Mettre fin aux prescriptions inappropriées ou inutiles est un levier d’économies de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), rappelée à l’ordre par la Cour des comptes pour sa régulation des dépenses de santé "inaboutie" et guidée par la lettre de cadrage du ministre de la Santé. C’est donc l’heure de "la juste prescription". Dans le viseur, cinq classes de médicaments pour lesquelles la Cnam a relevé un mésusage par prescription : les antibiotiques (encore trop surprescrits) : les inhibiteurs de la pompe à protons (prescrits inutilement dans 80% des cas en prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS chez des patients non à risque) ; les antidiabétiques et particulièrement les analogues de GLP-1 (dont les remboursements ont augmenté de 20% en un an, avec un nombre de bénéficiaires trois fois plus élevé que la population cible) ; les analgésiques opioïdes (encore trop de mésusages et de risques de dépendance) et les benzodiazépines (prescrites trop longtemps et trop souvent aux personnes âgées).
Autres champs d’action : la lutte contre la polymédication des personnes âgées, les prescriptions d’actes de biologie médicale qui s’écartent des référentiels - au premier rang desquels les tests de vitesse de sédimentation, le dosage de la vitamine D et le dosage des hormones thyroïdiennes - et la chasse aux hospitalisations évitables. "En 2017, 265 000 hospitalisations pour des pathologies chroniques auraient pu être évitées", rappelait la Direction de la recherche, des études de l'évaluation et des statistiques (Drees) en juin 2023. "L’Assurance maladie entend rappeler les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) dans le traitement de certaines pathologies", promet-elle. Plus vert Suivant la feuille de route du Gouvernement "Planification écologique du système de santé" de mai 2023 qui veut déployer les "soins écoresponsables", l’Assurance maladie s’est engagée à "décarbonner" les prescriptions, et plus généralement le système de santé, pour la période 2023-2027. Action sûrement nécessaire puisque le secteur de la santé émet à lui seul autour de 49 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an, soit plus de 8% de l’empreinte carbone de la France, selon le groupe de réflexion The Shift Project, dans son rapport publié en avril 2023. La médecine de ville est responsable de près d’un quart (23%) de ces émissions. Comment ? En ajoutant la dimension santé environnementale dans toutes les campagnes de gestion du risque et de promotion de la santé et en expérimentant avec les partenaires conventionnels des actions de prévention en santé environnementale. Par ailleurs, pour limiter l’impact environnemental des produits de santé, l’Assurance maladie compte intégrer à leur tarification l’évaluation de leur coût-carbone en un système de bonus/malus, et réduire prioritairement le mésusage des médicaments et dispositifs médicaux ayant un impact carbone important. Reste à identifier les produits de santé polluants et avant tout constituer un groupe de travail ad hoc… Transition numérique L’échéance pour la mise en place de l’ordonnance électronique approche. Initiée en 2022 avec les médecins de ville et les pharmaciens pour la prescription des médicaments et des dispositifs médicaux et de tous les autres actes et soins, la généralisation de l’e-prescription doit être bouclée au plus tard pour fin 2024 pour tous les acteurs de la ville avec obligation de mise en œuvre à partir du 1er janvier 2025.
Pour autant, le Gouvernement a revu ses ambitions à la baisse et s’est fixé pour objectif que, à fin 2024, 40 000 médecins aient créé une première ordonnance numérique. L’utilisation de ce nouveau service nécessite de disposer d’un logiciel métier référencé Ségur.
"L’ordonnance numérique n’a pas d’impact sur le temps de consultation et préserve la liberté de prescrire", promet encore l’Assurance maladie. Dans son rapport de 2023, la Cour des comptes estime qu’avec ses cases obligatoires à cocher, ses éléments indispensables à renseigner sous peine d’impossibilité de prescrire (prescription en dénomination commune internationale…), la e-prescription aiderait à mieux distinguer les médicaments prescrits en relation avec une affection de longue durée ou à mieux repérer les atypies de durée ou de posologies. Elle limitera aussi la prescription hors-AMM en imposant au prescripteur de le mentionner. Enfin, la e-prescription pourrait aussi avoir un impact environnemental positif en limitant le recours au papier et en permettant, selon l’Assurance maladie, "la réduction des consultations visant seulement à obtenir des ordonnances en cas de perte du document papier et ainsi de réduire les déplacements associés". Bon pour l’écologie et l’économie.
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