Après 18 liposuccions ratées sur la même patiente, le généraliste est acquitté

15/04/2017 Par Catherine le Borgne
Faits divers / Justice

Un médecin d’origine roumaine ayant raté 18 opérations esthétiques sur une même patiente a été acquitté, vendredi, par le Tribunal de police de Genève (Suisse). La juge a considéré que même si le prévenu avait commis des erreurs, il n’avait violé ni son devoir de prudence ni les règles de l’art. En Suisse, a-t-elle rappelé, un généraliste a le droit d’effectuer des liposuccions. La plaignante, une infirmière, a toujours été complexée par ses rondeurs, explique la tribune de Genève. Il y a une vingtaine d’années déjà, elle avait subi une liposuccion des cuisses, de la culotte de cheval et des genoux ainsi qu’une réduction mammaire. Tout ceci sous anesthésie générale et en clinique.   Des vagues au niveau des jambes   Mais en 2011, elle n’a plus envie d’une anesthésie complète et d’une grosse intervention. Sur les conseils de sa mère, elle se rend chez un généraliste, le docteur X., lequel pratique de petites opérations en ambulatoire. Assez vite, elle remarque des vagues qui se forment au niveau de ses jambes après chaque chirurgie. Lorsque le médecin veut réparer le mal par une nouvelle intervention, le résultat est encore pire. Aurait-il dû s’arrêter ? Oui, selon le procureur Endri Gega. Oui, selon l’avocat de la plaignante, Me William Rappard, lequel brosse le portrait d’un médecin "peu scrupuleux qui a profité des complexes et des faiblesses" de sa cliente. Un généraliste ayant plusieurs fois changé de ville. "Ses nombreux déplacements laissent penser beaucoup de choses, mais on n’en saura pas plus aujourd’hui", dit-il. "La plaignante souffre, elle est déçue et insatisfaite face au manque de résultats. Mais ça ne suffit pas à faire de mon client un délinquant. Ce n’est ni un professeur Tournesol, ni un savant fou".   "Acharnement hors norme sur la patiente"   Les médecins et l’expert interrogés durant la procédure parlent d’un "acharnement hors norme sur la patiente". Ils pensent que le docteur aurait dû s’arrêter après la deuxième ou la troisième opération. Et, en tout cas, ne pas en arriver à 18 interventions. Avec, comme résultat, de grosses cicatrices, un spectacle affligeant du point de vue esthétique, sans compter les tiraillements et les douleurs au niveau des organes du périnée, lorsque la patiente est assise ou lors de rapports sexuels. Le plan graisseux physiologique a été détruit, si bien qu’une réparation est aujourd’hui impossible. Qu’en pense le prévenu ? "Madame avait des fesses énormes qu’on a diminuées de moitié." La juge : "Donc vous êtes content ?" Le prévenu : "J’ai fait de mon mieux. Mais comme je n’ai pas fini mon intervention, le résultat est partiel".  Autrement dit, si la patiente n’avait pas mis un terme aux chirurgies, il aurait continué : "Il y avait deux ou trois petites choses à corriger".  Pour le procureur, l’accusé a non seulement violé les règles de l’art mais aussi celles du simple bon sens. "Le prévenu n’a aucun titre de chirurgie esthétique, il n’est pas qualifié pour ça. Il faut une exactitude dans les gestes, on ne peut pas bricoler. Il a trahi la confiance de sa cliente".  Le magistrat requiert 200 jours-amendes (à 100 francs le jour) avec sursis pour lésions corporelles par négligence.  

Diplôme de Bucarest

  "La partie plaignante souffre, elle est déçue et insatisfaite face au manque de résultats, ce qui est parfaitement compréhensible, plaide Me Yvan Jeanneret à la défense. Mais ça ne suffit pas à faire de mon client le délinquant qu’on veut vous décrire".  Il est vrai qu’il n’a pas de qualification en chirurgie plastique, poursuit l’avocat. "Et il est confronté à la réprobation de cette caste. Mais il a une certaine expérience, il n’est pas venu ici avec son diplôme de Bucarest pour faire n’importe quoi". L’avocat souligne qu’avant chaque intervention, l’attention de la patiente a été attirée sur les risques encourus. Il rappelle que les complications survenues sont "classiques", comme le confirme l’expert. Et, toujours selon l’expert, si le résultat du traitement n’est pas satisfaisant, "on ne peut pas à proprement parler d’une violation des règles de l’art". Me Jeanneret plaide donc l’acquittement. Et il l'a obtenu.   [Avec tdg.ch ]

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