Leicher fut un teigneux, un bosseur, et un gros consommateur de train. Partageant son temps entre la capitale et Etoile sur Rhône, dans la Drôme. Consacrant parfois ses nuits aux négociations conventionnelles où, raconte la légende, il fut rattrapé au petit matin en 2012 sur le quai de la gare par un émissaire gouvernemental venu le supplier de revenir à la CNAM reprendre les négociations qu'il avait quitté, à bout de nerfs après deux jours de discussions hallucinantes et sans sommeil, autour de l'avenant N° 8.
Après Nicole Renaud la pionnière, Richard Bouton, Pierre Costes, Martial Olivier Koehret, Claude Leicher a contribué à alourdir plus encore le poids de la signature des généralistes, incontournable désormais dans tout contrat négocié avec la CNAM. Ses adhérents lui rendent hommage et on ne compte plus les standing ovations ayant salué ce leader populaire tout au long de sa présidence, après qu'il a rendu compte de son action face à ses troupes, à l'occasion de multiples assemblées générales.
Et c'est sans doute avec le sentiment du devoir accompli que cet amoureux de la haute montagne, époux d'une femme médecin tout juste retraitée, père de quatre enfants et bientôt grand-père de neuf petits-enfants, cet homme très "famille", pourra peut- être, au vu du travail accompli, enfin, songer à se reposer.
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus